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Suite à l'acquittement d'accusations pénales

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Le 17 octobre dernier, la Cour supérieure du Québec, sous la plume de l’honorable Danielle Turcotte, J.C.S., faisait le point sur l’immunité dont jouit l’Autorité des marchés financiers (l’«AMF») dans le cadre d’un recours civil pour des dommages subis en lien avec des accusations pénales dont l’accusé a été acquitté (Legault c. AMF).

La Cour conclut que même dans le cas d'une enquête bâclée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, un individu acquitté d'accusations pénales ne peut avoir gain de cause en vertu de l'immunité dont l'AMF jouit, sauf si les accusations sont portées avec une intention malveillante et sans motif raisonnable (conformément aux enseignements de la CSC dans les affaires Nelles et Hill, notamment). De plus, les communiqués de presse publiés par l'AMF sont inclus dans les activités protégées par son immunité. En raison de cette immunité, une telle poursuite est caractérisée par la Cour comme étant abusive et vouée à l'échec.

En 2012, l'AMF dépose une plainte pénale conjointe contre Me Pierre Legault, notaire, (le «Demandeur») et Simon Déry («Déry»), qui auraient sollicité des prêts auprès d'investisseurs sans être courtiers en valeurs mobilières tout en promettant un rendement annuel de 24%. En 2015, le Demandeur est acquitté des huit chefs d'accusation qui pèsent contre lui, Déry ayant préalablement plaidé coupable à seize chefs d'accusation. Autant au moment de la poursuite qu'au prononcé du jugement, l'AMF publie des communiqués de presse sur son site résumant la teneur des accusations et de la décision. Selon le Demandeur, l'AMF aurait effectué une enquête bâclée, aurait déposé une plainte non fondée et aurait publié des communiqués de presse diffamatoires sur son site web, menant à des dommages d'une valeur de trois millions de dollars. En effet, la réputation du Demandeur aurait été entachée et il aurait perdu plusieurs clients.

La juge Turcotte analyse l'enquête effectuée par l'AMF, notamment le reproche du Demandeur qu'il n'ait pas été interrogé au préalable. Même si la Cour détermine que l'enquête a été menée avec diligence, on y rappelle qu'en vertu de l'immunité des enquêteurs issue de la Loi sur les commissions d'enquête, même si le Demandeur avait démontré que l'enquêteuse avait commis une faute à l'occasion de son enquête celle-ci serait couverte par l'immunité dont l'A.M.F. est investie. 

Quant au dépôt de la plainte, le Demandeur soutient que les procureurs de l'AMF ne bénéficient pas de la même immunité que le Directeur des poursuites criminelles et pénales, ce que la Cour rejette. En effet, dans le cadre d'une poursuite civile contre un poursuivant, la Cour suprême a déjà déterminé (notamment dans R c. Nelles, [1989] 2 RCS 170 et Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 RCS 1130) que lorsque des procédures mènent à une décision favorable au demandeur, celui-ci ne peut avoir gain de cause sans démontrer (i) l'absence de motif raisonnable et probable et (ii) une intention malveillante ou autre que l'application de la loi. Cela n'est pas le cas en l'espèce.

Enfin, en ce qui a trait aux communiqués de presse prétendument diffamatoires publiés sur le site de l'AMF, la Cour établit que ceux-ci sont également couverts par l'immunité du poursuivant, puisque l'AMF a le devoir d'informer le public afin de le protéger en vertu de la Loi sur l'autorité des marchés financiers.

Par conséquent, le recours du Demandeur est rejeté, et celui-ci est également condamné à payer 5000$ à l'AMF en compensation de l'abus de procédure commis. En effet, sa poursuite est caractérisée par la Cour comme étant téméraire et vouée à l'échec depuis le début, notamment en raison de l'immunité de l'AMF.

  • By: Gabrielle Tremblay