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Perspectives

David défait goliath

Les Commissions des valeurs mobilières confirment que Dolly Varden peut aller de l'avant avec un placement privé face à l'offre d'achat d'initié de Hecla et exigent de cette dernière qu'elle fournisse une évaluation officielle

Le 22 juillet 2016, à l'issue d'audiences conjointes, la British Columbia Securities Commission (Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique, ou « BCSC ») et la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario (la « CVMO ») ont confirmé que Dolly Varden Silver Corporation (« Dolly Varden ») pouvait conclure un placement privé de 6 millions de dollars canadiens (le « placement privé ») en dépit du fait que Hecla Mining Company (« Hecla ») et les membres de son groupe avaient fait une offre publique d'achat (l'« offre d'achat d'initié ») pour la totalité des actions ordinaires de Dolly Varden (les « actions »). En outre, la CVMO a ordonné une interdiction d'opérations à l'égard de l'offre d'achat d'initié de Hecla jusqu'à ce que celle-ci obtienne, à ses frais, une évaluation officielle conformément à la Norme multilatérale 61-101 sur les mesures de protection des porteurs minoritaires lors d'opérations particulières et qu'elle la soumette aux porteurs d'actions (les « actionnaires ») en tant qu'annexe à la circulaire d'offre d'achat d'initié datée du 8 juillet 2016 (l'« offre d'achat d'initié modifiée »). La CVMO a ordonné que l'offre d'achat d'initié modifiée, à moins qu'elle ne soit résiliée par anticipation, demeure valable pendant 35 jours après sa communication ou jusqu'à la « date d'expiration » précisée dans l'offre, selon la dernière de ces éventualités. Après l'annonce de la décision des Commissions, Hecla a retiré et résilié l'offre d'achat d'initié.

Les parties

Dolly Varden est une petite société d'exploration minière dont les actions sont inscrites à la cote de la Bourse de croissance TSX. Au 15 juillet 2016, sa capitalisation boursière s'établissait à 10,9 millions de dollars canadiens.

Hecla est une grande société minière d'exploitation de l'argent et l'un des plus importants actionnaires de Dolly Varden depuis 2012, conservant en tout temps une participation aux actions avec droit de vote supérieure à 10 %. Au 15 juillet 2016, sa capitalisation boursière se chiffrait à 2,38 milliards de dollars américains.

Contexte

En septembre 2012, Hecla est devenue actionnaire en prenant part à un placement privé qui lui a permis d'acquérir 19,9 % des actions et de conclure avec Dolly Varden une entente sur les droits accessoires (l'« entente sur les droits accessoires ») aux termes de laquelle Hecla se voyait octroyer certains droits, tels la capacité de nommer un membre au conseil d'administration de Dolly Varden, le maintien de sa participation au prorata dans Dolly Varden relativement à toute émission de titres et la nomination d'un membre au comité technique de Dolly Varden (le « Comité technique »).

À l'assemblée des actionnaires du 26 juillet 2013, Mme Rosalie C. Moore, alors consultante auprès de Hecla, a été élue au conseil d'administration à titre de représentante de Hecla. Le 23 janvier 2015, Hecla a modifié l'entente de consultation conclue avec Mme Moore de manière à permettre son détachement auprès de Dolly Varden. Depuis cette date, Mme Moore agit comme présidente intérimaire et chef de la direction de Dolly Varden. Sa fonction de consultante auprès de Hecla a pris fin le 16 janvier 2016 et elle est actuellement le seul employé à plein temps de Dolly Varden.

En septembre 2015, Dolly Varden a conclu un accord de crédit avec Hecla, à titre de mandataire et de prêteur, et M. Robert L. Gipson, à titre de prêteur (le « prêt assorti de restrictions »), qui prévoyait une avance initiale de 1,5 million de dollars canadiens. Le prêt assorti de restrictions était garanti par des biens de Dolly Varden, et il était interdit à Dolly Varden (i) d'émettre des titres de créance, de contracter ou d'assumer des dettes additionnelles ou de se rendre autrement responsable de telles dettes, ou (ii) d'émettre tout titre que ce soit sans le consentement de Hecla. Dolly Varden devait utiliser le produit du prêt assorti de restrictions uniquement pour s'acquitter de ses obligations liées au financement accréditif en 2015 et, par la suite, pour s'assurer d'avoir le strict montant minimum requis en fonds de roulement.

