une main qui tient une guitare

Perspectives

Les ACVM souhaitent obliger les personnes inscrites à les aider à protéger les clients de l’exploitation financière

Le 5 mars 2020, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié pour consultation des projets de modification au Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription et les obligations continues des personnes inscrites (le Règlement 31-103) en vue de rehausser la protection des investisseurs en obligeant les personnes inscrites à s’attaquer aux problèmes d’exploitation financière et de diminution des facultés mentales chez leurs clients âgés ou vulnérables. Dans cette publication, les ACVM expliquent que les personnes inscrites sont bien placées pour déceler chez leurs clients les signes d’exploitation financière, de vulnérabilité et de diminution des facultés mentales. Les ACVM ont articulé les projets de modification du Règlement 31-103 autour de deux thèmes, qui concernent les mesures que les personnes inscrites peuvent – et devraient – prendre pour aborder les enjeux liés à l’exploitation financière et à la diminution des facultés mentales de leurs clients, à savoir :

  • Désignation d’une personne de confiance pour chaque client qui ouvre un compte et possibilité de communiquer avec cette personne en cas de préoccupations au sujet du client;
  • Blocage temporaire du compte lorsque la personne inscrite estime que des questions se posent au sujet du client dans une des situations évoquées dans les projets.

La période de consultation s’est terminée le 20 juillet 2020 (après avoir été prolongée en raison de la pandémie de COVID-19). Bien que nous appuyions sans réserve l’esprit et les objectifs de ces projets, nous entendons proposer aux ACVM certaines améliorations et réflexions pratiques pour aider les personnes inscrites à mieux comprendre ce qu’elles doivent faire et ce qu’elles peuvent raisonnablement accomplir.

Voici les projets en question, ainsi que nos brèves observations.

Comme pour bon nombre des publications récentes des ACVM sur les personnes inscrites, les règles actuelles sont relativement simples, et ce, même si nous estimons qu’elles nécessitent certaines modifications. Il y a toutefois de nombreux facteurs qui entrent en ligne de compte en ce qui concerne les attentes des ACVM quant à la façon de se conformer aux règles. Dans le cas de ces projets, on trouve ces indications dans une annexe distincte intitulée « Instruction générale relative au Règlement 31-103 ».

Les modifications proposées s’inscrivent dans la foulée de l’Avis 31-354 du personnel des ACVM intitulé Pratiques recommandées d’interaction avec les clients âgés ou vulnérables qui a été publié l’an dernier, et d’autres publications, instructions générales et examens. S’ils sont mis en œuvre, les projets auront des incidences sur les activités de toutes les sociétés inscrites, y compris celles des courtiers membres de l’Organisme canadien de réglementation du commence des valeurs mobilières (OCRCVM) et des membres de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM). Les ACVM encouragent l’OCRCVM et l’ACFM à envisager la possibilité de modifier leurs règles pour les rendre conformes au règlement des ACVM. Dans l’intervalle, les règles proposées en ce qui concerne le Règlement 31-103 s’appliqueraient aux organismes d’autoréglementation inscrits (une fois que leur version définitive aurait été arrêtée).

Sauf erreur, les ACVM souhaitent que ces projets de modification entrent en vigueur en même temps que les « réformes axées sur le client » apportées au Règlement 31-103, soit le 31 décembre 2021.

BLG est depuis longtemps en faveur de l’idée que les personnes inscrites demandent à leurs clients de leur communiquer les coordonnées d’une personne de confiance qu’elles peuvent contacter au besoin. Nous avons aussi conseillé bon nombre de clients au sujet de la nécessité de bloquer les comptes de personnes dont il y a lieu de penser qu’elles sont exploitées financièrement ou qu’elles ne sont pas en pleine possession de leurs facultés mentales. Arthur Fish, un associé de notre groupe Successions, fait partie depuis longtemps du comité consultatif d’experts pour les personnes âgées de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario et il est l’un des principaux défenseurs des concepts qui ont inspiré les projets de modification.

Personne de confiance

Aux termes des projets de modification, les personnes inscrites seront tenues de prendre des mesures raisonnables pour obtenir de chacun de leurs clients le nom et les coordonnées d’une personne de confiance résidant dans la même province ou le même territoire que le client, ainsi que son consentement écrit à communiquer avec la personne de confiance dans certaines circonstances, notamment lorsque la personne inscrite estime que son client pourrait être victime d’exploitation financière ou a des inquiétudes quant aux facultés mentales de ce dernier.

Les ACVM expliquent que la personne de confiance est une ressource qui aide la personne inscrite à protéger les intérêts financiers de son client. Toutefois, lorsqu’elles communiquent avec une personne de confiance, les personnes inscrites doivent tenir compte de leurs obligations en matière de respect de la vie privée prévues par les lois applicables et des ententes conclues avec leurs clients au sujet de la collecte, de l’utilisation et de la divulgation de renseignements personnels.

Bien que, dans sa forme actuelle, cette exigence ne s’appliquerait qu’aux clients qui sont des personnes physiques, les ACVM ont invité les intéressés à leur faire part de leur opinion sur l’opportunité d’appliquer cette exigence de façon plus générale. En particulier, comme ces personnes physiques sont susceptibles d’investir indirectement par l’entremise de sociétés de portefeuille, de fiducies familiales ou de véhicules semblables, les ACVM se demandent si l’exigence relative aux personnes de confiance ne devrait pas aussi s’appliquer aux particuliers qui contrôlent des clients qui ne sont pas des personnes physiques, comme des personnes morales, des sociétés de personnes et des fiducies.

