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Perspectives

La cour confirme qu’un employeur peut être tenu de verser une indemnité correspondant à 9 années de salaire et d’avantages sociaux

Imaginez qu’on vous annonce que vous devez payer à un employé une indemnité équivalant à 9 années de salaire et d’avantages sociaux et que celui-ci n’est pas tenu de limiter son préjudice : vous lui devez donc plus de 1 million de dollars. C’est de cette façon que s’est conclue une récente affaire en Ontario. Même si les faits se sont déroulés dans le contexte d’une vente d’entreprise, les enseignements tirés de cette décision s’appliquent également aux situations où l’on a recours à un contrat à durée déterminée sans qu’il n’y ait de transaction en jeu.

Vente, contrat à durée déterminée et conflit

En octobre 2012, Grant McGuinty, propriétaire de troisième génération d’un salon funéraire, a vendu ses parts à un acquéreur. Le contrat de vente comportait une clause expresse stipulant que M. McGuinty acceptait une entente de consultation transitoire d’une durée déterminée de 10 ans.

Dans les attendus du contrat de prestation de services, il était convenu que M. McGuinty serait « l’employé clé » de l’entreprise. Parmi les autres dispositions, on mentionnait qu’il serait directeur général du salon funéraire au sein de la nouvelle entité, qu’il toucherait un salaire annuel de 100 000 $ et qu’il serait assujetti à une clause de non-concurrence pendant 10 ans. Fait notable, aucune disposition du contrat ne prévoyait sa résiliation avant l’échéance de 10 ans.

Relativement rapidement, des désaccords ont fait surface entre l’acquéreur et M. McGuinty, dont le dernier jour de travail a été autour du 2 septembre 2013. Il n’a jamais repris son poste par la suite et a intenté une action contre l’acquéreur pour congédiement déguisé. En se fondant sur les faits, le juge dans l’affaire McGuinty v. 1845035 Ontario Inc. (McGuinty Funeral Home), 2019 ONSC 4108 (en anglais)  finalement conclu que M. McGuinty avait effectivement fait l’objet d’un congédiement déguisé.

Dommages-intérêts élevés : 1,2 million de dollars pour congédiement déguisé dans le cadre d’un contrat à durée déterminée

Ayant conclu qu’il s’agissait d’un congédiement déguisé, la cour a dû déterminer les dommages-intérêts devant être versés à M. McGuinty. En fin de compte, elle a accordé à M. McGuinty, qui gagnait environ 100 000 $ par année, plus de 1,2 million de dollars. Comment est-elle arrivée à ce montant?

  1. La cour a pris comme point de départ le contrat de travail à durée déterminée conclu entre M. McGuinty et l’acquéreur.
  2. Elle a conclu que [traduction] « étant donné qu’il n’existe aucune clause contractuelle exécutoire qui stipule une période de préavis dans le cas du contrat à durée déterminée ni aucune clause contraire », le contrat de travail à durée déterminée « oblige l’employeur à payer à l’employé les sommes qui lui sont dues jusqu’à la fin du contrat, et cette obligation ne peut être atténuée. »
  3. En l’espèce, le contrat à durée déterminée ne comportait aucune clause contractuelle exécutoire stipulant une période de préavis. En outre, selon l’entente, il restait à M. McGuinty environ 9 années de service. Par conséquent, l’acquéreur devait payer M. McGuinty jusqu’à la fin de la période de 10 ans sans obligation pour celui-ci de mitiger ses dommages. Ainsi, la cour a accordé à M. McGuinty des dommages-intérêts correspondant à 9 ans (à savoir la durée approximative qu’il restait au contrat de M. McGuinty lorsqu’il a cessé de travailler) sans obligation de mitiger son préjudice.
  4. Les dommages-intérêts que l’acquéreur devait payer s’élevaient donc à 1 274 173, 83 $. Cette somme comprenait la perte de salaire équivalant à 100 000 $ par année pendant 9 ans (soit 900 000 $) et divers montants correspondant à des commissions et avantages sociaux de l’ordre de 374 173,83 $.

Rôle crucial du conseiller juridique et principal risque associé aux contrats à durée déterminée

Cette récente affaire illustre l’importance d’être conseillé par des avocats chevronnés en droit de l’emploi dans tout processus de vente et d’achat, particulièrement si celui-ci implique la rédaction et la révision d’un contrat de travail ou de « consultation » à durée déterminée. Cette décision s’inscrit dans la récente tendance observée lors de décisions similaires (voir ci-dessous) et rappelle également qu’il est toujours judicieux de faire appel à un conseiller juridique d’expérience :

  1. Décisions dans le cadre de litiges portant sur des contrats à durée déterminée rendues par des tribunaux de l’Ontario, telles que Mohamed v. Information Systems Architects Inc., 2018 ONCA 428 (en anglais)
  2. Décisions dans le contexte de litiges entre des employés anciennement propriétaires et les nouveaux propriétaires, telles que Kerzner v. American Iron & Metal Company Inc., 2018 ONCA 989 (en anglais), qui a fait l’objet de l’un de nos articles et pour laquelle la demande d’autorisation d’appel en Cour suprême du Canada de l’ancien propriétaire a récemment été rejetée

Dans la même optique, que le litige fasse suite à une vente d’entreprise ou non, la présente affaire met en lumière un risque important associé à l’utilisation de contrats de travail ou de « consultation » à durée déterminée : si ces contrats n’ont pas été soigneusement rédigés, les dommages-intérêts accordés en cas de violation de contrat peuvent être fixés en fonction de la durée totale de l’entente sans obligation de mitiger les dommages. En l’espèce, la cour a accordé des dommages-intérêts de 1,2 million de dollars en fonction de la portion non échue de la durée du contrat et sans obligation pour l’employé visé de limiter son préjudice. Les employeurs qui envisagent d’avoir recours à des contrats de travail ou de « consultation » à durée déterminée devraient tenir compte de cette décision.

Exerçant au sein d’un cabinet multiservices axé sur les affaires, les membres de notre groupe Droit du travail et de l’emploi seront heureux de vous offrir leurs conseils dans le cadre de toute transaction de vente ou d’achat, en s’appuyant au besoin sur leurs collègues du groupe Fusions et acquisitions, de même que de vous épauler dans la rédaction et la révision de contrats de travail ou de « consultation » à durée déterminée. Notre groupe Droit du travail et de l’emploi possède une vaste expérience des ententes en matière de contrats de travail dans le cadre d’opérations ainsi que des questions touchant les régimes de retraite et les avantages sociaux. Il est également versé dans la rédaction de contrats de travail et de « consultation » à durée déterminée et se fera un plaisir de vous aider à cet égard.

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