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Perspectives

Pétrole et gaz au Canada : Top 20 de 2020 – transactions et tendances

Sans aucun doute, la pandémie de COVID-19 et ses conséquences majeures durables au Canada et dans le monde entier sont ce qui a le plus retenu l’attention l’an dernier.

Cette période a entraîné d’importantes transformations dans le secteur canadien de l’énergie, et bon nombre des changements et des nouveautés de 2020 continueront d’influer sur les tendances, les décisions d’affaires et la croissance future de ce secteur en 2021.

Nous avons dégagé les 20 principaux changements et décisions survenus au sein du secteur en 2020 dans quatre domaines clés : décisions judiciaires, décisions réglementaires, changements à la législation et aux politiques ainsi que transactions et tendances. Dans cet article, nous analysons les cinq principales transactions et tendances de l’année écoulée et l’effet qu’elles pourraient avoir sur votre entreprise en 2021.

Les cinq principales transactions et tendances de 2020

En 2020, les astres étaient parfaitement alignés pour entraîner une volatilité des marchés et une instabilité dans le secteur de l’énergie. Les confinements à l’échelle mondiale ont entraîné une forte baisse de la demande en énergie, engendrant un recul des cours des produits de base et une offre excédentaire de pétrole et de gaz; en conséquence, pour la première fois de son histoire, le pétrole s’est négocié en territoire négatif. Les pionniers du secteur et les adeptes des tendances à contre-courant sont sortis gagnants de la crise. Les acteurs nationaux du secteur de l’énergie y ont vu une occasion de consolidation en vue de constituer des organisations plus grandes et plus résistantes à la nouvelle réalité économique, tandis que d’autres ont profité de restructurations en cours et de défaillances d’entreprises pour acquérir des actifs à prix réduit. Les critères ESG (environnemental, social et gouvernance d’entreprise) ont également fait leur entrée dans le lexique de toutes les sociétés pétrolières et gazières, tandis que les controverses sociales, économiques et politiques autour des pipelines ont pris de l’élan et ont continué de s’étendre en 2020. Enfin, les projets extracôtiers de l’Est du Canada demeurent incertains malgré une aide gouvernementale importante.

1. Volatilité des prix mondiaux dans un contexte de propagation de la COVID-19

a) Incidences sur la demande et OPEP+

Depuis janvier 2020, la propagation du virus de la COVID-19 a inversé presque intégralement la dynamique positive des prix du pétrole observée en 2019. La pandémie a considérablement touché le marché du pétrole; la demande en carburants pour le transport a chuté de moitié, engendrant une saturation des réservoirs de stockage qui a contraint les raffineries à réduire leur production, voire à la suspendre.
Le 20 avril 2020, en raison d’une surproduction sans précédent conjuguée à des capacités de stockage insuffisantes, le prix du West Texas Intermediate (WTI) est tombé en territoire négatif pour la première fois de son histoire, atteignant un record de -37,63 $ US le baril1. La COVID-19 a rajouté une nouvelle couche d’incertitude assombrissant considérablement les perspectives du marché du pétrole et, au cœur de la pandémie, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et ses partenaires (OPEP+) ont cherché à stabiliser les prix en s’entendant sur la plus grande réduction de la production pétrolière jamais réalisée. Il en a découlé une baisse de la production de pétrole d’environ 10 % à l’échelle mondiale.

Cette tendance baissière de la production a pris fin avec la réouverture progressive des économies au troisième trimestre; les annonces de l’arrivée d’un vaccin ont ensuite stimulé la reprise des cours pétroliers, qui ont atteint 43,06 $ US en novembre2. Toutefois, les résurgences de cas de COVID-19, les nouvelles mesures de confinement et les effets négatifs connexes sur la demande en pétrole ont mené à une réévaluation plus prudente des perspectives pétrolières mondiales pour 2021. Ces nouvelles projections demeurent tout de même plus optimistes que celles du début de l’année 20203.

Bien que les effets de la COVID-19 aient durablement modifié les courbes de la demande en énergie et qu’il soit peu probable que le secteur renoue avec les trajectoires de croissance passées, la demande générale en produits de base devrait rebondir pour retrouver les niveaux de 2019 d’ici 1 à 4 ans et les prix augmenteront en conséquence.

b) Gaz naturel et GNL

Les marchés du gaz naturel ont aussi été touchés par la pandémie et ont vu leurs cours chuter au niveau le plus bas depuis plusieurs décennies. Toutefois, après une baisse de la demande de 4 % en 2020, les cours au carrefour Henry ayant plongé jusqu’à 1,48 $ US en été, la demande en gaz naturel devrait progressivement reprendre en 2021, à mesure que les excédents d’offres seront absorbés, favorisant ainsi une remontée des cours jusqu’à ce que les stocks se rapprochent de leur moyenne sur 5 ans4.