De décembre 2015 à avril 2016, Dolly Varden a essayé d'obtenir de Hecla et de Gipson qu'ils consentent soit à convertir le prêt assorti de restrictions en capitaux propres, soit à l'autoriser à réaliser un financement par émission d'actions pour lui permettre de rembourser le prêt assorti de restrictions et de bénéficier du financement supplémentaire requis pour l'exploration de sa propriété argentifère. Hecla et Gipson ont refusé de consentir dans les deux cas.

En mai 2016, le conseil d'administration a mis au point un plan en vue de réunir les fonds requis pour rembourser le prêt assorti de restrictions et poursuivre l'exploration de la propriété argentifère de Dolly Varden. Suivant ce plan, Dolly Varden devait contracter un prêt supplémentaire d'un montant suffisant pour rembourser intégralement le prêt assorti de restrictions et, après avoir été libérée de son obligation au titre de ce dernier, annoncer un placement privé pour acquitter le nouveau prêt et mobiliser les capitaux nécessaires à l'exploration, à l'augmentation de l'effectif et au maintien du fonds de roulement.

Le 13 juin 2016, Dolly Varden a conclu un accord d'emprunt (le « nouvel accord d'emprunt ») aux termes duquel de nouveaux prêteurs ont fait l'apport d'un produit d'emprunt à court terme de 2,5 millions de dollars canadiens. Dolly Varden était autorisée à rembourser l'emprunt par voie d'émission de titres de participation sans avoir besoin du consentement des prêteurs. Dolly Varden a donné le préavis de 10 jours prévu aux termes du prêt assorti de restrictions pour aviser Hecla qu'elle rembourserait par anticipation le solde impayé du prêt assorti de restrictions.

Le 27 juin 2016, le conseil d'administration s'est réuni et a décidé d'aller de l'avant avec un placement privé dès que le prêt assorti de restrictions aurait été intégralement remboursé.

Puis, le 27 juin 2016, Hecla a publié un communiqué de presse annonçant son intention de faire une offre visant l'ensemble des actions en circulation qu'elle ne possédait pas déjà.

Le 29 juin 2016, Borden Ladner Gervais, S.E.N.C.R.L., S.R.L., à titre de conseiller juridique de Dolly Varden, a avisé Hecla que son offre d'achat d'initié nécessitait la préparation d'une évaluation officielle qui serait examinée par un comité d'administrateurs indépendants de Dolly Varden en application de la Norme multilatérale 61-101.

Le 4 juillet 2016, Dolly Varden a utilisé le produit du nouvel emprunt pour rembourser le prêt assorti de restrictions et se libérer de toutes les obligations connexes. Le conseil d'administration s'est réuni et a nommé un comité spécial composé d'administrateurs indépendants qui seraient chargés d'examiner l'offre officielle, si une telle offre était reçue.

Le 5 juillet 2016, Dolly Varden a annoncé son intention de réaliser le placement privé. Dolly Varden n'a imposé aucune restriction quant à la possibilité pour les investisseurs dans le cadre du placement privé de déposer leurs actions en réponse à une offre, si une offre était faite par Hecla ou un autre initiateur. Aux termes de l'entente sur les droits accessoires, Dolly Varden a envoyé les avis requis de façon à ce que Hecla puisse prendre part au placement privé et conserver sa participation au prorata dans Dolly Varden.

Le 8 juillet 2016, 1080890 British Columbia Limited, filiale en propriété exclusive indirecte de Hecla Mining Company, a officiellement fait l'offre d'achat d'initié en déposant une circulaire d'offre publique d'achat. L'offre d'achat d'initié était assortie d'une condition suivant laquelle Dolly Varden s'abstiendrait d'émettre ou de vendre ses propres titres ou d'en autoriser l'émission. Le même jour, Hecla s'est adressée à la BCSC pour obtenir une ordonnance d'interdiction d'opérations dans le cadre du placement privé (l'« audience sur le placement privé »).

