une main qui tient une guitare

Perspectives

Règlement virtuel de différends : pratiques exemplaires et avantages

Le passage rapide aux comparutions à distance constitue un excellent exemple de la façon dont la COVID-19 continue de perturber la prestation traditionnelle des services juridiques. Tandis que les mesures de distanciation sociale limitent l’accès aux tribunaux partout au Canada depuis mars, certaines affaires continuent d’être entendues à l’aide de la technologie à distance.

Pionniers de la prise en compte des perturbations liées à la COVID, les avocats de BLG ont décrit certaines pratiques exemplaires destinées à guider les clients dans les procédures virtuelles, ainsi que les avantages associés à l’utilisation continue de la technologie dans le règlement des différends même après la levée des restrictions sur les rencontres en personne.

Tribunaux canadiens, changements touchant le fonctionnement et options de règlement virtuel des différends

L’emploi que nous faisons du terme générique « règlement virtuel des différends » recouvre l’utilisation des technologies téléphoniques, vidéo et autres pour faciliter ou soutenir les processus de règlement des différends.

Les tribunaux canadiens demeurent ouverts, mais leur fonctionnement a été sensiblement touché, et nombre d’entre eux n’entendent que des affaires urgentes ou des affaires de consentement. Compte tenu de la réduction considérable du volume d’audiences, les affaires en cours sont instruites a) par conférence téléphonique ou vidéo, b) par écrit ou c) par une combinaison des deux, exigeant des observations écrites plus détaillées suivies d’une courte conférence téléphonique ou vidéo visant exclusivement à répondre aux questions soulevées.

Les tribunaux réagissent différemment selon la province et la juridiction, mais des initiatives virtuelles sont entreprises partout au Canada, tandis que les tribunaux sont aux prises avec l’arriéré résultant du report des audiences tenues en personne.

Il importe de noter que la plupart des procédures judiciaires sont traditionnellement publiques et que les documents qui y sont déposés sont généralement accessibles au public. Par conséquent, les préoccupations en matière de sécurité soulevées récemment dans les médias (et ailleurs) au sujet des plateformes virtuelles ne s’appliquent généralement pas aux procédures judiciaires. En effet, certains tribunaux choisissent précisément de diffuser leurs audiences en direct sur YouTube afin que le public puisse les regarder activement.

Relativement aux procédures judiciaires, des interrogatoires de témoins ont lieu hors cour sous serment et devant un sténographe judiciaire pour recueillir la preuve de l’autre partie (parfois appelés interrogatoires préalables). De nombreux sténographes judiciaires offrent l’option de l’interrogatoire par vidéo, permettant de procéder sans exiger la présence physique du témoin, de l’interrogateur et du sténographe judiciaire au même endroit.

Médiation

La médiation est une négociation privée entre les parties à un différend qui est facilitée par un tiers neutre, appelé médiateur. Le médiateur peut être un avocat ou un ancien juge, ou un autre professionnel ou membre du milieu des affaires expérimenté qui est apte à faciliter un règlement entre les parties. Contrairement à un tribunal ou à un arbitre, le médiateur n’a pas le pouvoir de mettre fin au différend en imposant un règlement.

De nombreux médiateurs privés ont pris des mesures pour procéder à des médiations virtuelles pendant la pandémie. Contrairement à une audience judiciaire, la médiation soulève des préoccupations quant à la sécurité de la plateforme utilisée. Les parties voudront s’assurer que les discussions demeurent confidentielles et que les documents sous-jacents (qui ne sont pas accessibles au public) sont protégés de toute diffusion.

Les parties et leurs conseillers juridiques devraient examiner les questions de cybersécurité et en discuter avec leur médiateur avant d’échanger des documents et de tenir la médiation. Le caractère délicat du différend peut exiger certains ajustements par rapport à la pratique « normale ». L’entente relative au mandat du médiateur pourrait devoir tenir compte de ces facteurs.

Si certains différends se prêtent bien aux séances en personne, d’autres, à forte charge émotive, peuvent bénéficier d’une médiation virtuelle, lorsque les interactions en personne nuiraient aux discussions sur le règlement. Dans certains cas de médiation en personne, les parties campent sur leurs positions respectives tellement longtemps que la médiation virtuelle peut s’avérer préférable.

Arbitrage

Les parties doivent consentir à l’arbitrage, soit par accord contractuel au préalable ou lorsqu’un différend survient. En l’absence du consentement de toutes les parties à l’arbitrage, le différend doit être porté devant les tribunaux.