Le secteur du gaz naturel liquéfié (GNL) était déjà marqué par la faiblesse des cours et une offre excédentaire bien avant que la pandémie ne réduise la demande et n’augmente la volatilité du marché. Ces dernières années, le gaz naturel semble être pris en étau entre la stratégie de décarbonisation engagée par les sociétés d’hydrocarbures, qui consiste à se concentrer sur les combustibles à faible teneur en carbone, et la tendance plus générale visant à remplacer le gaz par des énergies renouvelables pour la production d’électricité. Toutefois, les économistes restent optimistes quant aux perspectives à long terme du GNL, car son prix avantageux par rapport au pétrole encourage les consommateurs à délaisser le pétrole et les produits pétroliers au profit du gaz naturel, dans la mesure du possible. Il pourrait donc en découler une certaine reprise des cours du GNL dans les 3 à 5 prochaines années5. La reprise du GNL a également bénéficié de l’augmentation des exportations américaines de gaz, qui a permis de soulager des marchés intérieurs surapprovisionnés, la demande en Asie et en Europe étant globalement repartie à la hausse6.

Dans l’ensemble, le gaz naturel et le GNL profiteront en 2021 de l’adoption de politiques favorable à leur égard par les principales économies mondiales. En dépit des perturbations à court terme liées à la pandémie, les acheteurs demeurent néanmoins confiants quant à la demande en gaz naturel et en GNL à moyen et à long terme. Dans l’éventualité d’une faiblesse persistante des cours dans les prochaines années, 90 % des acheteurs tablent sur une réponse positive du marché, en particulier dans le secteur de l’électricité, où le gaz naturel tend à remplacer d’autres combustibles comme le charbon7.

2. Les opérations de consolidation et les économies d’échelle vont entraîner la réduction du nombre d’acteurs sur le marché après 2020

En pleine période de volatilité, certains acteurs nationaux du secteur de l’énergie y ont vu une occasion de consolidation en vue de constituer des organisations plus grandes et plus résistantes, tandis que d’autres ont profité des nombreuses restructurations et défaillances d’entreprises causées par le ralentissement économique pour acquérir des actifs à prix réduit afin de mieux s’armer face à la nouvelle réalité économique anticipée pour 2021 et au-delà.

a) Fusions et acquisitions notables au cours de la période

Cenovus et Husky

Le 25 octobre 2020, Cenovus Energy Inc. (Cenovus) a annoncé avoir conclu une opération entièrement en actions en vue d’un regroupement avec Husky Energy Inc. (Husky), opération évaluée à 3,8 G$. Selon Alex Pourbaix, chef de la direction de Cenovus), l’objectif de l’opération était de créer une organisation plus forte et plus résistante, et beaucoup moins vulnérable à la volatilité des marchés.

Cenovus et Husky ont combiné leurs taux de production quotidiens d’avant la fusion de 475 000 bep et 275 000 bep respectivement, pour un total de 750 000 bep/j. Leur capacité combinée de raffinage et de valorisation devrait atteindre 660 000 b/j8. Cette opération conclue le 4 janvier 2021, la plus grande fusion dans le secteur de l’énergie au Canada depuis le début de la pandémie de COVID-19, a donné naissance à une entreprise fusionnée valorisée à 23,6 G$.

Rafi Tahmazian, associé et gestionnaire de portefeuille principal à la Financière Canoe, constate que l’exode des investisseurs contraint les producteurs de pétrole et de gaz à envisager des fusions et des acquisitions afin de se développer et d’attirer de nouveaux investisseurs9. La consolidation en cours dans le secteur de l’énergie pourrait également déboucher sur des vagues de licenciements, les entreprises énergétiques commençant à s’inspirer des méthodes du secteur de la fabrication à faible coût. Le 26 janvier 2021, Cenovus a annoncé son intention de supprimer plus de 2 000 emplois au cours des deux mois suivants, soit près du quart de ses effectifs10.

