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Perspectives

Dommages accordés à un employé injustement congédié avant son entrée en fonction

La majorité des employeurs savent qu’ils sont tenus de donner un préavis ou une indemnité de préavis à un employé congédié sans motif valable durant la relation d’emploi. Toutefois, la décision rendue par la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans Buchanan v Introjunction Ltd., 2017 BCSC 1002 (« Buchanan »), démontre que cette obligation peut s’appliquer avant même l’entrée en fonction de l’employé.

Contexte

M. Buchanan a postulé et s’est vu offrir un emploi à temps plein chez Introjunction Ltd. (la « Société »). Il devait entrer en fonction le 1er novembre 2016. Le 16 octobre 2016, les parties ont donc signé un contrat de travail, puis M. Buchanan a quitté l’emploi qu’il occupait. Toutefois, la Société a revu après coup ses besoins opérationnels et en personnel, si bien que, deux jours avant la date de début prévue, elle a tenté de revenir sur son offre, proposant à M. Buchanan, pour l’aider financièrement, un mandat à court terme plutôt flou. M. Buchanan n’a pas répondu à cette offre, présentant plutôt une réclamation en dommages pour congédiement injustifié.

Décision de la Cour

La Cour a confirmé qu’à défaut d’une disposition contractuelle expresse prévoyant le contraire, un employé congédié sans motif valable avant même d’entrer en fonction a droit à un préavis raisonnable ou à une indemnité de préavis. Le contrat de travail contenait une clause prévoyant « une période de probation de trois mois débutant à la date d’effet » et pendant laquelle l’employé pouvait être congédié sans préavis. La Société a invoqué cette clause pour démontrer qu’elle n’était pas tenue de fournir un préavis à M. Buchanan. Toutefois, la Cour a rejeté l’argument pour deux motifs.

D’abord, la période de probation ne commençait qu’à la « date d’effet », soit le 1er novembre 2016. L’offre ayant été retirée avant cette date, la clause invoquée ne s’appliquait pas. De plus, la Cour a statué que, même sans ce libellé, la clause n’aurait pu servir à réfuter la réclamation de M. Buchanan. En effet, elle a estimé que cette période probatoire ne donnait pas à l’employeur le droit inconditionnel de congédier l’employé sans préavis, le but d’une telle période étant plutôt de permettre à l’employeur d’évaluer de bonne foi les aptitudes de l’employé pour le poste. Or, M. Buchanan n’ayant pas du tout travaillé pour l’entreprise, cette évaluation n’a pu avoir lieu.

Par conséquent, la Cour a jugé que M. Buchanan avait été injustement congédié et avait donc droit à une indemnité de six semaines tenant lieu de préavis. Elle a en outre rejeté l’argument selon lequel M. Buchanan avait omis d’atténuer les dommages allégués en refusant le mandat à court terme que lui proposait l’entreprise, puisqu’il s’agissait d’un poste mal défini, à l’horaire inconnu et au salaire moindre.

La présente affaire montre bien que mettre fin à une relation d’emploi avant même l’entrée en fonction de l’employé peut s’avérer coûteux. Bien que la Cour ait réduit à six semaines l’indemnité de préavis dans Buchanan, la sanction demeure importante, M. Buchanan n’ayant jamais travaillé pour l’entreprise. Notons par ailleurs que les dommages imposés dans un cas semblable pourraient être nettement plus élevés si le nouvel employé, plutôt que de soumettre sa candidature de son propre chef, quittait un emploi stable après avoir été activement recruté par l’employeur. Une clause de cessation d’emploi bien rédigée peut protéger l’employeur contre les risques associés à un congédiement, que celui-ci survienne avant l’entrée en fonction ou à tout autre moment de la relation d’emploi.