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Perspectives

Une pure question de droit peut être tranchée par le juge dès le stade de l’autorisation

La Cour d’appel confirme qu’une pure question de droit peut être tranchée par le juge dès le stade de l’autorisation et se prononce sur l’effet relatif d’un jugement autorisant une action collective pour fins de règlement ne visant que certaines des parties défenderesses.

Dans un arrêt unanime rendu le 15 novembre 2019, la Cour d’appel du Québec (la « Cour d’appel ») a rejeté l’appel du jugement de l’honorable juge Stéphane Sansfaçon du 14 mai 2018 et, de ce fait, la demande d’autorisation d’exercer une action collective contre les intimées, fondée sur le paragraphe 230 c) de la Loi sur la protection du consommateur.

La Cour d’appel, après avoir rappelé le pouvoir d’intervention limité d’une cour d’appel au stade de l’autorisation en se basant sur les enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt récent L’Oratoire St-Joseph du Mont-Royal c. J.J., (2019 CSC 35), a déterminé que le juge de première instance n’a pas commis d’erreur de droit et que son jugement ne résultait pas d’une appréciation manifestement mal fondée du critère de la cause défendable prévu à l’article 575.2º C.p.c.

L’action collective dont on cherchait l’autorisation vise des cas où les intimées, œuvrant dans le domaine des télécommunications et des médias sociaux, offrent aux consommateurs un service pour lequel un tarif mensuel est inscrit au contrat. Le contrat prévoit aussi un tarif réduit ou même parfois nul pendant les premiers mois de service.

Ainsi, le consommateur paie pendant un certain temps le tarif réduit prévu au contrat et, à l’expiration du délai, il doit payer le tarif complet, également prévu au contrat. Le consommateur conservait la possibilité, en tout temps et à sa seule discrétion, de résilier sans frais le contrat conclu avec l’une de ces mêmes parties intimées.

La Cour d’appel souligne que le juge saisi d’une demande d’autorisation peut trancher une question de droit à ce stade préliminaire et que la cour doit nécessairement interpréter la loi pour déterminer si l’action collective dont on demande l’autorisation est manifestement mal fondée en droit.

Cet extrait du jugement est fort éloquent quant au rôle de filtrage au stade de l’autorisation : 

« [8] Adhérer aux moyens de l’appelante sur cette question ferait en sorte qu’en dépit d’une proposition en droit manifestement non fondée, voire irrationnelle, au soutien de la demande d’autorisation, le juge n’aurait d’autre choix que d’en déférer l’analyse au juge du fond et de considérer le critère du paragraphe 575.2 C.p.c. rempli. L’approche souple et libérale préconisée par la jurisprudence de la Cour suprême en matière d’autorisation, et rappelée par notre Cour à plusieurs reprises, ne va pas jusque-là et le rôle de filtrage du juge d’autorisation prend ici tout son sens. »

En l’espèce, la Cour d’appel détermine que l’article 230 c) de la Loi sur la protection du consommateur ne vise pas des situations où, comme dans le cas sous étude, le consommateur connait et est en mesure d’évaluer dès le départ les termes du contrat en plus de donner son consentement éclairé à ce que le prix régulier lui soit facturé à l’expiration du délai prévu par l’entente contractuelle.

La Cour d’appel spécifie aussi que, bien que dans ce dossier le juge de première instance ait autorisé pour fins de règlement l’action collective contre certaines défenderesses, ceci ne fait pas en sorte qu’il doit absolument autoriser l’action collective contre les défenderesses qui ne participaient pas au règlement.

La Cour d’appel rappelle que l’analyse des critères de l’article 575 C.p.c. se fait avec plus de souplesse dans le cadre de l’approbation d’un règlement. Le jugement autorisant l’exercice d’une action collective aux fins de l’approbation d’un règlement ne visant que certaines des défenderesses n’a donc aucun effet sur les défenderesses qui n’ont pas participé à ce règlement, ce que le jugement spécifiait d’ailleurs clairement.

Cet arrêt de la Cour d’appel confirme ainsi des principes importants et donnera une assise solide aux juges pour trancher une question de droit dès le stade de l’autorisation.

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