Nous nous interrogeons sur le bien-fondé de l’exigence selon laquelle, suivant le libellé actuel, la personne de confiance doit résider dans la même province ou le même territoire que le client (ce qui exclurait le membre de famille adulte ou l’ami du client qui est domicilié dans une autre province ou un autre pays). Nous remettons également en question l’obligation de demander à chaque client, quel que soit son âge ou son état, de fournir ces renseignements à l’ouverture de son compte, bien que nous comprenions la réticence des autorités des valeurs mobilières à exiger des sociétés inscrites qu’elles indiquent des catégories précises de clients et qu’elles ne recueillent des renseignements sur les personnes de confiance qu’auprès de ces clients. Les règles ne sont pas claires en ce qui concerne ce que la personne inscrite peut ou doit faire si un client refuse de communiquer ces renseignements. Nous estimons que les personnes inscrites ont besoin d’indications plus précises à ce sujet.

Nous constatons par ailleurs qu’aucune mesure de transition n’est proposée pour les clients actuels des personnes inscrites. Les personnes inscrites doivent-elles contacter chaque client existant et obtenir les renseignements nécessaires au sujet de la personne de confiance et, dans l’affirmative, y a-t-il un délai prévu pour se conformer à cette obligation? Nous allons recommander que cette question soit abordée par les ACVM lors de l’adoption de la version définitive des projets, qui ne contiennent aucune indication sur la manière dont ces renseignements sont censés être vérifiés et mis à jour ni sur le délai imparti pour le faire, si ce n’est que les personnes inscrites « devraient » disposer de politiques et de procédures sur cette question. Nous recommandons que la personne inscrite discute de la personne de confiance avec le client lors des discussions habituelles sur le compte et de la mise à jour de la fiche client. Les ACVM expliquent que la personne de confiance « ne devrait pas » être une personne qui conseille le client ou qui le représente dans le cadre de négociations. Nous allons recommander qu’il soit interdit de désigner ces personnes en raison des risques de conflits d’intérêts évidents. Nous notons également que l’ACFM, en particulier, a recommandé que la personne de confiance ne soit pas le mandataire du client agissant en vertu d’une procuration ou une personne ayant un intérêt à l’égard du compte (par exemple, en tant que bénéficiaire). De telles conditions, plus restrictives, pourraient empêcher un client qui connaît peu de personnes de désigner une personne confiance. Elles seraient par contre sans doute plus sages.

Comme pour la plupart, sinon la totalité, des exigences réglementaires, les documents auront une grande importance lors de toute discussion entre la personne inscrite et le client au sujet de la désignation de la personne de confiance et de toute discussion avec la personne de confiance au sujet du client.

Blocage temporaire

Les projets de modification précisent que les ACVM sont d’avis que la législation canadienne en valeurs mobilières n’empêche pas une société inscrite d’imposer un blocage temporaire sur une opération lorsqu’elle estime raisonnablement qu’un client vulnérable est exploité financièrement ou qu’il ne possède pas les facultés mentales requises. Nous relevons certains passages ambigus dans l’instruction générale qui accompagne les projets de modification et qui indique qu’une société peut imposer sur le compte d’un client un blocage temporaire « qu’elle est légalement habilitée à imposer ». Nous estimons qu’il est nécessaire d’examiner davantage les raisons pour lesquelles les ACVM emploient ces termes. Les documents relatifs au compte et les accords conclus avec les clients devront probablement tenir compte des circonstances dans lesquelles une personne inscrite peut imposer un blocage temporaire sur un compte. Les clients doivent donner leur consentement avant qu’un blocage temporaire ne soit imposé afin de protéger la personne inscrite ainsi que le client. Les modifications énoncent également certaines mesures qu’une société inscrite devra prendre si elle impose un blocage sur une opération, en documentant notamment les faits pertinents à l’origine du blocage temporaire, en informant le client du blocage temporaire et en procédant à un examen des faits pertinents avant de mettre fin au blocage ou de refuser de procéder à l’opération. On peut supposer qu’une personne inscrite serait également en mesure de contacter la personne de confiance dans ces conditions, mais les projets de modification ne le mentionnent pas expressément.

Incidences sur les sociétés inscrites

Si les projets de modification sont adoptés, les sociétés inscrites devront s’assurer qu’il existe des politiques et des procédures appropriées, notamment en ce qui concerne la tenue de livres, pour respecter les nouvelles exigences du Règlement 31-103 ainsi que les exigences réglementaires plus strictes mentionnées dans les projets de modification relatifs à l’instruction générale connexe. De plus, les sociétés inscrites devront mettre à jour leurs documents d’ouverture de compte – notamment le document de déclaration sur la relation qui a été communiqué au client et les ententes relatives au compte –, qui devront préciser dans quelles circonstances la société inscrite peut communiquer avec la personne de confiance ou bloquer temporairement une opération sur le compte du client. Les sociétés inscrites devront également offrir une formation à leurs représentants pour les aider à reconnaître les signes d’une diminution des facultés mentales ou d’une situation d’exploitation financière, et leur indiquer les mesures à prendre lorsqu’il y a lieu de s’inquiéter.

Veuillez communiquer avec votre avocat chez BLG ou avec les auteurs du présent bulletin si vous avez des questions au sujet des projets de modification ou des attentes des ACVM en matière de protection des clients âgés ou vulnérables, notamment pour en connaître les incidences sur votre société et ses activités.

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