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Perspectives

Les tests de dépistage obligatoires pour la COVID-19 sont jugés raisonnables dans une maison de soins en Ontario

Le 9 décembre 2020, l’arbitre Dana Randall a rendu une décision confirmant le droit d’un employeur de soumettre ses employés à un test de dépistage obligatoire de la COVID-19.

La section locale 303 du CLAC (le « Syndicat ») a déposé un grief collectif au nom de ses de ses membres contre la maison de soins Caressant Cured Nursing and Retirement Home Limited, située à Woodstock en Ontario (le « CCRH de Woodstock »). Le grief visait à contester le caractère raisonnable du test de dépistage de la COVID-19 quinzomadaire obligatoire pour tout le personnel du CCRH de Woodstock.

Le CCRH de Woodstock est une résidence privée à logements locatifs occupés principalement par des personnes qui requièrent une assistance pour des soins et services médicaux minimaux ou modérés. Ils desservent actuellement cent résidents.

Le CCRH de Woodstock avait suivi la recommandation du gouvernement de l’Ontario pour les maisons de soins, et l’avait incorporée dans une politique obligatoire. Cette politique comprenait les exigences suivantes :

  1. Tout membre du personnel doit participer aux tests de dépistage de la COVID-19 en cours, effectués par prélèvement nasal toutes les deux semaines;
  2. Les accommodements de nature médicale seront évalués et traités cas par cas; et
  3. Le refus de participer au processus de dépistage entraînera le retrait de l’employé de ses fonctions, jusqu’à ce que le test soit effectué. 

Entre le 7 et le 29 juin 2020, le CCRH de Woodstock fait part des nouvelles directives à son personnel en leur fournissant une copie et une note de service détaillée de la nouvelle politique en vigueur.

Certains membres du personnel ont exprimé leur malaise par rapport à ce processus. Ils estimaient que cette nouvelle exigence était trop invasive, douloureuse et quasi inutile, puisque les résultats confirmeraient uniquement que l’employé n’était pas atteint du virus au moment du prélèvement. Le Syndicat a fait valoir que la portée de la politique était trop large et a suggéré que l’obligation de dépistage constituait une violation raisonnable de la vie privée que lorsqu’une personne était symptomatique.

Décision

L’enjeu le plus litigieux était le caractère raisonnable de la politique. L’arbitre Randall a pondéré l’effet de l’intrusion dans la vie privée des membres par rapport aux avantages et aux objectifs de sécurité de la politique. Appliquant des principes d’arbitrage bien établis concernant la mise en pratique de règles sur les lieux de travail, il a jugé que la politique était raisonnable.

L’arbitre Randall a souligné la nouveauté et la nature infectieuse de la COVID-19 et l’a distinguée des décisions précédentes portant sur les alcootests obligatoires, citant notamment le risque accru de transmission et de décès liés à l’exposition potentielle des résidents du centre de soin au virus. L’arbitre Randall a évalué que l’atteinte à la vie privée était suffisamment mitigée par les tests quinzomadaires  et que les risques de transmission de la COVID-19 dans une population de personnes âgées étaient plus importants.

Il a également déterminé que la politique était justifiée, car les mesures disciplinaires qui en découlaient étaient :

  1. conformes à la convention collective;
  2. claires et sans équivoques;
  3. portées à l’attention des employés avant que l’employeur n’y donne suite;
  4. comprenait un avis clair selon lequel le non-respect des règles entraînerait un congédiement;
  5. appliquées de façon constante depuis son introduction; et
  6. raisonnables.

Finalement, l’arbitre Randall a aussi conclu que la politique remplissait le critère de l’accommodement raisonnable. À titre d’exemple, lorsqu’un membre du personnel ne pouvait tolérer un prélèvement nasal, le CCRH de Woodstock faisait recours à un prélèvement alternatif au niveau de la gorge.

Malgré la position du Syndicat selon laquelle les règles antérieures à la politique étaient suffisantes puisqu’il n’y avait pas eu de foyer de propagation, et son argument selon lequel la politique est incohérente, car elle ne teste pas la grande majorité des personnes dans l’établissement (les résidents), l’arbitre Randall a tout de même été d’avis que la politique était appropriée. Le grief a été rejeté.

Le jugement en bref

La décision reflète l’adage « mieux vaut prévenir que guérir » en ce qui a trait aux politiques sur le lieu de travail instaurées en réponse à la COVID-19, et ce même si les employeurs doivent s’adapter de façon à atténuer suffisamment le caractère invasif des mesures applicables afin qu’elles soient raisonnables.

La sentence rappelle également que le contexte est important. La décision aurait pu être différente si la politique avait été mise en place dans un cadre différent où le personnel ne travaillait pas avec des résidents âgés et vulnérables, ou si la politique avait été instaurée à un moment de la pandémie où les cas étaient stables ou en déclin.

Il reste à déterminer si le dépistage obligatoire sera maintenu dans différents contextes et à différents niveaux de propagation au cours de la pandémie. De plus, il faudra considérer que les employeurs pourraient possiblement changer leur approche en envisageant de mettre en œuvre des politiques de vaccination obligatoire, cela demeure une question à être tranchée éventuellement.

Pour toute question sur les politiques en milieu de travail et la COVID-19, n’hésitez pas à contacter Rob Weir à [email protected] ou Maddie Axelrod à [email protected]

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