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Perspectives

Cannabis récréatif : qu’en est-il un an après sa légalisation?

Le 17 octobre dernier marquait le premier anniversaire de la légalisation du cannabis récréatif. Les 12 derniers mois ont été marqués par beaucoup de changements et d’adaptation pour les employeurs qui ont dû s’ajuster à cette nouvelle réalité – une nouvelle réalité qui était synonyme d’inquiétudes et de questionnements chez les employeurs quant aux répercussions que la Loi sur le cannabis1, au fédéral, de même que diverses lois provinciales connexes, auraient dans le monde du travail. Dans le présent bulletin, nous faisons le point sur certains changements survenus dans l’actualité et le monde juridique au cours de la dernière année.

Consommation de cannabis

Dans les trois mois qui ont suivi la date historique du 17 octobre 2018, le nombre de Québécois âgés de 15 ans et plus ayant confirmé avoir consommé du cannabis récréatif depuis sa légalisation était de 939 600, comparativement à 703 000 au trimestre antérieur2, soit une augmentation de 34 %. Cependant, au printemps dernier, ce chiffre est retombé à 713 6003. L’engouement face à l’accessibilité des produits du cannabis paraît donc s’apaiser. Au Canada, le nombre de consommateurs est demeuré sensiblement le même au cours des 12 derniers mois, selon les données accessibles. Ainsi, l’inquiétude que nous avions face à l’augmentation de la consommation de cannabis ne semble qu’illusoire à ce stade.

Il ne faut toutefois pas se réjouir trop rapidement, puisqu’entre les mois d’octobre 2018 et de mars 2019, on estimait que 13 % des consommateurs de cannabis récréatif affirmaient en avoir consommé avant ou pendant le travail4. La capacité des employeurs à pouvoir validement détecter si leurs employés sont sous l’influence du cannabis au travail devient donc de plus en plus importante, notamment afin qu’ils puissent respecter leur obligation d’offrir aux employés un environnement de travail sain et sécuritaire, mais également pour s’assurer que la prestation de travail de leurs employés n’est pas altérée par les effets du cannabis.

Parallèlement, une décision a été rendue en 2019 dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador concernant la consommation de cannabis à des fins médicales5. Ainsi, il a été déterminé que, dans un environnement de travail où la sécurité est un enjeu important, le fait de ne pas pouvoir adéquatement mesurer ou quantifier l’intoxication d’un employé ayant consommé du cannabis à des fins thérapeutiques constituait une contrainte excessive et donc que l’employeur s’était acquitté de son obligation d’accommodement en l’espèce. Vu le peu de jurisprudence sur le sujet, cette décision a le potentiel d’avoir une incidence importante ailleurs au Canada, surtout face à la défense d’employés qui tenteraient à tout coup d’invoquer le « handicap » comme motif prohibé de discrimination s’ils sont pris en flagrant délit de consommer du cannabis ou sous l’influence de la substance, d’autant plus s’il s’agit d’une consommation récréative alors qu’ils sont au travail. Il faut toutefois être prudent quant à l’application de cette décision, puisqu’elle concerne spécifiquement la consommation de cannabis médical dans un environnement de travail où la sécurité constituait un enjeu important. Pour plus d’informations sur cette décision, nous vous référons à l’article écrit à ce sujet.

Évolution juridique et législative

Seulement quelques jours après la légalisation du cannabis, un citoyen québécois contestait déjà les articles 5 et 10 de la Loi encadrant le cannabis6 relativement à la culture à domicile au Québec. Le 3 septembre dernier, la Cour Supérieure du Québec lui donnait raison en déclarant ces dispositions inconstitutionnelles7. En effet, alors que la loi fédérale prévoit qu’il est légal pour un individu de cultiver un maximum de quatre plants de cannabis par résidence, la loi québécoise était quant à elle plus restrictive en ce qu’elle interdisait d’avoir en sa possession un plant de cannabis ou d’en faire la culture à des fins personnelles. Ces dispositions ayant été déclarées invalides, la province du Manitoba reste la seule au Canada à interdire la culture de cannabis à domicile.

