une main qui tient une guitare

Perspectives

On se connaissait pourtant à peine : Courte durée de service n’est pas nécessairement synonyme de court préavis en Ontario

La plupart des employeurs en Ontario connaissent la « règle générale » pour calculer le délai de préavis auquel un employé a droit en vertu de la common law : un mois de préavis par année de service. Si ce calcul semble ouvrir la voie à un court préavis pour les employés ayant peu d’ancienneté, les employeurs qui l’appliquent le font à leurs risques et périls.

Dans la décision Minott v. O’Shanter Development Company Ltd., 42 OR (3d) 321 (ONCA) qu’elle a rendue en 1999, la Cour d’appel de l’Ontario a estimé que cette règle générale était en grande partie inapplicable pour les employés ayant très peu d’ancienneté. Elle a réitéré sa position en 2011 dans Love v. Acuity Investment Management Inc., 2011 ONCA 130(« Love »), mettant les employeurs en garde contre le fait d’accorder une importance disproportionnée à la durée du service, surtout si cette pratique dessert l’employé au vu de son âge ou de la nature de son travail.

Dans les années qui ont suivi l’affaire Love, les délais de préavis donnés en vertu de la common law aux employés ayant peu d’ancienneté n’ont cessé d’augmenter, si bien qu’à l’heure actuelle, en Ontario, les délais de préavis que reçoivent ces employés dépassent largement ceux que leur confère la règle générale.

Portrait récent

Les tribunaux ontariens accordent généralement des délais de préavis de 4 à 6 mois aux cadres intermédiaires et supérieurs qui comptent moins de 2 années de service, même en l’absence de circonstances aggravantes :

  • Dans Nemirovski v. Socast Inc., 2017 CarswellOnt 14948, la Cour supérieure de l’Ontario a accordé à un gestionnaire de produit comptant 19 mois de service un délai de préavis de 9 mois à la suite de sa cessation d’emploi. Elle a notamment tenu compte du fait que l’employeur n’avait pas fourni de lettre de recommandation à l’employé et que celui-ci avait mis plus de 9 mois à trouver un autre emploi, moins rémunérateur de surcroît. Le contrat de travail prévoyait en outre une clause de non-concurrence particulièrement stricte.
  • Dans Nogueira v. Second Cup, 2017 CarswellOnt 16262, une directrice commerciale a eu droit à un délai de préavis de 4 mois à la suite de la cessation de son emploi après 8,5 mois.
  • Dans Van Wyngaarden v. Thumper Massager Inc., 2017 CarswellOnt 9833, la Cour a accordé à un concepteur en électricité de 59 ans un délai de préavis de 4 mois après seulement 6 mois de service. Elle a notamment fondé sa décision sur les vains efforts de l’employé pour limiter le préjudice et sur son âge.
  • Dans Raposo v. CA Canada Company, 2018 CarswellOnt 12044, un architecte technique principal de systèmes de gestion comptant 2,7 ans de service a reçu un délai de préavis raisonnable de 5 mois.
  • Dans Bergeron v. Movati Athletic (Group) Inc., 2018 ONSC 885, une directrice générale de 38 ans comptant 1,4 an de service a eu droit à un délai raisonnable de 3 mois. Celui-ci est relativement court, car l’employée avait seulement 39 ans et avait trouvé un autre emploi rémunéré dans le mois suivant son congédiement sans motif valable.

Principaux enseignements à tirer pour les employeur

Les employeurs devraient savoir que les tribunaux continuent d’accorder des délais de préavis dépassant largement la règle d’un mois par année de service aux employés qui ont peu d’ancienneté, surtout s’il s’agit de cadres intermédiaires ou supérieurs, d’employés âgés, ou s’ils sont incapables de trouver un nouvel emploi.

D’un point de vue pratique, au moment de préparer la cessation d’emploi d’employés à leur service depuis peu, les employeurs qui souhaitent éviter une action en justice devraient faire appel à un conseiller juridique afin de déterminer le délai ou l’indemnité tenant lieu de préavis approprié. Les employeurs qui calculent le délai de préavis d’employés ayant peu d’ancienneté d’après la durée de leur service le font à leurs risques et périls. La question peut s’avérer particulièrement difficile à trancher étant donné l’écart entre les indemnités minimales que prévoit la loi pour ces employés et les exigences relatives aux préavis en common law.

Les employeurs auraient aussi intérêt à revoir leurs contrats de travail existants, en particulier la partie des clauses de cessation d’emploi portant sur le délai de préavis. Si le droit en la matière semble en perpétuelle évolution, les employeurs devraient chercher des conseils juridiques à jour pour intégrer à leurs contrats des dispositions déterminant des délais de préavis exécutoires conformes aux obligations minimales standard.