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Perspectives

Norme sur les combustibles propres : essor explosif des combustibles de remplacement en vue

Il n’y a pas à dire, la Norme sur les combustibles propres (NCP) du gouvernement canadien ne manque pas d’ambition. Notons d’entrée de jeu qu’elle s’appliquera aux combustibles utilisés dans les véhicules, les usines et les bâtiments : sa portée sera donc beaucoup plus large que celle des programmes, essentiellement provinciaux, sur les additifs pour carburant. De plus, elle vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 millions de tonnes par an d’ici 2030.

Les réductions de l’intensité en carbone dans le cycle de vie des combustibles fossiles feront certes partie d’une stratégie de conformité, mais une grande proportion des retombées sera attribuable aux crédits compensatoires, notamment créés par la fourniture de combustibles à faible teneur en carbone pour remplacer, en tout ou en partie, les combustibles traditionnels. C’est là que tout se jouera, tant pour les « fournisseurs principaux » (producteurs et importateurs) que pour le secteur des combustibles de remplacement dans son ensemble.

Quels sont les combustibles admissibles?

La liste des combustibles de remplacement permettant de créer des crédits dans la catégorie des liquides ne se limite pas aux liquides. En fait, la réglementation sur les combustibles fossiles liquides permet dans une certaine mesure de créer des crédits en fournissant des combustibles gazeux. Voici les combustibles actuellement admissibles aux crédits :

Liquides (liste non exhaustive)

  • Éthanol
  • Diesel renouvelable
  • Biodiesel
  • Huile végétale hydrotraitée
  • Carburéacteur à faible intensité en carbone
  • Combustibles synthétiques
  • Méthanol renouvelable

On remarque que la liste est composée de combustibles liquides à faible teneur en carbone (selon la méthode de la NCP), et qu’ils ne proviennent pas nécessairement de la biomasse.

Gaz (groupe actuellement restreint)

  • Hydrogène
  • Biogaz
  • Gaz naturel renouvelable
  • Propane renouvelable

Il est intéressant de noter que ces deux listes se composent principalement de combustibles « renouvelables », dont certaines matières premières qui ne se renouvellent pas nécessairement naturellement. Autrement dit, pour fournir des combustibles à faible teneur carbonique, il ne faut pas nécessairement produire des biocombustibles. La porte est donc grande ouverte pour les entreprises du secteur et des technologies qui veulent créer des crédits.

Profiter au maximum des incitatifs : un processus en deux étapes

Les acteurs du secteur des combustibles de remplacement peuvent s’assurer de profiter au maximum de la NCP en suivant un processus en deux étapes.

Étape 1 : Bien évaluer le cycle de vie

L’obtention d’une faible valeur d’intensité en carbone est essentielle pour les créateurs de crédits. Pour ce faire, ils peuvent utiliser l’outil de modélisation de l’évaluation du cycle de vie des combustibles d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), qui se veut :

« un outil de modélisation solide, convivial et transparent pour calculer l’intensité en carbone des combustibles utilisés au Canada ».

L’outil n’est pas encore disponible, et peu de créateurs seront enclins à l’attendre.

Ceux qui comptent au moins un an d’activité pourront opter pour une vérification par un tiers des intensités déclarées, selon la méthode de l’ISO. Nul doute, il y aura une certaine part d’incertitude dans le processus, ce qui pourrait mener à des négociations avec ECCC, mais le jeu en vaut la chandelle pour ceux qui entreront tôt sur le marché. Les « valeurs par défaut désagrégées » de la NCP doivent être évitées, sauf si des évaluations ont été réalisées et vérifiées pour la technologie utilisée.

Étape 2 : Déterminer la différence avec la valeur de référence

La faible intensité en carbone obtenue pour un combustible de remplacement devient avantageuse seulement quand on la compare à l’intensité de référence que lui associe ECCC. Voici ce à quoi sont comparées les différentes catégories de combustibles :

  • Pour les combustibles liquides réglementés, la valeur de référence est l’intensité moyenne en carbone de tous les combustibles liquides utilisés au Canada (fossiles et renouvelables).
  • Pour le biogaz utilisé pour le chauffage ou dans un « équipement à haut rendement » produisant de l’électricité, pour le gaz naturel renouvelable et pour l’hydrogène, l’intensité en carbone de référence est celle du gaz naturel.
  • Pour le propane renouvelable, la valeur de référence est l’intensité en carbone du propane.
  • Pour le biogaz utilisé dans un équipement à faible rendement produisant de l’électricité, les crédits pourraient être basés sur la différence entre l’intensité en carbone du cycle de vie de l’électricité produite à partir de biogaz et l’intensité en carbone par défaut qui sera :

« représentative de la composition du réseau électrique provincial dans lequel l’électricité issue du biogaz a été produite. »

Cette façon de faire complexifiera sans doute l’établissement de stratégies pancanadiennes de création de crédits, et ECCC devra fixer des valeurs (artificielles) pour la période initiale de conformité de huit ans de la NCP, question d’offrir aux parties prenantes une certitude quant aux prix.

Les valeurs de référence de la NCP pour les combustibles fossiles deviendront pertinentes, voire cruciales, pour toutes les parties prenantes. Une fois fixées dans le projet de règlement, ces valeurs demeureront les mêmes jusqu’en 2030 pour assurer la certitude du marché et la transparence des réductions d’intensité en carbone. La période de consultation sur la réglementation des combustibles liquides sera la dernière occasion de formuler des commentaires sur ces chiffres.

Une hausse massive de la production est nécessaire

L’Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP) est préoccupée par plusieurs éléments du programme de la NCP. Dans une prise de position publiée en août 2020, elle se dit inquiète de la disponibilité des crédits liés à l’utilisation de biocombustibles :

« La disponibilité des biocombustibles suscite alors une grande inquiétude. On ne sait pas réellement si l’offre sera suffisante pour répondre à la demande de conformité créée par la NCP et d’où cette offre proviendra. »

Il est vrai que les besoins à venir du secteur énergétique en crédits compensatoires excèdent largement la production canadienne actuelle de biocombustibles permettant d’en créer. Il ne faudrait toutefois pas sous-estimer l’intérêt que commence à susciter la production de nouveaux combustibles de remplacement sur le plan commercial au Canada, ni les multiples façons de produire les combustibles admissibles.

Mot de la fin

Le chemin vers un règlement sur les combustibles liquides, qui devrait être publié d’ici la fin de l’année, a été long et sinueux. Pour le secteur des combustibles de remplacement, qui se préparent à révolutionner et à dynamiser le marché, la NCP n’arrive pas trop tôt.

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