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Perspectives

Comprendre les crédits pour réduction de l’intensité en carbone du cycle de vie prévus dans la Norme sur les combustibles propres

Ce n’est pas un secret : la Norme sur les combustibles propres (NCP) proposée par Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) fait l’objet d’une certaine opposition. Aux préoccupations concernant les coûts de production élevés, les difficultés de conformité technologique et les contraintes réglementaires s’ajoutent les menaces de contestations constitutionnelles semblables à celles qui ont été soulevées, il y a quelques années, à l’égard du seuil fédéral de tarification du carbone.

On pourrait toutefois faire valoir que la NCP renferme à la fois des mesures incitatives et des fardeaux financiers pour l’industrie pétrolière et gazière canadienne, particulièrement en ce qui concerne les possibilités de création de crédits au moyen de la réalisation de projets de réduction de l’intensité en carbone du cycle de vie des combustibles fossiles. 

Réduction de l’intensité en carbone du cycle de vie

S’inspirant de la norme sur les combustibles à faible teneur en carbone de la Colombie-Britannique (Low Carbon Fuel Standard), le règlement à venir sur les combustibles fossiles liquides de la NCP mettra l’accent sur l’amélioration de la performance environnementale dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement de la production de combustibles fossiles. Sont visées les améliorations apportées par les « fournisseurs principaux » (producteurs et importateurs) et leurs fournisseurs de services, notamment :

  • l’adoption d’un combustible à plus faible intensité en carbone; 
  • l’intégration de l’énergie renouvelable;
  • le captage, l’utilisation et le stockage du carbone.

Comme des crédits pourront être créés pour les projets lancés à compter de juillet 2017, les précurseurs (actuels ou passés) y seront admissibles. En adoptant une méthode fondée sur le cycle de vie semblable à celle de la norme sur les combustibles à faible teneur en carbone de la Colombie-Britannique, la NCP permettra de mettre à profit l’expérience acquise dans le cadre de ce programme. 

Quelle est la distinction entre un projet « additionnel » et un bon projet?

La NCP n’indique pas clairement quand les améliorations apportées à la chaîne d’approvisionnement entraîneront la création de crédits. Comme seuil de référence, la NCP utilise le concept d’« additionnalité » propre au marché du carbone, qui consiste à offrir une compensation à des parties motivées à réduire leurs émissions de carbone (ou l’intensité en carbone de celles-ci) par la possibilité de générer des crédits, et non dans le but d’améliorer leurs activités courantes ou leur efficacité.

L’approche réglementaire proposée d’ECCC n’a rien pour rassurer les marchés à cet égard :

« L’évaluation de l’additionnalité tiendra compte de nombreux facteurs, y compris l’aspect financier du projet, les considérations réglementaires (par exemple, si une action est requise par une autre loi ou  règlement), les obstacles technologiques et financiers, les émissions (dans le cas de référence et les réductions projetées), et le taux de pénétration de la technologie ou de la pratique. »

Il ne faut donc pas s’étonner du fait que les améliorations apportées à l’ensemble du traitement ne soient pas couvertes par la NCP. ECCC devra fournir des orientations beaucoup plus concrètes pour que la NCP se traduise par de véritables réductions de l’intensité en carbone du cycle de vie des combustibles fossiles.

Qu’en est-il des autres programmes canadiens de réduction du carbone?

La création de crédits pour les améliorations apportées aux termes de la NCP ne se produira pas en vase clos. De nombreux fournisseurs principaux seront en outre assujettis à d’autres lois (fédérales, mais surtout provinciales) encadrant les émissions.

ECCC a indiqué que les améliorations apportées au cycle de vie seront reconnues pour la création de crédits en vertu de la NCP lorsqu’elles chevaucheront les systèmes de tarification de la pollution par le carbone (on fait ici référence au filet de sécurité fédéral sur la tarification du carbone et à ce qui en a découlé) à l’égard :

  • soit des exigences de conformité aux normes relatives aux émissions;
  • soit de la création de crédits d’émission de carbone.

Les améliorations apportées conformément à la norme sur les combustibles à faible teneur en carbone de la Colombie-Britannique permettront également la création de crédits en vertu de la NCP. Le sort réservé aux activités de conformité prévues par la norme sur les carburants renouvelables de l’Alberta (Renewable Fuel Standard) est quant à lui plus difficile à déterminer – une omission qui n’a pas échappé à la province.

Quelles améliorations ne seront pas admissibles aux crédits?

Malheureusement, ECCC décrit beaucoup plus clairement les projets qui ne sont pas admissibles que ceux qui le sont. Voici quelques exclusions dignes de mention :

  • les projets qui sont légalement tenus de respecter d’autres lois ou règlements (non liés à la tarification du carbone); 
  • l’utilisation de combustibles renouvelables ou à faible intensité en carbone pour lesquels des crédits ont déjà été créés en vertu de la NCP;
  • le traitement d’un combustible fossile à plus faible intensité en carbone (comme du pétrole léger plutôt que du pétrole lourd);
  • un changement intentionnel visant exclusivement à réduire ou à cesser la production de combustible.

Curieusement, le seul fait de recevoir des fonds du gouvernement pour des améliorations n’élimine pas la possibilité d’obtenir des crédits liés des améliorations en vertu de la NCP.  

La réponse se trouve dans les méthodes de quantification de la réduction des émissions

Il est à espérer que le processus de création de crédits liés aux améliorations se clarifiera au fur et à mesure qu’ECCC élaborera ses méthodes de quantification de la réduction des émissions. Pour l’instant, nous savons que les projets doivent être conformes à la norme ISO 14064-2, être défendables à tous égards sur le plan scientifique et créer des crédits pendant au moins cinq ans. Nous savons également que des méthodes seront élaborées pour les types de projets suivants :

  • captage et stockage du carbone; 
  • récupération assistée des hydrocarbures; 
  • intégration de l’électricité à faible intensité en carbone; 
  • réductions de méthane qui s’ajoutent aux exigences réglementaires; 
  • cogénération; 
  • électrification; 
  • traitement conjoint des biobruts dans les raffineries et les usines de valorisation.

Bref, une véritable liste d’épicerie de projets d’amélioration sur lesquels travaillent les acteurs de l’industrie pétrolière et gazière depuis bien avant que l’on songe à adopter la NCP. 

Si elle dispose d’une description concrète et détaillée des activités qui permettent de créer des crédits liés au cycle de vie et d’un rendement satisfaisant sur son investissement, l’industrie pétrolière et gazière canadienne pourrait bien être en mesure de tirer profit des possibilités de crédits provenant de projets d’amélioration en vertu de la NCP. En outre, les améliorations relatives à l’intensité en carbone découlant de ces changements pourraient placer l’industrie canadienne dans une position favorable pour se conformer aux normes analogues qui émergent dans l’ensemble des marchés d’exportation.

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