une main qui tient une guitare

Perspectives

Changement de registre : histoires scabreuses et questions juridiques sérieuses

Au Canada, bien souvent, le concept de « lieu de travail » ou d’« activités liées au travail » est utile pour déterminer si un employeur peut être tenu responsable des agissements de ses employés. Si, par exemple, un employé se comporte de manière inappropriée lors d’un voyage d’affaires, la responsabilité de son employeur est-elle engagée? S’expose-t-il à des mesures disciplinaires? Ce concept vient récemment d’être étiré à l’extrême en France, dans le cadre d’une affaire où un tribunal français a dû se prononcer sur l’éventuelle responsabilité d’un employeur envers la succession d’un employé décédé au cours d’un voyage d’affaires… en plein coït avec une parfaite inconnue.

Cette histoire ne s’invente pas : un homme, dont le nom n’a pas été divulgué (appelons-le Monsieur X), était à l’emploi de TSO, société de services ferroviaires située en région parisienne. Monsieur X, envoyé en voyage d’affaires par TSO, a rencontré une dame qu’il ne connaissait ni d’Ève ni d’Adam et qu’il a suivie à son hôtel pour avoir une relation sexuelle. Pendant leurs ébats, Monsieur X a fait une crise cardiaque et en est mort. La question de savoir s’il était décédé ou non sur son « lieu de travail » a donc été soulevée. S’il était déterminé que les lieux de son trépas étaient considérés comme son lieu de travail, il aurait été assuré pour toutes les activités professionnelles ou quotidiennes normales qu’il y aurait entreprises. Et si on établissait qu’il s’agissait bel et bien d’activités quotidiennes normales effectuées sur son lieu de travail, la veuve de Monsieur X (qui, remarquez, serait probablement devenue son ex-femme au terme de cette histoire) aurait eu droit à une compensation équivalant à 80 % du salaire de son mari jusqu’à la retraite prévue de ce dernier. (Réfléchissons quelques instants au double choc qu’a dû encaisser ladite veuve : « Votre mari est mort. Mais ce n’est pas la seule mauvaise nouvelle… ».)

Les tribunaux français ont conclu qu’il s’agissait bel et bien d’une activité quotidienne normale effectuée sur le lieu de travail et que, par conséquent, la veuve avait droit à une indemnisation; cette décision a été maintenue en appel. TSO a allégué que Monsieur X ne s’adonnait pas à des activités professionnelles au moment de sa mort, mais les tribunaux ont déclaré qu’il était en voyage d’affaires et que le fait d’avoir des relations sexuelles pendant ce voyage était normal, tout comme se doucher ou prendre un repas.

Une affaire semblable a trouvé une tout autre issue en Australie. En l’espèce, une employée du gouvernement avait subi des blessures lorsqu’un luminaire défectueux l’avait frappée au visage pendant qu’elle s’adonnait aux plaisirs de la chair dans sa chambre d’hôtel, lors d’un voyage d’affaires. La dame a tenté d’obtenir compensation en invoquant un accident du travail lui ayant causé des blessures au visage et une dépression.

Des tribunaux de diverses instances ont entendu l’affaire et sont arrivés à des décisions divergentes. En première instance, le tribunal a estimé qu’un rapport sexuel n’entrait pas dans le cadre des activités normales auxquelles on pouvait s’attendre lors d’un voyage d’affaires d’une seule nuit et a conclu que la plaignante n’avait pas droit à une indemnisation. En appel, la cour a décidé que la plaignante devait au contraire être indemnisée, estimant que si l’accident s’était produit pendant une partie de cartes plutôt que pendant une partie de jambes en l’air, elle aurait eu droit à une compensation (notez que nous avons quelque peu paraphrasé la décision véritable).

Naturellement, la plus haute instance de l’Australie a eu le dernier mot : la dame n’était pas admissible à une indemnisation. Pour arriver à cette conclusion, la cour a maintenu que l’employeur n’avait pas encouragé la plaignante à s’adonner à une activité sexuelle, pas plus qu’il ne l’y avait incitée, et qu’il ne devait donc pas être tenu responsable.

Voilà donc deux traitements différents de la même question.

Bien que, évidemment, aucune des affaires ci-dessus n’ait force exécutoire au Canada, nous pouvons vous garantir que ce seront celles qui vous marqueront le plus cette année!

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