Whitecap et TORC

Le 9 octobre 2020, Whitecap Resources Inc. (Whitecap) a poursuivi sa campagne de consolidation des producteurs de pétrole et de gaz traditionnels en rachetant TORC Oil & Gas Ltd. (TORC) pour 900 M$ CA dans le cadre d’une opération entièrement en actions. La fusion de ces deux sociétés donnera naissance à l’un des plus grands producteurs canadiens non diversifiés de pétrole léger traditionnel et à la neuvième plus grande société pétrolière et gazière cotée en bourse au Canada11.

Avant la fusion, la production quotidienne moyenne de Whitecap s’établissait à 82 000 bep/j. Cette fusion portera la production quotidienne de Whitecap à plus de 100 000 bep/j, ce qui porte la valeur de l’entreprise à environ 4 G$. Fortes de cette taille et de cette échelle accrues, les activités de Whitecap devraient mieux résister à la volatilité des cours des produits de base sur le marché de l’énergie. Cette consolidation est le résultat de multiples synergies opérationnelles entre les entreprises. Dans le sud-est de la Saskatchewan et le centre de l’Alberta, elles possèdent et exploitent toutes deux des actifs de base qui se chevauchent, notamment des unités de production détenues en commun.

Acquisition de plusieurs entités par Longshore

Le 5 juin 2020, Longshore Resources (Longshore) a annoncé avoir conclu un accord de rachat de toutes les actions en circulation de Rifle Shot Oil Corp. (Rifle Shot), Steelhead Petroleum Ltd. (Steelhead) et Primavera Resources Corp. (Primavera). Cette vaste entité unique devrait atteindre une capacité de production de 14 000 bep/j12.

La transaction, conclue le 1er juillet 2020, a doté Longshore de divers actifs allant du pétrole lourd au pétrole léger en passant par le gaz naturel. Ce portefeuille d’actifs diversifié permettra à Longshore de mieux faire face à la volatilité du marché. ARC Financial Corp. (ARC) était l’actionnaire majoritaire des quatre sociétés avant la fusion. Le président d’ARC, Brian Boulanger, a déclaré que les conditions de marché actuelles contraignaient les entreprises à augmenter leur taille, à réduire leurs coûts et à renforcer leur résilience pour survivre13.

b) Défaillances d’entreprises

Défaillance de Cequence

Cequence Energy Ltd. (Cequence) et ses filiales se sont placées sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) le 11 juin 2020. Cequence a déclaré des passifs d’environ 113 M$ et fait état de pertes d’exploitation pour les 5 dernières années.

Cequence a dû faire face simultanément à de multiples défis : une crise de liquidités, la faiblesse des cours des produits de base, la baisse des volumes de production, des obligations contractuelles lourdes et des niveaux d’endettement élevés. La société a recherché différentes options pour remplir ses obligations envers ses créanciers, notamment « la vente de tout ou partie des activités et des actifs ou des actions de la société, la renégociation de certains contrats onéreux, le refinancement, la recapitalisation ou d’autres solutions de restructuration »14.

Le 24 août 2020, Cequence a annoncé une opération de recapitalisation sous forme de plan de transaction et d’arrangement en vertu de la LACC lui permettant de réduire sa dette et ses frais d’intérêt et d’accroître ses liquidités pour financer ses activités futures15. Ce plan a été mis en œuvre le 28 septembre 202016.

c) Sorties de sociétés de capital-investissement

Tourmaline annonce le rachat de deux sociétés pétrolières et gazières fermées

Le 4 novembre 2020, Tourmaline Oil Corp. (Tourmaline) a annoncé son intention de racheter Jupiter Resources Ltd. (Jupiter) dans le cadre d’une opération entièrement en actions évaluée à 630 M$17. Elle a également annoncé avoir acquis Modern Resources Inc. (Modern) pour un montant de 144 M$, dont 74 M$ en espèces, 1,5 million d’actions de Tourmaline et la prise en charge de 44 M$ de dettes18.

À l’issue de la clôture de ces deux opérations, Tourmaline prévoyait atteindre, à la fin de 2020, une production moyenne de 400 000 bep/j19. Modern était détenue par les sociétés de capital-investissement (SCI) ARC Financial Corp et EnCap Investments LP tandis que Jupiter était une société indépendante, qui comptait Apollo Global Management parmi ses investisseurs.

