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Perspectives

Clauses de non-dénigrement au Québec : une étude de cas

Dans l’affaire Digital Shape Technologies Inc. c Walker, 2018 QCCS 4374, la Cour supérieure du Québec a examiné l’application d’une clause de non-dénigrement dans une entente de cessation d’emploi, les principes généraux du droit civil en ce qui a trait au devoir de loyauté postérieur au départ et les principes du droit civil en matière de diffamation.

L’employée a été licenciée dans le cadre d’un exercice de réduction des effectifs qui avait mené à l’abolition de son poste.

On lui a offert et elle a accepté une indemnité de départ, que la Cour a qualifiée de généreuse, et en contrepartie de cette indemnité, elle a accepté, entre autres choses, d’être liée par des engagements de confidentialité et de non-dénigrement. Ces clauses étaient simples et directes :

12. La salariée déclare et garantit qu’elle n’utilisera, ne communiquera, ne divulguera, ne vendra, ne transférera, ne fera circuler et ne distribuera d’aucune autre manière à quiconque et ne divulguera au public aucune information relative aux affaires privées ou confidentielles de la Société ou concernant des secrets commerciaux de la Société.

13. La salariée s’engage à ne pas faire de commentaires négatifs ou désobligeants à l’égard de la Société, de sa direction, de ses services et de ses produits et à ne rien faire qui puisse nuire à sa réputation.

L’employée avait publié dans RateMyEmployer.ca des remarques désobligeantes au sujet de son ancien employeur, y compris des déclarations fausses ou exagérées au sujet de l’employeur selon lesquelles il n’offrait pas de formation, que le roulement du personnel était de 80 %, que l’employeur ne voyaient pas d’un bon œil le fait que les salariés de la société socialisent entre eux, qu’une enquête privée et confidentielle se tenait au sein de la société et que des violations au droit à la vie privée y avaient lieu.

La Cour a jugé que la clause n’était « ni illisible ni ambiguë ». Elle impliquait clairement une restriction à la liberté d’expression de la salariée, alors qu’elle s’était engagée à ne pas faire de commentaires négatifs ou désobligeants au sujet de son ancien employeur, sa direction, ses services et son produit. Les termes utilisés étaient « simples et précis, ceux que l’on retrouve dans ce type de clause, qui ne laissent aucun doute sur les conséquences et les effets réels sur la liberté d’expression de la personne signataire de la Transaction ».

La clause constituait une extension de l’obligation de loyauté prévue à l’article 2088 du Code civil du Québec :

Le salarié, outre qu’il est tenu d’exécuter son travail avec prudence et diligence, doit agir avec loyauté et honnêteté et ne pas faire usage de l’information à caractère confidentiel qu’il obtient dans l’exécution ou à l’occasion de son travail.

Ces obligations survivent pendant un délai raisonnable après cessation du contrat, et survivent en tout temps lorsque l’information réfère à la réputation et à la vie privée d’autrui.

Enfin, l’employée avait manqué à son obligation civile de diligence et avait diffamé l’employeur.

L’employeur n’avait pas à prouver que des dommages précis avaient été subis et a bénéficié d’une doctrine reconnaissant des dommages-intérêts généraux mais modestes dans de tels cas entre 1 000 $ et 15 000 $, soit 10 000 $ dans cette affaire.

La Cour a également reconnu que la violation était intentionnelle et qu’elle violait les droits garantis aux sociétés par la Charte des droits et libertés de la personne. Il a accordé 1 000 $ à cet égard.

Deux constats : vous n’avez pas besoin d’une clause sophistiquée pour protéger vos droits et il existe des recours pour les employeurs dans des situations de non respect de clauses de confidentialité et de non-dénigrement.

Hugo Saint-Laurent de BLG.