une main qui tient une guitare

Perspectives

Des renonciations pas si complètes et définitives : de récentes décisions permettent de déroger à des renonciations

À la signature d’une renonciation complète et définitive par l’employé à la fin de la relation d’emploi ou à la suite d’un différend, l’employeur pousse souvent un soupir de soulagement : l’employé a signé le document, le chapitre est clos, on peut passer à autre chose. Hélas, plusieurs décisions récentes tendent à montrer que les tribunaux refusent de faire appliquer des renonciations qui se voulaient pourtant complètes et définitives.

  • Dans notre bulletin de décembre et notre bilan de l’année, nous avons examiné l’affaire Watson v. The Governing Council of the Salvation Army of Canada, 2018 ONSC 1066. Une employée avait signé une renonciation concernant l’ensemble des réclamations [traduction] « qui pourraient découler de la relation d’emploi » avec son employeur. Quand elle a ensuite intenté une action pour harcèlement sexuel, le tribunal a estimé que la renonciation n’y faisait pas obstacle, car le harcèlement sexuel présumé n’était pas lié à l’emploi et n’était pas couvert par la renonciation.
  • Le mois dernier, nous nous sommes intéressés au Programme de dénonciation de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (« CVMO ») qui interdit toute restriction visant le signalement auprès de la CVMO de possibles infractions au droit des valeurs mobilières. Des dispositions que l’on trouve couramment dans des renonciations liées à l’emploi, comme des clauses de non-divulgation ou de non-dénigrement, peuvent être interprétées comme non conformes au programme et, ainsi, jugées non exécutoires. Si la CVMO choisissait d’emboîter le pas à son homologue américain, elle pourrait bien commencer à prendre des mesures d’application de la loi malgré la signature de renonciations.
  • En décembre 2018, la Cour fédérale a publié sa décision dans l’affaire Banque de Montréal c. Li, 2018 CF 1298. Après avoir reçu une indemnité de départ et signé une renonciation, une employée avait déposé une plainte pour congédiement injuste en vertu du Code canadien du travail (« Code »). La Cour fédérale a conclu que le paragraphe 168(1) du Code (« La présente partie, règlements d’application compris, l’emporte sur les règles de droit, usages, contrats ou arrangements incompatibles ») rendait non exécutoire une telle renonciation. Les parties ne pouvant se soustraire à l’application du Code, la plainte a donc été entendue.
  • Le même mois, dans une affaire similaire intitulée Kerzner v. American Iron & Metal Company Inc., 2018 ONCA 989, la Cour d’appel de l’Ontario a examiné une renonciation signée lors de la vente de l’entreprise Bakermet Inc. en 2008, soit des années avant la cessation de l’emploi du demandeur. Le tribunal a jugé que la renonciation n’avait pas force exécutoire au regard de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (c.-à-d. que l’employé ne pouvait pas renoncer aux droits liés à son emploi avant 2008), mais qu’elle s’appliquait tout de même aux droits de l’employé au titre de la common law.
  • Le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a depuis longtemps tendance à ne pas rejeter une requête au motif que le litige en question a déjà été réglé, sauf si la renonciation renvoie expressément à un abandon de toute poursuite et au règlement des réclamations au titre des droits de la personne. Ce n’est que dans une telle situation que le tribunal peut rejeter la requête, qu’il considère comme un abus de procédure.
  • Enfin, en juin 2018, dans l’affaire Swampillai v. Royal & Sun Alliance Insurance Company of Canada, 2018 ONSC 4023, la Cour supérieure de l’Ontario a jugé non exécutoire une renonciation signée par un employé comptant 14 années de service et atteint de plusieurs affections qui était en voie d’interjeter appel du refus de sa demande de prestations d’invalidité de longue durée au moment de la signature, ce que l’employeur savait. La renonciation a été considérée comme non exécutoire pour ce qui est de la réclamation de prestations auprès de l’employeur.

Les tribunaux de l’Ontario ont la réputation de pencher en faveur des employés. Les affaires ci-dessus illustrent peut-être une accentuation quelque peu décourageante de ce penchant, mais tout n’est pas perdu pour autant. Les renonciations peuvent tout de même s’appliquer aux recours en common law et les risques de poursuites peuvent être atténués en rédigeant des renonciations adéquates et en mettant régulièrement à jour les modèles utilisés afin de s’assurer qu’ils contiennent les protections appropriées. De plus, des pratiques positives en matière de ressources humaines et le traitement équitable des employés peuvent favoriser la création d’un environnement de travail sain peu propice à l’introduction de recours, qu’une renonciation ait été signée ou non.