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Perspectives

La gestion des différends en période de COVID-19 : passer du litige à l’arbitrage

La progression internationale de la COVID-19 a affecté les opérations commerciales, la logistique et les finances de la quasi-totalité des secteurs industriels. Dans de telles circonstances, nous pouvons nous attendre à ce que le nombre de différends juridiques augmente dès maintenant, alors que la capacité du système juridique à résoudre ceux-ci a toutefois diminué. Dans la quasi-totalité des provinces et au niveau fédéral, les tribunaux n’entendent que les affaires les plus urgentes et pressantes. Toutes les affaires non-urgentes pourraient procéder de manière « virtuelle », mais des systèmes appropriés doivent tout d’abord être développés, vérifiés et mis en place. Une fois que les tribunaux seront rouverts, les parties peuvent s’attendre à une accumulation de dossiers non traités découlant des fermetures liées à la COVID-19, ce qui pourrait entrainer des délais additionnels.

Étant donné ces défis, ceci pourrait être un bon moment pour envisager des alternatives, incluant l’arbitrage de différends qui sont présentement devant les tribunaux.

Le fait de référer un dossier présentement devant les tribunaux à l’arbitrage peut présenter plusieurs avantages :

  • Une audience rapide pour toutes les questions interlocutoires pressantes et toute autre question procédurale (par exemple, une demande d’injonction ou des questions de gestion de la preuve);
  • Une audience sur les questions de fait ou de droit essentielles, incluant la prescription, afin de mieux cibler le différend;
  • Souplesse dans le choix des emplacements d’audience, la possibilité de tenir des rencontres virtuelles, ou encore des procédures basées uniquement sur la preuve documentaire;
  • Un vaste choix d’arbitres, plusieurs d’entre eux étant présentement plus disponibles;
  • La possibilité de retourner devant les tribunaux une fois que la crise est passée.

Différences entre litige et arbitrage

L’arbitrage et le litige ont plusieurs caractéristiques en commun. Dans les deux cas, un tiers adjudicateur (le juge ou l’arbitre) gère un processus juridique structuré, prend en compte les admissions des deux parties, et rend une décision qui lie les parties relativement aux questions en litige. Contrairement à la médiation, ces processus mènent à des jugements (ou sentences) exécutoires plutôt qu’a des ententes négociées. Dans le cas de l’arbitrage, la décision est généralement finale.

L’arbitrage diffère du litige en ce qu’il s’agit d’une forme de résolution des différends privée. Une fois que les parties ont consenti à l’arbitrage, le différend est déplacé vers un contexte privé dans lequel les parties peuvent contrôler la procédure juridique, incluant les délais, les soumissions, la confidentialité; l’échange de la preuve et l’emplacement des rencontres. Lorsque les parties ne peuvent s’entendre sur les procédures, un arbitre (ou un panel d’arbitres) choisi par les parties détermine la procédure applicable. En résumé, les parties ont plus de contrôle sur leurs propres procédures, qui ont lieu devant un tribunal dédié sans faire appel aux ressources des tribunaux judiciaires.

La nature privée de l’arbitrage rend celui-ci attractif dans les circonstances actuelles. Tel que détaillé ci-dessous, l’arbitrage offre la chance aux parties de déplacer une partie ou la totalité de leurs différends vers un contexte privé dans lequel elles pourront plus facilement les faire progresser vers une résolution en temps voulu.

Le rôle de l’arbitrage pendant la crise de la COVID-19

Comment l’arbitrage peut-il aider les parties à gérer, ou à totalement éviter, les délais importants auxquels font actuellement face les tribunaux?