De nombreux facteurs incitent les SCI à se retirer du secteur du pétrole et du gaz20. La pandémie, la montée des excédents de stocks et les guerres de prix géopolitiques plombent les cours des produits de base et les SCI qui œuvrent dans le secteur de l’énergie21. Les portefeuilles de capital-investissement participent également à la transformation verte en jouant un rôle dans les initiatives mondiales de réduction des émissions de carbone et de promotion des énergies renouvelables. Par exemple, l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada, le plus grand investisseur en capital-investissement du Canada, s’est engagé à évaluer chaque transaction importante à l’aune des risques et des occasions climatiques, et à encourager le déploiement des énergies renouvelables. Les politiques et engagements en matière d’ESG ont une incidence sur les décisions d’investissement des SCI. Les SCI subissent de plus en plus de pressions politiques pour réduire leurs investissements dans les combustibles fossiles. En conséquence, les mobilisations de capitaux dans le secteur du pétrole et du gaz n’ont cessé de baisser depuis 2014 et continuent de miner la confiance des investisseurs.

3. Les critères ESG ont la cote

En 2020, les critères ESG ont fait leur entrée dans le lexique de toutes les sociétés pétrolières et gazières. Petit rappel : les critères ESG sont une méthode rapide d’évaluation de la performance sociétale permettant aux investisseurs de ne pas se limiter aux mesures financières, qui concernent uniquement le rendement d’une entreprise par rapport à ses pairs.

Voici quelques facteurs susceptibles de peser sur le rendement en matière d’ESG :

Environnement  Social   Gouvernance
  • Émissions de GES
  • Émissions de méthane
  • Gestion de l’eau
  • Fréquence et gestion des déversements ou rejets
  • Abandon et remise en état
  • Utilisation des terres et incidence minimale
  • Utilisation de l’eau
  • Employés : diversité
  • Santé et sécurité
  • Engagement communautaire
  • Relations avec les communautés autochtones
  • Lutte contre la corruption
  • Structure et indépendance des comités du conseil d’administration
  • Conduite éthique des affaires – supervision du conseil d’administration
  • Risque climatique

Pour de nombreux investisseurs, le problème est la comparaison. Si la communication de ces facteurs est incomplète ou incohérente, il est difficile de comparer les rendements des entreprises entre eux. En 2020, huit grandes caisses de retraite canadiennes (dont Ontario Teachers et AIMCo) se sont unies pour réclamer une communication normalisée des informations ESG. On ne sait pas si ces informations devraient faire partie des états financiers annuels ou des documents remis annuellement aux commissions de valeurs mobilières canadiennes, mais de toute évidence, les investisseurs réclament davantage de clarté et de transparence.

Certains des plus grands fonds ont également signifié leur intention d’inclure les critères ESG dans leurs décisions d’investissement : Brookfield Asset Management a engagé Mark Carney (ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre) pour diriger ses investissements dans les fonds responsables et basés sur les critères ESG. Si on y ajoute les annonces des géants BP et Shell de leur objectif « zéro émission nette » pour leurs activités d’ici une date donnée, on constate que le marché mondial de l’énergie sera en partie guidé par les valeurs des producteurs : ceux qui ne prennent pas au sérieux ces enjeux peuvent s’attendre à voir leur financement se tarir.

Étant donné que les activités des producteurs canadiens de pétrole et de gaz sont soumises à une réglementation stricte, cet accent mis sur les facteurs ESG pourrait profiter à l’ensemble du marché canadien de l’énergie : si le pétrole et le gaz font partie du bouquet énergétique, autant qu’ils proviennent du Canada, où les producteurs se tiennent à des normes très élevées en matière d’ESG.

4. Les enjeux politiques autour des pipelines mobilisent l’attention

Les controverses sociales, économiques et politiques autour des pipelines ont pris de l’élan et ont continué de s’étendre en 2020. Alors qu’il y a une dizaine d’années encore, le secteur était rarement mentionné dans les médias, les sociétés de pipelines sont aujourd’hui au centre des débats sociopolitiques.

L’année s’est ouverte sur les manifestations mobilisant des opposants Wet’suwet’en et leurs soutiens contre la poursuite du développement du gazoduc Coastal GasLink de 670 km de long, sur fond de revendications territoriales des groupes autochtones, d’enjeux de gouvernance interne et de préoccupations environnementales. Le projet d’expansion de l’oléoduc TransMountain de 12 G$ a également mis en évidence l’utilité d’une consultation avec les groupes autochtones en juin, quand la Cour suprême a refusé d’entendre la demande d’appel après des années de contestation. L’attention portée sur les débats autour des pipelines s’est intensifiée en avril lorsque le gouvernement de l’Alberta a investi 1,5 G$ en capitaux propres et 6 G$ en garanties de prêts pour soutenir la construction pour un montant de 8 G$ de l’oléoduc Keystone XL long de 1 947 kilomètres et destiné à l’exportation de pétrole brut vers le Nebraska. Puis, en novembre, la coalition de communautés autochtones Natural Law Energy a annoncé avoir accepté d’investir jusqu’à 1 G$ dans Keystone XL. Cet élan d’investissement a cependant été stoppé net en janvier 2021, lorsque le permis présidentiel américain précédemment octroyé à Keystone XL pour traverser la frontière américaine a été révoqué par la nouvelle administration Biden.

