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Perspectives

Présumer qu'un employé a démissionné peut se révéler coûteux pour l'employeur

Les décisions rendues dans les causes Johal v. Simmons da Silva LLP, 2016 ONSC 7835 et Bishop v. Rexel Canada Electrical Inc., 2016 BCSC 2351 démontrent les risques auxquels les employeurs sont exposés lorsqu'ils présument qu'un employé a démissionné.

En règle générale, lorsqu'il démissionne volontairement de son poste, l'employé ne peut pas intenter une action pour congédiement injustifié. Toutefois, la loi indique clairement que, pour qu'elle soit valide et exécutoire, la démission doit être « claire et non équivoque ». Bien que les gestes ou les paroles d'un employé puissent laisser croire qu'il a démissionné, l'employeur doit également tenir compte des intentions de l'employé avant de présumer qu'il a démissionné. Récemment, les décisions rendues dans les causes Johal v. Simmons da Silva LLP, 2016 ONSC 7835 et Bishop v. Rexel Canada Electrical Inc., 2016 BCSC 2351 démontrent les risques auxquels les employeurs sont exposés lorsqu'ils présument qu'un employé a démissionné.

Dans la cause Johal v. Simmons da Silva LLP, 2016 ONSC 7835, l'employée, Mme Johal, était une parajuriste d'expérience en droit de la famille qui était à l'emploi du cabinet depuis 27 ans et était chargée de coordonner le travail des parajuristes du cabinet. Au cours d'une réunion, l'employeur a avisé Mme Johal que, à l'avenir, une autre parajuriste, qui revenait d'un congé de maternité, s'occuperait de la coordination du travail. En raison du changement proposé, après la réunion, Mme Johal a quitté le travail hâtivement. Le jour suivant, Mme Johal s'est rendue au cabinet et a récupéré ses effets personnels, puis a remis son laissez-passer de sécurité à son employeur. Ce dernier n'a pas tenté de communiquer avec elle. Mme Johal n'est pas retournée au travail et n'a communiqué avec son employeur que le cinquième jour suivant la remise de son laissez-passer de sécurité. L'employeur ne lui a pas permis de revenir au travail et a présumé que Mme Johal avait démissionné. Mme Johal a par la suite déposé une action pour congédiement injustifié.

La Cour supérieure de justice de l'Ontario s'est penchée sur la législation en matière de démission et a indiqué que, pour établir si les paroles ou les gestes de l'employé correspondent à une démission « claire et non équivoque », ils doivent être interprétés dans leur contexte et on doit tenir compte des circonstances. De plus, la Cour a indiqué qu'un employé peut revenir sur sa décision, pourvu que l'employeur n'ait pas tenu sa démission pour acquise et ne subisse pas de préjudice. Dans la présente affaire, la Cour a relevé le fait que Mme Johal comptait 27 années de service et que, lorsqu'elle a remis son laissez-passer de sécurité, l'employeur n'a pas enquêté sur le motif de son geste. De plus, l'employeur n'a pas tenu de rencontre de suivi et n'a pas davantage tenté de communiquer avec Mme Johal après qu'elle a remis son laissez-passer de sécurité. En outre, la Cour a fait remarquer que Mme Johal n'avait pas remis d'avis de démission à l'employeur et n'a jamais déclaré qu'elle démissionnait. Étant donné les circonstances, la Cour a conclu que Mme Johal n'avait pas démissionné. La Cour a statué que, même s'il n'avait pas d'obligation de protection à l'égard de Mme Johal, compte tenu des faits de l'affaire, l'employeur était tenu d'en faire plus pour établir l'intention claire et non équivoque de Mme Johal. Comme la Cour a conclu que Mme Johal n'avait pas démissionné, cette dernière a eu droit à des dommages-intérêts pour congédiement injustifié.

Dans la cause Bishop v. Rexel Canada Electrical Inc., 2016 BCSC 2351, l'employé, M. Bishop, occupait le poste d'acheteur dans le service des achats de l'employeur. En décembre 2015, M. Bishop s'est vu attribuer des tâches additionnelles et a commencé à se sentir considérablement surchargé par le travail supplémentaire. Au début du mois suivant, le superviseur de M. Bishop a exigé que M. Bishop continue d'exécuter le travail supplémentaire et M. Bishop a par la suite envoyé au superviseur un courriel indiquant qu'il était surchargé et qu'il « ne reviendrait pas » (« would not be returning »). Après l'envoi du courriel, M. Bishop et son superviseur ont eu un échange téléphonique au cours duquel le superviseur a confirmé la démission de M. Bishop. Puis on a escorté M. Bishop hors des bureaux et on lui a demandé de remettre ses clés. M. Bishop a ensuite intenté une action pour congédiement injustifié.

La Cour suprême de la Colombie-Britannique a expliqué les critères de démission et a indiqué qu'il existait des critères objectifs et subjectifs pour établir si la démission était « claire et non équivoque ». L'aspect objectif des critères met l'accent sur ce qu'un « employeur raisonnable » aurait pensé des intentions de l'employé en fonction des paroles ou des gestes de celui-ci. L'aspect subjectif des critères tient compte de l'état d'esprit de l'employé et de son comportement vu cet état d'esprit. Cela pourrait comprendre le retrait en temps opportun, ou la tentative de retrait, de sa démission présumée. Dans cette cause, la Cour n'a pas été convaincue que la démission était « claire et non équivoque ». En concluant que M. Bishop n'avait pas démissionné, la Cour a retenu que M. Bishop était clairement perturbé et que l'employeur n'aurait pas dû considérer ses paroles comme une décision définitive sans effectuer une enquête. De plus, avant la démission présumée, l'employeur avait prévu licencier ou mettre à pied M. Bishop, et la Cour a souligné le fait que l'employeur a interprété la réaction de M. Bishop comme une occasion de mettre fin à son emploi. Enfin, la Cour a retenu que l'employeur s'est empressé de confirmer la démission. Par conséquent, la Cour a conclu que M. Bishop avait été congédié injustement et lui a accordé des dommages-intérêts, qui comprenaient le versement de 20 mois de salaire en guise de préavis.

Ces causes démontrent le risque que prennent les employeurs lorsqu'ils présument qu'un employé a démissionné. Dans ces deux causes, les incidents se sont produits dans des circonstances intenses en émotions, où l'employeur a omis de tenir compte du contexte et de confirmer l'intention de l'employé. Si la démission présumée se produit dans le feu de l'action, il n'est pas raisonnable pour l'employeur de conclure que l'employé a démissionné uniquement en se fiant aux déclarations de celui-ci. Pour réduire le risque d'une action pour congédiement injustifié après une démission, les employeurs devraient s'assurer que la démission de l'employé est « claire et non équivoque », ce qui les oblige à faire un suivi auprès de l'employé afin d'éclaircir ou de confirmer l'intention de celui-ci de démissionner, et les employeurs devraient également exiger une confirmation écrite de la démission. En outre, comme pratique exemplaire, les employeurs devraient offrir aux employés l'occasion de résoudre le conflit ou le problème avant d'accepter leur démission. Bien que chacune des causes doive être évaluée différemment, l'omission de s'assurer que la démission est claire et non équivoque peut entraîner des coûts importants pour les employeurs.

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