une main qui tient une guitare

Perspectives

Sens élargi de la relation employeur-employé au sein du « milieu de travail moderne »

Dans la décision TFC Ventures Corporation v. The Cambie, 2016 BCSC 1521, la Cour suprême de la Colombie-Britannique devait déterminer si une relation contractuelle inédite entre deux sociétés constituait un lien employeur-employé. En avril 2009, le demandeur (par l'entremise de sa société personnelle) a commencé à travailler pour la défenderesse à titre de directeur des finances. Au cours de cette relation de travail, ses responsabilités et sa rémunération ont changé plusieurs fois. À un moment donné, il a également accepté de jouer un rôle dans le cadre d'une collecte de fonds et a reçu, dans ce contexte, une commission de 4 % sur le capital qu'il avait recueilli pour les entreprises en phase d'expansion de la défenderesse. En outre, en septembre 2012, il a conclu un contrat de consultant avec un client tiers, ce qui a compliqué encore plus la nature de sa relation avec la défenderesse. À la fin du mois d'octobre 2012, le rapport entre les parties s'était détérioré. Le demandeur a été licencié et a intenté un recours contre la défenderesse en soutenant qu'il avait fait l'objet d'un congédiement injustifié.

La Cour était appelée à trancher deux questions principales. Tout d'abord, elle devait déterminer si la relation entre le demandeur et la défenderesse était du type employeur-employé. Ensuite, il lui fallait se prononcer sur le préavis, si applicable, auquel le demandeur aurait eu droit par suite de son congédiement injustifié. La Cour a reconnu qu'il y avait des « différences considérables » entre la relation qui liait les parties en l'espèce et celle que l'on pourrait décrire comme une relation d'emploi « traditionnelle ». Ainsi, les fonctions du demandeur avaient changé plusieurs fois, il n'y avait aucun contrat de travail officiel entre les parties et le demandeur avait agi à titre de consultant pour un tiers alors qu'il travaillait au sein de la défenderesse. Toutefois, la Cour a signalé que le droit du travail a évolué et reconnait dorénavant les « réalités du milieu de travail moderne ». De nos jours, les parties peuvent conclure une variété d'arrangements et la relation entre les travailleurs et ceux à qui ils offrent leurs services « ne sont pas simplement binaires ». En d'autres termes, il est de plus en plus difficile de définir ces types de relations comme celles d'un employeur-employé ou encore celles qui lient une société et un entrepreneur indépendant.

Pour déterminer si le demandeur était un employé, la Cour a appliqué la liste non-exhaustive des facteurs retenus par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans la décision Marbry Distributors Ltd. v. Avrecan Int. Inc., qui tenait compte des éléments suivants : la durée et la permanence de la relation, le niveau de dépendance, l'étroitesse des liens de travail et l'importance de l'exclusivité. La Cour a déterminé que, malgré le fait que la prestation des services se soit faite par l'entremise d'une société et que l'exclusivité n'ait pas été complète, la nature de la relation était celle d'un employeur-employé et non celle d'un employeur et d'un entrepreneur purement indépendant.

Après avoir conclu que le demandeur était un employé, la Cour devait fixer le délai de préavis raisonnable auquel ce dernier avait droit. La Cour a déterminé que le délai de préavis correspondait à 9 mois. Compte tenu du salaire du demandeur au moment de la cessation d'emploi (c'est-à-dire 75 000 $) et de la commission qu'il avait touchée, le montant total au titre du préavis raisonnable de 9 mois représentait 131 250 $.

Toutefois, la Cour a déduit de cette somme le montant touché par le demandeur dans le contexte de ses activités de consultation envers le tiers, ce qui a réduit le montant total des dommages-intérêts attribués à 107 893,33 $.

Cette décision est significative pour deux raisons. En premier lieu, elle souligne les risques auxquels les entreprises s'exposent lorsqu'elles caractérisent une relation comme étant une relation contractuelle alors qu'elle s'apparente plutôt à une relation d'emploi. En second lieu, la décision met en évidence le fait que des dommages-intérêts considérables peuvent être accordés à titre de préavis à des employés, même travaillant depuis peu au sein de l'organisation (ici un peu au-delà de trois ans).