Les débats sur les pipelines ont également aggravé les tensions constitutionnelles, interprovinciales et internationales en 2020. En janvier, la Cour suprême du Canada a rejeté la tentative de la Colombie-Britannique de réglementer les expéditions par les pipelines interprovinciaux, affirmant du coup l’autorité constitutionnelle fédérale d’approuver et de réglementer les pipelines interprovinciaux. Mais les débats sur les pipelines ont également débordé les frontières. Avant même la révocation du permis présidentiel de Keystone XL au début de 2021, la gouverneure du Michigan a menacé de révoquer une servitude de 1953 permettant à la canalisation 5 d’Enbridge de traverser le détroit de Mackinac, ce qui pourrait interrompre l’approvisionnement en propane et en pétrole brut léger de Detroit, Toledo et Sarnia. De même, bien qu’elle ait reçu les autorisations finales pour la construction de la partie américaine du projet de remplacement de la canalisation 3 (2,9 G$) après plus de 6 années de procédures judiciaires, Enbridge continue de se heurter à des  oppositions et de soulever les débats, notamment dans le Minnesota.

Des controverses sur les pipelines ont également émergé entre des propriétaires et des clients à la recherche d’un juste équilibre entre sécurité commerciale et accès aux capacités de transport. En avril, la Régie de l’énergie du Canada a approuvé le règlement sur les droits et les services du réseau principal de gaz naturel de TransCanada pour la période 2021 à 2026, offrant aux parties prenantes une certaine sécurité en matière de droits et de recettes. En mai, la Régie a ouvert des audiences en vue d’examiner une proposition controversée d’Enbridge visant à réserver environ 90 % de la capacité de sa canalisation principale de pétrole brut pour des contrats à long terme (contre un accès mensuel) dans le but d’assurer la sécurité de ses recettes et droits, suscitant l’ire de bon nombre des expéditeurs de son marché au comptant.

En 2020, les pipelines, qu’ils soient à l’état de projet ou déjà en exploitation, ont continué de servir de paratonnerres à toute une série de débats sociaux, économiques et politiques. Ces controverses publiques, ainsi que les retards, les coûts accrus et les incertitudes croissantes qui en découlent, devraient persister à court terme.

5. Incertitude autour des projets extracôtiers de l’Est du Canada

L’effondrement mondial des cours du pétrole conjugué à la pandémie de COVID-19 a perturbé l’économie de la côte Est du Canada, fortement dépendante du pétrole et du gaz, et engendré une incertitude autour des nombreux projets extracôtiers au large de Terre-Neuve-et-Labrador. En réaction, les entreprises ont réduit leurs activités, diminué considérablement leurs dépenses et licencié des employés de ces installations. En septembre 2020, le gouvernement fédéral a annoncé la mise en place d’un fonds de relance destiné à l’industrie pétrolière et gazière de 320 M$ afin de soutenir les travailleurs du secteur extracôtier durant la période de repli économique. La majeure partie de cette somme a servi à relancer ou à maintenir les activités dans les installations en mer, créant ainsi des centaines d’emplois. Par ailleurs, le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a également soutenu des projets en mer en puisant dans un fonds de réserve de son budget. Cependant, malgré ce fort soutien gouvernemental, l’avenir demeure incertain pour beaucoup de ces projets et leurs employés dans un contexte où les conditions de marché vont continuer de fluctuer, alors que la pandémie persiste en 2021. Une mise à jour sur certains projets clés permet d’offrir des éclairages utiles sur ces enjeux :

a) Hibernia

Le forage a été interrompu sur la plate-forme extracôtière Hibernia au début de 2020 en réponse à la chute des cours du pétrole, mais l’installation a poursuivi la production. Fin décembre, le gouvernement fédéral a débloqué 38 M$ du fonds de relance destiné à l’industrie pétrolière et gazière pour cette plate-forme, qui seront utilisés pour créer ou maintenir 150 emplois au cours des 18 prochains mois.