L’arbitrage peut être mené selon des règles de procédure préétablies qui peuvent être modifiées par les parties (et l’arbitre) ou adaptées au différend. Bien que certains arbitrages ressemblent à des litiges privés, les innovations touchant la pratique et la procédure ont permis de concevoir des arbitrages plus rapides, plus souples et moins coûteux que les procès traditionnels devant les tribunaux.

Plusieurs arbitres annoncent qu’ils sont disposés à mener des arbitrages au moyen de la technologie de conférence téléphonique et vidéo. Comme dans le cas de la médiation, les questions de sécurité devraient être prises en compte et peuvent être intégrées dans la procédure d’arbitrage même et dans l’entente relative au mandat de l’arbitre.

Conseils pour une expérience réussie de règlement virtuel de différend

Plusieurs considérations et pratiques exemplaires clés assurent le succès d’une expérience virtuelle. Les cinq suivantes nous paraissent les plus importantes :

1. Adopter des protocoles de sécurité appropriés.

  1. Si les questions de sécurité revêtent une importance cruciale, tenez compte de ce qui suit au moment de choisir une plateforme virtuelle et de déterminer les procédures à adopter pendant la réunion ou l’audience : a) le lieu d’hébergement des données (lorsque l’emplacement importe); b) la possibilité d’enregistrer les procédures; c) les droits d’accès à des espaces permettant la discussion de renseignements confidentiels en groupe restreint; d) la cybersécurité des parties et du tribunal, de l’arbitre ou du médiateur pour ce qui est du partage, de la manipulation et du stockage des documents sous-jacents. Une communication détaillée entre tous les participants sur ces protocoles de sécurité sous-jacents favorise l’établissement d’un consensus et de la confiance à l’égard du processus virtuel lui-même.
  2. Les tiers fournisseurs de services, y compris les sténographes judiciaires, devraient également examiner leurs propres protections en matière de cybersécurité et participer aux discussions sur la sécurité, s’il y a lieu.
  3. Envisagez l’accès à un espace permettant de discuter en groupe restreint à l’aide d’une technologie différente, notamment une ligne de téléconférence ou un espace de réunion virtuelle distinct, entièrement séparé de la procédure « principale ». Servez-vous de l’espace distinct et protégé pour les discussions confidentielles.
  4. Déterminez si toutes les parties utiliseront leurs propres copies de documents « hors ligne », si les documents seront versés sur un serveur infonuagique protégé ou s’ils seront partagés à l’écran. Chacune de ces approches comporte ses avantages et ses inconvénients sur le plan de la commodité, ainsi que des risques potentiels pour la sécurité, et doit être évaluée en conséquence.

2. Comprendre ce qui devrait se passer.

  1. Il importe de bien comprendre ce à quoi s’attendre à l’audience virtuelle du point de vue du processus. Discutez des attentes avec votre avocat.
  2. Votre avocat devra aussi communiquer avec les autres parties et avec le tribunal, l’arbitre ou le médiateur pour s’assurer que tous les autres ont les mêmes attentes à l’égard du processus.
  3. Sachez comment communiquer avec votre avocat en dehors de la plateforme virtuelle, en particulier pour régler des questions techniques ou donner des instructions confidentielles.

3. S’exercer.

  1. Les audiences virtuelles constitueront une nouvelle expérience pour beaucoup. Demandez un essai de fonctionnement de la plateforme avant l’audience pour vous exercer à l’utiliser. Familiarisez-vous avec le logiciel utilisé. Veillez à savoir comment activer et désactiver le mode silencieux. Réglez tout problème technologique.
  2. Exercez-vous à utiliser les documents électroniques avant l’audience.

