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Perspectives

La Cour d’appel de l’Alberta confirme que les administrateurs peuvent être tenus responsables de lésions professionnelles

Le régime d’indemnisation des accidentés du travail est conçu pour offrir une indemnisation aux travailleurs accidentés sans égard à la responsabilité. Toutefois, en vertu de ce dernier, ils renoncent à leur cause d’action contre leur employeur ainsi que d’autres parties qui pourraient avoir été responsables de leurs blessures dans le cadre de leur emploi. Malgré cela, la Cour d’appel de l’Alberta a récemment confirmé qu’un administrateur pouvait être tenu personnellement responsable d’un accident de travail ayant causé une blessure à un travailleur.

Dans l’affaire Hall v. Stewart1, le défendeur était administrateur de la société DWS Construction Ltd. (« DWS »). DWS avait été retenue comme sous-traitante pour effectuer des travaux dans le cadre de la construction d’une habitation. Une partie de son mandat consistait à installer un escalier temporaire dans le sous-sol de l’habitation. L’administrateur de DWS avait participé à son installation. Pendant les travaux, l’escalier s’était effondré, ce qui avait causé des blessures aux travailleurs d’un autre sous-traitant. Les travailleurs blessés avaient été indemnisés par la Commission des accidents du travail. Cette dernière a alors intenté une action subrogatoire contre l’administrateur de DWS afin de recouvrer les sommes qu’elle avait versées aux travailleurs.

DWS était considérée comme un « employeur » en vertu du Workers’ Compensation Act (la « Loi ») et possédait une protection en cas d’accidents de travail. En tant que telle, elle était, ainsi que ses employés, à l’abri de toute réclamation déposée par les travailleurs blessés. Toutefois, selon la Loi, l’immunité ne s’applique pas aux administrateurs des « employeurs », à moins que les administrateurs ne souscrivent une assurance supplémentaire. En l’espèce, bien qu’il n’ait pas souscrit de protection supplémentaire, l’administrateur de DWS a fait valoir qu’il était exempté de toute responsabilité puisque l’acte de négligence en question avait été commis dans le cadre de ses fonctions d’employé et non d’administrateur de DWS.

La Cour d’appel de l’Alberta a établi que, puisque le défendeur était administrateur de DWS et qu’il avait participé à l’installation de l’escalier, il n’était pas couvert en vertu de la Loi. Elle a ensuite exposé les facteurs à prendre en considération pour déterminer si un administrateur peut être tenu personnellement responsable :

  • L’administrateur a-t-il commis l’acte de négligence dans le cadre des activités de la société?
  • Servait-il un intérêt personnel?
  • Avait-il un devoir de diligence distinct?
  • A-t-il agi « dans l’intérêt de la société »?
  • Le plaignant faisait-il volontairement affaire avec la société ou se voyait-il imposer la relation d’affaires?
  • L’acte dommageable était-il « distinct »?
  • Quelle est la nature de l’acte dommageable? Était-il intentionnel?
  • Les dommages étaient-ils physiques ou économiques?

En l’espèce, le facteur déterminant a été la nature des dommages : des lésions corporelles. La Cour d’appel a souligné que dans un certain nombre de cas, des administrateurs (ou d’autres personnes) ont été tenus personnellement responsables de tels préjudices. Elle a également déclaré que l’administrateur était clairement tenu à un devoir de diligence afin d’éviter de blesser les autres travailleurs. Bien que les actions de l’administrateur n’aient pas été indépendantes de DWS, il existait un motif sérieux relevant de l’intérêt public de veiller à ce que les demandeurs ayant subi des blessures physiques soient indemnisés. De plus, la Cour a estimé que l’administrateur ne pouvait se dégager de sa responsabilité personnelle en cas de préjudice corporel causé à des travailleurs par suite d’un acte de négligence, même si sa participation à la construction de l’escalier s’inscrivait dans les activités de DWS.

Cette affaire devrait servir d’avertissement aux administrateurs qui pensent qu’ils seront exemptés de toute responsabilité s’ils commettent des actes dommageables dans le cadre de leur participation aux activités de leur société. Il convient notamment de noter qu’ils peuvent être tenus personnellement responsables de lésions corporelles subies par un travailleur s’ils prennent part à l’exécution du travail.


1 Hall v. Stewart, 2019 ABCA 98

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