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Perspectives

La Cour rejette la demande d'injonction d'un syndicat pour empêcher le dépistage aléatoire de drogues et d'alcool

Le 3 avril 2017, la Cour supérieure de justice de l'Ontario a rejeté la demande d'injonction interlocutoire du Syndicat uni du transport, section locale 113 (le « syndicat ») visant à empêcher l'application d'une politique de dépistage aléatoire de drogues et d'alcool à ses membres. Le syndicat demandait une injonction dans l'attente de l'arbitrage d'un grief de principe (Amalgamated Transit Union, Local 113 v. Toronto Transit Commission, 2017 ONSC 2078).

Contexte et objectif de la politique

L'employeur, la Toronto Transit Commission (la « TTC »), a approuvé la mise en place d'une « politique d'aptitude au travail » (la « politique ») visant à préserver la santé et la sécurité de ses employés, de ses clients et du public.

Selon cette politique, les employés de la TTC doivent être aptes physiquement et mentalement à accomplir leurs tâches, et ce, sans restrictions liées notamment à la consommation de drogues et d'alcool. Elle prévoit également un test de dépistage de drogues et d'alcool pour les employés qui occupent des postes critiques pour la sécurité ou d'autres fonctions particulières, dans les circonstances suivantes :

  1. s'il y a raisonnablement lieu de croire que la consommation d'alcool ou de drogues rend l'employé inapte à remplir ses fonctions;
  2. dans le cadre d'une enquête approfondie sur un grave accident ou incident de travail;
  3. en cas de retour au travail d'un employé après violation de la politique;
  4. dans l'éventualité où un employé reprendrait ses fonctions après avoir suivi un traitement pour alcoolisme ou toxicomanie;
  5. comme condition finale à une nomination à un poste critique pour la sécurité.

Bien que la politique ne prévoie pas expressément de dépistage aléatoire lors de sa mise en place, la TTC a informé le syndicat qu'elle se réservait le droit de procéder à ce type de test, et la politique a par la suite été modifiée pour autoriser expressément cette pratique. Avant l'entrée en vigueur de la politique, le syndicat a déposé un grief de principe, alléguant que la politique contrevenait dans son intégralité à la convention collective.

Le grief a été renvoyé à l'arbitrage, qui a débuté le 8 mars 2011. À la date de l'audition de la demande d'injonction du syndicat pour février et mars 2017, la TTC n'avait même pas commencé à exposer son point de vue.

Le syndicat n'a pas rempli les critères de l'injonction

Afin d'obtenir l'injonction demandée, le syndicat devait démontrer que la demande respectait les critères bien établis suivants :

  1. l'existence d'une question sérieuse à trancher;
  2. l'existence d'un préjudice irréparable subi par le syndicat ou ses membres en cas de refus du redressement;
  3. la prépondérance des inconvénients qui, compte tenu de l'intérêt public, favorise l'octroi du redressement provisoire demandé.

Concernant le premier critère, la Cour a convenu qu'il existait une question sérieuse à analyser. Plus précisément, l'arbitre devait déterminer comment la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 SCC 34 (« Irving ») pourrait s'appliquer en l'espèce et si les exigences minimales à la mise en œuvre d'une telle politique établies dans l'affaire Irving étaient respectées. Ce critère du test visant la délivrance d'une injonction a donc été rempli.

Sur la question du préjudice irréparable qui serait subi en l'absence d'injonction, le syndicat a présenté un certain nombre d'arguments, notamment ceux, pour les employés, d'une atteinte à la vie privée, d'un préjudice psychologique, de conséquences liées à de faux-positifs et d'un préjudice subi par suite d'un congédiement injuste. La Cour a conclu qu'il existait pour les employés des moyens adéquats d'obtenir des dommages-intérêts dans ces cas et que des dommages pécuniaires offriraient une compensation suffisante, quel que soit le préjudice subi. Par conséquent, ce critère n'ayant pas été rempli, la Cour a rejeté la demande du syndicat, avec dépens.

Bien qu'elle ait rejeté la demande du syndicat, la Cour a tout de même examiné le troisième critère, dans l'éventualité où elle se serait trompée sur le deuxième. À cet égard, elle a estimé que, si le dépistage aléatoire de drogues et d'alcool est autorisé, la probabilité, d'une part, de détecter un employé enclin à consommer de la drogue ou de l'alcool et occupant un poste critique pour la sécurité et, d'autre part, de le dissuader de consommer s'en trouverait augmentée, ce qui contribuerait à accroître la sécurité publique. La Cour a conclu que la prépondérance des inconvénients avantageait la TTC et a de nouveau indiqué que les employés subissant un préjudice par suite de ce type de dépistage pourraient obtenir une réparation adéquate sous la forme d'une compensation pécuniaire.

La TTC a eu gain de cause et la Cour lui a accordé des dépens de 100 000 $.

Si la TTC l'a emporté cette fois-ci, cela ne signifie pas qu'elle sera autorisée à maintenir la politique ni à procéder à un dépistage aléatoire de drogues et d'alcool dans l'avenir. Nous devrons garder l'œil ouvert sur le résultat de la procédure d'arbitrage en cours et la capacité de la TTC à convaincre l'arbitre qu'elle remplit les conditions requises à la mise en place d'un dépistage aléatoire telles qu'elles ont été énoncées dans l'affaire Irving. Affaire à suivre.

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