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Perspectives

Les contrats à durée déterminée, ou comment 2 semaines de paie se sont transformées en 27 mois de salaire

La Cour d'appel de l'Ontario a accordé à un directeur commercial qui comptait moins de 2 années de service, mais qui avait un contrat à durée déterminée, plus de 27 mois de salaire après son congédiement sans motif sérieux. Cette décision met en lumière l'importance pour les employeurs de rédiger avec soin tout contrat de travail qu'ils signent avec un employé.

Dans l'arrêt Howard v. Benson Group Inc., l'employeur a conclu un contrat de travail à durée déterminée de 5 ans avec un employé pour le poste de directeur de la promotion des ventes. L'emploi a débuté en septembre 2012. L'employeur a congédié l'employé en juillet 2014. Ce dernier, alors âgé de 57 ans, touchait un salaire de base de 60 000 $ par année, avantages sociaux en sus.

La clause de cessation d'emploi est ambiguë et non exécutoire

Le contrat d'emploi comportait une disposition expresse de cessation d'emploi anticipée qui se lisait comme suit :

[Traduction] « L'employeur peut mettre fin à l'emploi en tout temps et les sommes versées à l'employé doivent correspondre à ce que prévoit la Loi de 2000 sur les normes d'emploi (Ontario). »

Compte tenu de la durée de ses services, l'employé a reçu un préavis de deux semaines conformément à la Loi de 2000 sur les normes d'emploi (la « Loi »).

Le juge saisi de la requête qui a entendu la cause en jugement sommaire a conclu que, en raison de son ambiguïté, la clause de cessation d'emploi était non exécutoire; en effet, les droits conférés à l'employé en vertu de la Loi n'y étaient pas clairement définis. Le contrat, notamment, ne précisait pas le droit au maintien des avantages sociaux dévolu à l'employé durant le délai de préavis comme l'exige la Loi.

Par conséquent, le juge a conclu que l'employé avait droit au préavis de licenciement prévu en common law, mais pas aux dommages-intérêts pour rupture de contrat. Il a ordonné la tenue d'un procès sur les questions du délai de préavis approprié et de l'obligation de l'employé de mitiger ses dommages. Mais l'employé a fait appel afin d'obtenir des dommages-intérêts correspondant au plein montant qui lui était dû pour la période de 27 mois qui restait à courir au terme du contrat.

Préavis contractuel accordé

La Cour d'appel a conclu que l'employé avait droit à 27 mois de salaire parce que l'employeur avait violé le contrat d'emploi en mettant prématurément fin à la relation d'emploi en l'absence d'une clause de cessation d'emploi anticipée valide. La Cour a aussi conclu que l'employé n'était pas tenu de mitiger ses dommages en tentant d'obtenir un autre emploi au cours du délai de préavis.

La Cour a estimé que, lorsqu'un contrat d'emploi a une durée déterminée, la relation d'emploi s'éteint automatiquement à la fin de son terme, sans obligation de la part de l'employeur de donner un préavis ou une indemnité tenant lieu de préavis. Un contrat à durée déterminée a pour effet d'annuler la condition implicite d'une relation d'emploi selon laquelle un préavis suffisant doit être donné pour mettre fin à l'emploi.

L'employeur et l'employé étaient libres d'inclure une clause prévoyant une cessation d'emploi anticipée et de préciser un délai de préavis ou une indemnité tenant lieu de préavis. Mais puisqu'aucune clause exécutoire de cette nature ne figurait au contrat d'emploi, l'employé avait droit au salaire qu'il aurait reçu jusqu'à la fin du terme du contrat.

La Cour d'appel a rejeté l'argument de l'employeur selon lequel un tel résultat donnerait un avantage inattendu à l'employé, pour les raisons suivantes :

  • l'employeur avait rédigé le contrat d'emploi et l'employé n'était pas une partie avertie;
  • si un employeur n'utilise pas un langage clair et sans équivoque et, qu'au lieu de cela, il rédige une clause de cessation d'emploi ambiguë ou vague qui se révèle ultérieurement non exécutoire, il ne peut se plaindre d'être tenu de respecter les autres conditions du contrat.

Par son raisonnement, la Cour met assurément les employeurs en garde quant à la nécessité d'être extrêmement prudents dans la rédaction de leurs contrats de travail.

Enfin, la Cour a soutenu que l'employé n'avait pas non plus à mitiger ses dommages. Ainsi, tout revenu que l'employé a pu tirer d'autres sources au cours de la durée restante de son contrat ne serait pas déduit des dommages-intérêts octroyés. La Cour a estimé qu'en l'absence d'une disposition contractuelle exécutoire stipulant un préavis déterminé, ou de toute autre disposition contraire, un contrat d'emploi à durée déterminée oblige l'employeur à rémunérer l'employé jusqu'à la fin de la durée du contrat et que, en cas de rupture prématurée du contrat, l'employé n'a pas l'obligation de mitiger ses dommages.

Leçon à retenir pour les employeurs

La coûteuse leçon qu'il faut retenir dans l'affaire Howard, c'est que l'employeur aurait pu éviter d'avoir à assumer cette obligation financière importante et imprévue en ajoutant une clause de cessation d'emploi anticipée exécutoire dans son contrat d'emploi à durée déterminée.

Dans les contrats à durée indéterminée, une clause de cessation d'emploi non exécutoire aura pour seul effet d'habiliter un employé à recevoir un préavis de licenciement en common law. De plus, elle est subordonnée à l'obligation qui incombe à l'employé de mitiger ses dommages.

L'arrêt Howard démontre que les clauses de cessation d'emploi prévues dans les contrats d'emploi à durée déterminée peuvent même se révéler plus problématiques parce qu'une clause de cessation non exécutoire habilitera l'employé à toucher la totalité du salaire pendant la période qui reste à courir jusqu'à l'arrivée du terme et ce, sans avoir, en contrepartie, une obligation de mitiger ses dommages.

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