Hibernia Management Development Corporation, qui gère l’installation, a accepté de verser 56 M$ pour les travaux de redémarrage nécessaires aux futures activités de forage. L’investissement combiné est destiné à s’assurer que Terre-Neuve-et-Labrador sera en mesure de répondre à la demande pour les produits de base lorsqu’elle se rétablira.

b) Raffinerie de Come By Chance

Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a promis 16,6 M$ à North Atlantic Refinery Limited pour maintenir l’exploitation de sa raffinerie de Come By Chance en attendant de trouver un nouveau propriétaire après qu’Irving Oil s’est retiré d’un accord en vue de l’acquisition de la raffinerie en octobre 2020. La raffinerie est inactive depuis avril, n’employant que 100 des 400 travailleurs à temps plein qu’elle employait avant l’arrêt. Le financement permettra d’employer environ 200 travailleurs pour maintenir la raffinerie en état en vue d’un futur redémarrage. Espérons qu’elle demeure en vie suffisamment longtemps pour attirer un nouvel acheteur.

c) Expansion du site de West White Rose

En décembre 2020, le gouvernement fédéral s’est engagé à verser 41,5 M$ à Husky Energy pour maintenir à flot le projet extracôtier de West White Rose, qui était au point mort, créant ainsi des emplois pour plus de 300 personnes. Bien que l’investissement permette de maintenir 60 % du projet en vie, rien ne garantit qu’il redémarrera. Cenovus a racheté Husky Energy le 1er janvier 2021, ajoutant de l’incertitude quant à cette expansion. Le 28 janvier 2021, Cenovus a annoncé qu’elle prévoyait dépenser entre 200 et 250 M$ pour son segment extracôtier en 202122. Ces dépenses d’investissement comprennent un capital de maintien de base pour le projet West White Rose, qui a été reporté en 2021 alors que la société continue d’évaluer ses options23. Début janvier, Suncor Energy a annoncé qu’elle inscrirait une charge de dépréciation de 425 M$ sur sa part des actifs existants du champ pétrolifère de White Rose, autre signe que l’avenir de ce projet demeure incertain.

Perspectives pour 2021

Malgré les incertitudes et les difficultés auxquelles font face certains grands actifs, il convient de ne pas passer à côté du potentiel de production important que nous réservent les projets extracôtiers de l’Est du Canada. L’année 2021 recèle un potentiel pour l’industrie pétrolière et gazière du Canada atlantique et beaucoup espèrent que le soutien du gouvernement permettra de maintenir ces projets en vie jusqu’à ce que la demande de pétrole se rétablisse.


1 BBC News, "US oil prices turn negative as demand dries up".

2 CBC, "Oil prices surge on vaccine hopes — and then ebb on pandemic realities"

3 TD, "Canadian Quarterly Economic Forecast"

4 TD, "Commodity price report"

5 McKinsey and Company, "The future of liquefied natural gas: Opportunities for growth"

6 TD, "Commodity price report"

7 McKinsey and Company, "COVID-19 and market changes are shaping LNG buyer preferences"

8 Cenovus closes transaction to combine with Husky.

9 Financial Post, Cenovus to buy Husky for $3.8 billion to create Canada’s No.3 energy company.

10 CTV News, Calgary-based Cenovus Energy to lay off upward of 2,000 workers.

11 Whitecap Resources Inc.

12 Longshore Resources Ltd. announces transformational transaction and creation of a premier oil weighted entity.

13 BNN Bloomberg, 'Hope is not a strategy': M&A heats up as new era rattles oil patch.

14 CBC, More Canadian oilpatch companies seek CCAA protection to restructure.

15 Energy Now, Cequence Energy announces proposed plan of compromise and arrangement and meeting of creditors

16 Global News Wire Cequence Energy Announces Conclusion of CCAA Proceedings.

17 Tourmaline Oil Group.

18 Tourmaline Q3 2020 Press Release.

19 Calgary Herald, Varcoe: 'The trend will continue,' says Tourmaline CEO as company unveils twin takeovers.

20 S&P Global, Oil and gas private equity sector shrinks amid bankruptcies, lack of funds.

21 Buyouts Insider, The greening of private equity: the watt and the why.

22 Cenovus Energy, News Release, “2021 budget to achieve nearly $1 of synergies in first year” (28 January 2021),.

23 Ibid.

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