4. Participer de façon significative.

  1. Une connexion Ethernet vous procurera la connexion audio et vidéo la plus stable; toutefois, si vous utilisez une connexion Wi-Fi, installez-vous dans un rayon de trois mètres de votre routeur.
  2. Il est préférable d’avoir un casque d’écoute pour l’audio, car les microphones intégrés fonctionnent moins bien.
  3. Il est conseillé d’utiliser deux écrans (ou deux appareils) : un pour participer à la procédure et l’autre pour consulter des documents.
  4. « Arrivez » tôt à la réunion ou à l’audience pour vous assurer du bon fonctionnement du son et de la vidéo.
  5. Veillez à vous trouver à un endroit où vous pouvez participer à l’audience sans interruption. Testez votre caméra et l’éclairage la veille. Si vous pensez ne disposer d’aucun décor professionnel chez vous, vous pouvez recourir à un arrière-plan virtuel pour bloquer la zone située derrière vous.
  6. Si vous assistez à titre de témoin devant être interrogé, vous devrez peut-être régler votre écran vidéo au début de votre participation, afin que les avocats, le juge ou l’arbitre puissent mieux voir les mouvements de votre corps et vos réactions faciales au contre-interrogatoire.
  7. Si vous assistez à un autre titre, sachez que les caméras permettent de voir votre visage de beaucoup plus près que lors d’une audience habituelle, de sorte qu’il faut redoubler de vigilance à l’endroit des expressions faciales, des bâillements, et ainsi de suite.

4. Faire preuve de souplesse et s’adapter.

  1. À mesure que les tribunaux, les arbitres et les médiateurs s’adapteront à la tenue d’un plus grand nombre d’audiences et de réunions virtuelles, ils se familiariseront avec la technologie utilisée dans les procédures virtuelles et s’y adapteront. Les audiences et les réunions se dérouleront plus facilement avec la pratique. Avec le temps et l’expérience, des pratiques exemplaires émergeront pour les aspects les plus difficiles des audiences et des réunions virtuelles, notamment à l’égard du traitement des objections des conseillers juridiques et des interruptions des arbitres, des médiateurs ou des juges.
  2. Des problèmes de microphone ou de connectivité pourront survenir de temps à autre. Les participants devront se montrer patients, mais aussi intervenir pour corriger ces problèmes.

Arguments en faveur de la technologie dans le cadre des audiences, après la pandémie

Les innovations technologiques dans notre système de règlement des différends se sont multipliées pendant plusieurs années avant la récente crise sanitaire. Le règlement en ligne de différends a gagné en popularité, tout comme la présentation électronique de la preuve dans le cadre de litiges.

De nombreux procès ont déjà été conduits sans papier, ou presque sans papier.

Il importe de noter que la technologie et les audiences virtuelles peuvent procurer de réels avantages aux parties :

a) Efficience

Les audiences à distance permettent d’épargner temps et argent. Par exemple, les clients économisent de l’argent sur les déplacements et les temps d’attente, et les conseillers juridiques peuvent utiliser le temps de déplacement pour mieux se préparer. Les fichiers numériques permettent également à toutes les parties de trouver plus facilement l’information pertinente, susceptible de s’accumuler considérablement au cours d’une procédure, leur épargnant des heures.

b) Élimination du papier

Les parties fournissent tous leurs documents au tribunal et au tiers par voie électronique, habituellement avant l’audience.

c) Personnalisation

Il n’existe pas d’approche universelle pour le règlement virtuel de différends. Comme dans le cas du règlement de différends en personne, les clients devraient être informés de toutes les options possibles et des pratiques exemplaires connexes.

d) Diversité d’options

La cessation de certaines comparutions devant les tribunaux risque d’entraîner des arriérés, et les clients peuvent envisager des solutions de rechange aux litiges, y compris la médiation et l’arbitrage, si les paramètres requis sont respectés.

e) Accessibilité

Les audiences à distance peuvent se révéler plus accessibles et pourraient démocratiser l’accès à la justice.

Point principal à retenir

Parallèlement aux appels à la modernisation des règles de pratique pour tenir compte des progrès technologiques, il ne fait guère de doute que les processus judiciaires seront révisés pour intégrer la technologie en vue de faciliter le règlement équitable, juste et rapide des affaires. Les pratiques en matière de dépôt passeront à des plateformes en ligne, et la présentation électronique de la preuve deviendra bientôt chose courante. De plus en plus, les litiges, la médiation et l’arbitrage feront appel à la conférence téléphonique et vidéo. Et, tandis que les Canadiens travaillent ensemble à la préservation de leur sécurité pendant la présente pandémie, les circonstances actuelles ont fait ressortir la grande utilité de la technologie pour régler les différends maintenant.

La justice n’a pas besoin de retards supplémentaires.

BLG a été un pionnier de la prise en compte des perturbations liées à la COVID-19, mettant rapidement sur pied son groupe de travail sur le règlement virtuel des différends afin d’établir des normes de service uniformes et de diffuser de la formation, des pratiques exemplaires et des mises à jour à l’échelle du cabinet. Pour plus de renseignements sur les procédures virtuelles, veuillez communiquer avec l'un des principaux contacts.

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