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Perspectives

Le délai pour porter plainte en matière de harcèlement psychologique passe de 90 jours à 2 ans

Le 12 juin dernier, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité le projet de loi no 176 intitulé Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation famille-travail.

Plusieurs dispositions entrant en vigueur à la date de sa sanction, certaines nouvelles normes doivent dès maintenant être respectée par les employeurs québécois. Pour plus de détails sur certains des changements apportés à la Loi sur les normes du travail (la « LNT ») par le projet de loi, nous vous référons à notre article publié en mars dernier à ce sujet. Un article sur la version définitive sera publié bientôt.

Le délai pour une plainte en harcèlement passe de 90 jours à 2 ans

Coup de théâtre, le projet de loi a fait l’objet de quelques modifications de dernière minute. En effet, en matière de harcèlement psychologique, le délai pour porter plainte auprès de la Commission des normes, de l’équité salariale, de la santé et de la sécurité du travail (la « CNESST ») était de 90 jours de la dernière manifestation de harcèlement, sous peine d’être irrecevable.

Lors des travaux en commission parlementaire du 5 juin 2018, un amendement avait été proposé à cette disposition par la ministre Viens, soit d’étendre ce délai à 6 mois. Le procès-verbal nous indique que Marc Picard, député des Chutes-de-la-Chaudière, a alors proposé un sous-amendement qui porte ce délai non pas à 90 jours, mais bien à 2 ans.

La transcription intégrale de la séance ne sera disponible, selon l’information disponible sur le site web de l’Assemblée nationale, que le 10 juillet 2018. Ainsi, nous devrons attendre pour connaître les arguments qui ont fait pencher le législateur en faveur d’un aussi long délai (soit plus de 8 fois plus long que ce qui était prévu auparavant) pour porter plainte à la CNESST en matière de harcèlement psychologique.

Il est facile de supposer que le contexte social des derniers mois et la mobilisation derrière le #MoiAussi (ou #MeToo, mouvement visant à promouvoir la dénonciation des inconduites sexuelles en milieu de travail), a eu une influence sur plusieurs changements législatifs, celui-ci n’étant pas le moindre.

Rappelons aussi qu’en vertu de la nouvelle loi modifiée par le projet de loi, le harcèlement psychologique comprend maintenant, noir sur blanc, le harcèlement à caractère sexuel.

Impact pour les employeurs

Cette extension de délai non négligeable aura plusieurs effets sur les employeurs québécois. Rappelons que le nouveau délai est intégré automatiquement à toute convention collective.

L’importance de bien documenter tout incident et tout signalement de harcèlement sera décuplée; on peut s’imaginer que faire la preuve d’événements qui se sont produits au moins deux ans auparavant, et dans les faits, considérant les délais inhérents au système juridique, il y a plusieurs années, sera un défi.

N’oublions pas que la LNT impose aux employeurs québécois le devoir de prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu’une telle conduite est portée à sa connaissance, pour la faire cesser, et qu’il appartient à l’employeur de démontrer qu’il a bien respecté cette obligation en cas de plainte. De plus, la LNT prévoit maintenant spécifiquement une exigence d’adopter et de rendre disponible aux salariés une politique de prévention du harcèlement psychologique et de traitement des plaintes.