  1. Résoudre des questions procédurales clés : Les parties peuvent utiliser l’arbitrage pour résoudre les questions procédurales pressantes. Par exemple, si une partie recherche une injonction d’application immédiate, les lois relatives à l’arbitrage international et domestique des provinces canadiennes accordent aux arbitres le pouvoir d’émettre celles-ci. En d’autres termes, si le différend en général n’est pas urgent et peut procéder devant les tribunaux quels que soient les délais, mais qu’une partie à immédiatement besoin d’une injonction, un arbitrage immédiat concentré sur cette question leur offre cette possibilité.
  2. Résoudre certaines questions de fait ou de droit clés : Pendant que les parties attendent que les tribunaux soient de nouveau ouverts, certains différends pourraient bénéficier d’une résolution ou d’un ciblage des questions clés. Par exemple, une réclamation autrement fondée pourrait faire l’objet d’un moyen de défense relatif à la prescription. Dans leurs efforts pour faire progresser le différend, les parties pourraient choisir de référer uniquement la question de la prescription à l’arbitrage durant la période de fermeture des tribunaux. Le fait d’obtenir une détermination relativement à cette question pourrait aider les parties à décider s’il est nécessaire de procéder avec ce litige devant les tribunaux une fois que cette option leur sera à nouveau disponible.
  3. S’assurer que les différends soient résolus en temps voulu : Bien que dépendant du comportement des parties, de la nature de la réclamation, et des décisions du tribunal, l’arbitrage peut permettre une procédure juridique simplifiée et plus efficace. L’arbitrage inclut généralement des règles de divulgation de la preuve plus ciblées (et, dans le cas de l’arbitrage international, aucun interrogatoire), des délais plus souples, ainsi que des tribunaux dédiés et disponibles. Dans les circonstances actuelles, plusieurs arbitres ont une disponibilité accrue alors que les juges et les tribunaux sont moins disponibles. Pour cette raison, les parties pourraient également envisager de transférer leur différend au complet à l’arbitrage afin le faire progresser et éventuellement arriver à une résolution plus rapide que prévue.
  4. Des formes de résolution des différends souples : Les tribunaux arbitraux peuvent rendre leurs décisions sur la base d’une preuve proportionnelle à la nature du litige. Dans Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) Inc, la Cour Suprême du Canada a confirmé que, dans le cadre d’un arbitrage :

“[l]es modes de preuve demeurent souples et sous le contrôle de l’arbitre, sous réserve des ententes entre les parties. Il est ainsi loisible aux parties, par exemple, de décider qu’une question sera tranchée à la seule lumière du contrat, sans témoignages ou autres preuves.”

En ce qui concerne les plus petits dossiers, et dans des circonstances dans lesquelles il pourrait être difficile pour les parties de se rencontrer en personne, il pourrait être envisageable de procéder avec un arbitrage basé uniquement sur la preuve documentaire. Le tribunal arbitral pourrait également choisir d’entendre certains témoignages clés de façon « virtuelle », tout en déterminant les questions moins essentielles sur la base de la preuve documentaire uniquement. En bref, l’option de procéder de manière virtuelle pour les témoignages et les audiences (ou de s’en passer entièrement) a toujours été disponible dans le cadre de l’arbitrage. Avec l’aide d’un tribunal expérimenté et de conseillers juridiques coopératifs, les parties peuvent anticiper une très grande souplesse du processus arbitral.

Étapes pratiques pour ceux qui envisagent un recours à l’arbitrage

Toute décision de procéder en arbitrage relativement à un différend nécessite un contrat ou une entente d’arbitrage entre les parties concernées. La plupart de ces ententes sont prévues dans les contrats sous-jacents préalablement à la survenance du litige. Il est moins fréquent de voir des ententes relatives à l’arbitrage une fois le litige survenu et encore moins alors qu’une résolution judiciaire en déjà en cours. Cependant, il est possible de préparer une entente prévoyant le transfert d’un litige présentement devant les tribunaux à l’arbitrage. De la même manière qu’une clause d’arbitrage prévue avant la survenance d’un différend, une clause d’arbitrage relative à un litige en cours de résolution devrait prévoir, au minimum : (i) l’étendue de l’arbitrage prévu; (ii) le siège (ou situs juridique) de l’arbitrage; (iii) les règles procédurales applicables; et (iv) une méthode de sélection des arbitres.

Bien que les lois applicables à l’arbitrage international et domestique des provinces canadiennes accordent aux parties une très grande souplesse pour structurer leurs procédures arbitrales, les parties devraient néanmoins garder à l’esprit certaines règles auxquelles elles ne peuvent déroger. En particulier, les parties doivent avoir une chance égale de présenter leurs arguments. Pour cette raison, tout arbitrage d’un litige en cours doit s’assurer que les étapes qui ont été déjà été franchies par l’une des parties dans le cadre du litige sont également disponibles à l’autre partie dans le cadre de l’arbitrage. De plus, le choix de l’arbitre doit se faire avec le consentement des parties ou dans le cadre d’un processus de sélection équitable et équilibré.

Du moment que les parties gardent ces précautions à l’esprit, l’arbitrage devrait fournir une alternative viable pour de nombreuses parties qui souhaitent voir progresser la résolution de leur différend pendant la crise de la COVID-19.

Le groupe d’arbitrage commercial de BLG possède une expérience considérable dans la rédaction et la révision de contrats d’arbitrage conformes aux lois applicables relatives à l’arbitrage et pour assurer une transition sans heurts d’un différend vers l’arbitrage. Pour plus d’informations ou pour déterminer si l’arbitrage peut vous aider dans la résolution d’un différend, n’hésitez pas à communiquer avec l’un des membres de notre équipe ci-dessous.

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