une main qui tient une guitare

Perspectives

La Cour d’appel confirme que la prescription du recours personnel du représentant exige le rejet de l’action collective au stade de l’autorisation

Dans un jugement unanime rendu le 11 décembre 2019, la Cour d’appel (Morissette, Cotnam et Sanfaçon, J.C.A). réaffirme le principe suivant lequel le représentant, dont le recours personnel est prescrit à sa face même, n’a pas l’intérêt à poursuivre au nom du groupe qu’il souhaite représenter.1 Par conséquent, le critère de l’article 575 (4) du Code de procédure civile2 n’est pas respecté.

Contexte procédural

L’appelant, ayant souscrit à plusieurs plans de Régimes enregistrés d’épargne-étude (« REÉÉ ») auprès des défenderesses, moyennant des frais de souscription de 200 $ par unité, prétendait que cette pratique contrevenait aux articles 1.1 (7) et (11) du Règlement C-15 sur les conditions préalables à l'acceptation du prospectus des fondations de bourses d'études3. Celui-ci a fait valoir que le Règlement plafonnait les frais de souscription à 200 $ par plan souscrit. Au stade de l’autorisation, les défenderesses opposaient la prescription du recours personnel de l’appelant.  La Cour supérieure, ayant retenu le 31 décembre 2011 comme point de départ du délai de prescription de l’appelant, date à laquelle celui-ci a acquitté l’ensemble des frais de souscription, a jugé tardive l’introduction de cette demande d’autorisation d’exercer une action collective le 19 juin 2016, entraînant donc son rejet.

Décision

La Cour d’appel a confirmé que l’analyse d’une demande d’autorisation d’exercer une action collective doit, en vertu du critère de l’article 575 (4) CPC, tenir compte de l’intérêt du représentant à poursuivre, de sa compétence et de l’absence de conflits d’intérêts, ce qui exige que le recours personnel du représentant ne soit pas prescrit. Ainsi, même si l’appelant a tenté de modifier sa théorie de la cause afin d’invoquer de nouveaux motifs susceptibles de repousser le point de départ de la prescription, l’autorisation devait être rejetée en l’absence d’allégations de fait claires soutenant de telles prétentions dans la demande initiale. Il appartient donc au demandeur dans une action collective de respecter les conditions d’exercice énoncées à l’article 575 CPC, incluant celle de démontrer qu’il est un représentant adéquat ayant les qualités requises pour agir au nom du groupe.

La Cour d’appel a aussi réitéré le principe selon lequel une partie qui a gain de cause en première instance n’avait pas à former un appel incident afin d’attaquer les motifs du premier juge auxquels elle ne souscrit pas. En effet, les intimées ont plaidé que le juge avait erré en concluant que la condition énoncée au paragraphe 575 (2) CPC était respecté, soit la nécessité de démontrer une cause défendable. La Cour d’appel a rejeté la prétention de l’appelant à l’effet que les intimées devaient se pourvoir au moyen d’un appel incident afin d’invoquer ce motif. Le tribunal n’a toutefois pas considéré qu’il était prématuré, à ce stade, de réformer la conclusion du juge Riordan à cet égard.

L’appel a donc été rejeté, confirmant qu’il n’y avait pas lieu d’autoriser l’action collective.

Conclusion

Il appert donc que le choix d’un représentant dont le recours n’est pas prescrit est crucial au terme de l’article 575 (4) CPC. Autrement, le défaut de respecter cette exigence pourrait entraîner le rejet d’une demande d’autorisation d’une action collective à moins qu’il ne soit remplacé en cours d’instance par un représentant dont le recours personnel valable et qui a donc un intérêt à poursuivre. Autre aspect intéressant de cet arrêt, la Cour d’appel réaffirme le principe suivant lequel l’appel est formé à l’encontre du dispositif du jugement et non sur ses motifs. Ainsi, l’intimé peut valablement attaquer certaines conclusions du jugement qui lui sont défavorables sans devoir former un appel incident.

Soulignons que dans cette affaire, nos associés Stéphane Pitre et Anne Merminod ont représenté les intimées Canadian Scholarship Trust Foundation et C.S.T. Consultants inc. en première instance ainsi qu’en appel.


1 Segalovich c. C.S.T. Consultants inc., C.A. (Montréal), n. 500-09-027725-183, 11 décembre 2019, jj. Morissette, Cotnam, Sansfaçon.

2 RLRQ, c. C-25.01 (le « CPC »).

3 RLRQ c. V-1.1, r. 44 (le « Règlement »).

Contact connexe