Le 11 juillet 2016, Dolly Varden a déposé une demande d'interdiction d'opérations dans le cadre de l'offre d'achat d'initié auprès de la CVMO (l'« audience sur l'offre d'achat d'initié ») au motif que la circulaire d'offre publique d'achat n'incluait pas d'évaluation officielle, tel que l'exige la Norme multilatérale 61-101.

Le 12 juillet 2016, Hecla a avisé Dolly Varden de son intention de conserver sa participation au prorata et de prendre part au placement privé.

Le 15 juillet 2016, les Commissions ont publié un avis d'audience fixant aux 20 et 21 juillet 2016 la tenue simultanée de l'audience sur le placement privé et de l'audience sur l'offre d'achat d'initié.

Le 22 juillet 2016, les Commissions ont publié des ordonnances issues des audiences simultanées, en précisant que les motifs de décision suivraient. Les Commissions ont rejeté la demande d'interdiction d'opérations dans le cadre du placement privé de Hecla et la CVMO a rendu une ordonnance d'interdiction d'opérations dans le cadre de l'offre d'achat d'initié jusqu'à ce que les actionnaires aient reçu l'offre d'achat d'initié modifiée.

Commentaire

Au Canada, les mesures défensives adoptées en réaction à des offres publiques d'achat sont régies par le Règlement 62-104 sur les offres publiques d'achat et de rachat. La décision Dolly Varden constitue la première affaire abordant une mesure défensive alléguée depuis l'entrée en vigueur en mai 2016 de cette norme qui impose notamment le dépôt d'au moins 50 % des actions, une période de prolongation de 10 jours et une période de dépôt de 105 jours. De nombreuses spéculations ont été faites dans la presse financière quant à la possibilité que les placements privés tactiques deviennent la prochaine « pilule empoisonnée », comme stratégie défensive privilégiée en réaction aux offres publiques d'achat hostiles au Canada. Toutefois, il ne faudrait pas croire que cette décision donne carte blanche aux sociétés cibles pour recourir aux placements privés en réponse à de telles offres d'achat.

Un certain nombre de circonstances factuelles dans cette affaire (un besoin réel et urgent de financement de la part de Dolly Varden, le fait que le placement privé a été planifié avant l'offre d'achat d'initié, l'absence de restrictions quant au dépôt des actions en réponse à l'offre d'achat d'initié pour les souscripteurs du placement privé et le droit pour Hecla de conserver sa participation au prorata dans Dolly Varden) donnent à penser que le placement privé de Dolly Varden ne constituait pas une mesure défensive abusive.

Les Commissions n'ont pas encore fait connaître leurs motifs, mais il est probable qu'à la lumière des circonstances précitées l'analyse sera centrée sur les faits et présentera un caractère contextuel. Les conseils d'administration devraient en de telles circonstances continuer à faire preuve de prudence et à se montrer ouverts à des conseils ciblés. Les motifs qui seront rendus publics prochainement apporteront vraisemblablement des orientations pratiques utiles pour les initiateurs d'offres d'achat, les sociétés cibles et leurs conseillers.

Équipe BLG

BLG agit comme conseiller juridique auprès de Dolly Varden et a représenté celle-ci lors de la tenue simultanée des audiences.

L'équipe de BLG spécialisée en valeurs mobilières était dirigée par Fred Pletcher et Melanie Bradley, secondés de Warren Learmonth, Stephen P. Robertson, Julie BogleJoelle Dudelzak et des stagiaires Kelsey McIntyre, Breanne Lehodey et Lauren DeGoey.

L'équipe de BLG spécialisée en litige était dirigée en Colombie-Britannique par Robert Deane, secondé de Steve Warnett, Hunter Parsons et du stagiaire Benjamin Reedijk, et en Ontario par David Di Paolo, secondé de Caitlin SainsburyMaureen Doherty et Graham Splawski.

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