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Perspectives

Employés invalides : le versement d’une indemnité tenant lieu de préavis s’impose-t-il?

Sommaire

Un intéressant jugement sommaire a récemment été rendu dans une affaire de congédiement injustifié en Alberta. Dans Belanger v. Western Ventilation Products Ltd., 2019 ABQB 571, la cour a estimé que, bien qu’insuffisante, la durée du préavis raisonnable octroyé à l’employé n’avait dans les faits aucune incidence, car ce dernier n’avait pas droit à d’autres paiements de son employeur en raison d’une invalidité survenue au cours de sa période de préavis et l’empêchant de travailler pendant toute celle-ci.

Contexte

Un employé de 63 ans s’est vu remettre par son employeur un avis de cessation d’emploi assorti d’une période de préavis de 12 mois. Aucune indemnité tenant lieu de préavis ne lui a été offerte. À peu près au moment où il a reçu l’avis de cessation d’emploi, il est tombé malade et est devenu incapable de travailler. Plusieurs mois plus tard, il a commencé à toucher des prestations d’invalidité. Il a par la suite été jugé totalement invalide et continuera de recevoir des prestations d’invalidité jusqu’à son 65e anniversaire.

Compte tenu de l’âge et de l’ancienneté de l’employé, les deux parties ont convenu qu’il aurait dû bénéficier d’une période de préavis de 24 mois. L’employé a soutenu qu’il avait droit à une indemnité de départ équivalant à 24 mois de préavis sans obligation de limiter le préjudice en raison de sa maladie. De son côté, l’employeur a fait valoir que l’employé ne devrait avoir droit à aucune indemnité de départ puisqu’il n’était pas en mesure de travailler pendant la période de préavis.

Décision

La cour s’est prononcée en faveur de l’employeur, statuant qu’il convient [traduction] « d’envisager la situation des employés comme s’ils avaient reçu un préavis adéquat1 ». Elle a estimé qu’un employé dont l’emploi prend fin ne devrait pas se retrouver dans une meilleure position qu’un employé qui ne fait pas l’objet d’une cessation d’emploi. Étant donné qu’un employé invalide qui ne peut travailler a seulement droit à des prestations d’invalidité, il ne devrait pas soudainement être admissible à recevoir l’intégralité de son salaire pendant sa période de préavis au seul motif que son emploi a pris fin.

L’intérêt majeur de cette affaire réside dans le fait que la décision de la cour va directement à l’encontre du jugement rendu par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans Dunlop v. BC Hydro & Power Authority, 1988 CanLII 3217. Bien que les faits dans Dunlop soient très similaires à ceux de l’affaire Belanger, dans Dunlop, la Cour a accordé à l’employé son plein salaire pendant la période de préavis, estimant que le montant de son indemnité de départ devait être établi au moment de la cessation d’emploi et que l’invalidité subséquente de l’employé et son incapacité à travailler ne la modifiaient en rien.

En rendant un jugement inverse dans Belanger, la cour a estimé que l’employé dans Dunlop avait reçu une indemnité tenant lieu de préavis plutôt qu’un avis de cessation d’emploi et que l’employeur avait mis fin à ses prestations d’invalidité avant qu’il ne devienne invalide.

Les employeurs sont-ils donc tenus de verser une indemnité de départ à leurs employés invalides?

Si l’on s’en tient à cette décision, non. Toutefois, il convient non seulement d’avoir transmis à l’employé un avis de cessation d’emploi et non de lui avoir versé une indemnité tenant lieu de préavis, mais également de ne pas l’avoir exclu du bénéfice de ses prestations d’invalidité. On ne saurait trop insister sur l’importance de ne pas priver l’employé de ses prestations d’invalidité pendant la période de préavis. À preuve l’affaire Brito v. Canac Kitchens, 2011 ONSC 1011, dans laquelle la Cour supérieure de justice de l’Ontario a enjoint à l’employeur de se mettre à la place d’un fournisseur d’assurance-invalidité lorsque son ancien employé est devenu invalide pendant sa période de préavis raisonnable, mais après la fin de sa couverture au titre de l’assurance-invalidité.

Néanmoins, la prudence s’impose. Tout d’abord, dans certaines affaires, le tribunal a estimé que l’employeur était tenu de verser à son employé l’intégralité de son salaire pendant toute la durée de la période de préavis, même si l’employé était devenu invalide ou était décédé pendant la période de préavis raisonnable2. Il n’existe donc aucune garantie que cette décision ne soit pas distinguée dans l’avenir.

Ensuite, en mettant fin à l’emploi d’une personne invalide, un employeur pourrait, en plus de la question de la période de préavis raisonnable, voir sa responsabilité engagée au titre des droits de la personne.

Enseignement à tirer pour les employeurs

La principale leçon à retenir de cette décision est qu’il pourrait être judicieux de tenir compte de la possibilité qu’un employé devienne invalide pendant sa période de préavis raisonnable lors de la détermination de ses droits en fin d’emploi. Ceci étant, les enjeux liés à l’invalidité dans un contexte d’emploi sont souvent complexes. C’est pourquoi nous vous recommandons de consulter un avocat spécialisé en droit de l’emploi pour déterminer comment agir au mieux dans le cas qui vous occupe.


1 Belanger v Western Ventilation Products Ltd, 2019 ABQB 571, paragraphe 14.

2 Voir p. ex. Sylvester c. Colombie-Britannique, [1997] 2 RCS 315, paragraphe 9; McMaster Estate v. Imark Corp, 2000 CanLII 22740 et McLeod v. 1274458 Ontario Inc, 2017 ONSC 4073.

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