Par ailleurs, le 17 octobre dernier, soit un an jour pour jour après la légalisation du cannabis, le Règlement sur le cannabis8 a été modifié par le gouvernement fédéral afin de légaliser de nouveaux produits du cannabis, même s’il faudra attendre à la mi-décembre avant qu’ils deviennent disponibles en magasin. Parmi ces produits, on compte les produits ingérés, à savoir mangés ou bus (p. ex., bonbons), les produits inhalés (p. ex., vapotage), ainsi que les produits pour usage topique, c’est-à-dire destinés à être utilisés sur la peau, les cheveux et les ongles9. De son côté, le gouvernement québécois compte encadrer à sa manière les produits qui pourront être vendus sur les tablettes de ses succursales10. Ces changements au règlement pourraient entraîner des difficultés majeures chez les employeurs, en ce qu’il pourrait maintenant être plus facile de consommer incognito du cannabis récréatif au travail et sans dégager l’odeur normalement associée à cette substance.

Autre changement important, le 1er août marquait l’entrée en vigueur de la Loi prévoyant une procédure accélérée et sans frais de suspension de casier judiciaire pour la possession simple de cannabis11. Ainsi, les personnes détenant un casier judiciaire pour une possession simple de cannabis pourront maintenant présenter une demande de pardon à la Commission des libérations conditionnelles, ce qui pourra entre autres les aider à obtenir un emploi plus facilement12.

Enfin, le projet de loi no 2, intitulé la Loi resserrant l’encadrement du cannabis, a été adopté par le gouvernement québécois le 29 octobre dernier. Cette loi vise d’abord à hausser à 21 ans l’âge auquel les Québécois pourront légalement posséder, acheter et accéder à un point de vente de cannabis, et ce, à partir du 1er janvier 2020. Elle resserre ensuite certaines règles applicables en matière de possession et d’usage de cannabis, notamment en ajoutant certains lieux où il est maintenant interdit de fumer du cannabis au Québec, tel que les parcs, les terrains de jeu, les terrains de sport et les terrains de camps de jour.

Conclusion

À la lumière de ce qui précède, il semble qu’au Canada, les gouvernements fédéral et provinciaux tentent encore aujourd’hui de s’ajuster et d’encadrer le mieux possible l’accessibilité et la consommation du cannabis récréatif. Il est donc important pour les employeurs de rester à l’affût des différents changements qui continueront vraisemblablement de voir le jour au cours des prochaines années. En fonction des nouveautés législatives, il sera primordial de réviser et/ou d’adopter une politique, notamment afin de couvrir toutes les formes de consommation et de possession de cannabis qui sont restreintes ou interdites au travail. Bien que bannir complètement la consommation de cannabis puisse constituer un défi, informer de façon régulière les employés quant aux règles qui s’appliquent en milieu de travail s’avère primordial pour dissuader tout comportement répréhensible.


1 L.C. 2018, ch. 16.

2 STATISTIQUE CANADA, Enquête nationale sur le cannabis, troisième et quatrième trimestres de 2018.

3 Id., deuxième trimestre de 2019.

4 Id., premier trimestre de 2019.

5 International Brotherhood of Electrical Workers, Local 1620 v. Lower Churchill Transmission Construction Employers’ Association Inc., 2019 NLSC 48.

6 RLRQ, c. C-53.

7 Murray Hall c. Procureure générale du Québec, 2019 QCCS 3664 (en date du 19 septembre 2019, aucune demande d’appel de cette décision n’avait été enregistrée).

8 DORS/2018-144.

9 Pour un aperçu des nouvelles règles, consulter : Règlement final : Cannabis comestible, extraits de cannabis, cannabis pour usage topique, en ligne.

10 « Cannabis comestible: légal en octobre, disponible en décembre », La Presse, juin 2019.

11 L.C. 2019, c. 20.

12 « Le processus accéléré et gratuit de pardons pour possession simple de cannabis entre désormais en vigueur », communiqué de presse, Sécurité publique Canada, 1er août 2019, Montréal (Québec).

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