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Perspectives

Fusion de sociétés fermées canadiennes avec une société d’acquisition à vocation spécifique : une bonne idée?

Au Canada, il existe normalement deux manières pour une société fermée de devenir une société ouverte : le premier appel public à l’épargne (PAPE) ou, dans le cas de petites sociétés, la société de capital de démarrage. Mais de plus en plus, une troisième option se démarque : la société d’acquisition à vocation spécifique (SAVS).

Les SAVS (aussi connues sous le nom de sociétés sans vocation déterminée ou de mise en commun sans droit de regard) sont constituées précisément pour lever des sommes au moyen d’un PAPE, puis utiliser ces sommes, en plus de leurs titres, pour fusionner avec une société fermée en exploitation, de manière à faire de cette dernière une société ouverte.

Ce procédé est très répandu aux États-Unis, où l’on estime à 200 le nombre de SAVS devenues ouvertes en 2020, après avoir amassé environ 64 G$1. Au Canada, le marché des SAVS fait pâle figure en comparaison : 25 SAVS – principalement des secteurs minier et du cannabis – y sont entrées en bourse en 20202.

Mais malgré leur relative rareté au Canada, les SAVS pourraient présenter des avantages bien particuliers pour les sociétés d’exploitation canadiennes qui souhaitent accéder aux marchés publics. D’abord, comme les opérations des SAVS ne nécessitent pas de séances de présentation ni de sollicitation du marché pour trouver des investisseurs, elles permettent généralement aux sociétés de devenir ouvertes beaucoup plus rapidement qu’un PAPE classique. Les SAVS doivent néanmoins préparer une circulaire d’information présentant la même information que celle qui figurerait dans un prospectus au sujet de la société issue de l’acquisition et déposer un prospectus non lié à un placement auprès des autorités en valeurs mobilières compétentes. Il n’en demeure pas moins que les opérations des SAVS sont soumises à une moins grande surveillance que les PAPE. Les sociétés d’exploitation canadiennes sont également attirées par l’importante réserve de capital des SAVS.

Une fois ouverte, une SAVS n’a que 36 mois pour fusionner avec une société en exploitation, ce qui augmente la demande pour des sociétés axées sur la croissance souhaitant acquérir un important capital en peu de temps. Pour ces sociétés, il est intéressant d’envisager une fusion avec une SAVS plutôt qu’un PAPE, une vente à un acheteur stratégique ou une vente à une société de capital-investissement.

Mise en garde

Cela dit, les SAVS présentent certaines subtilités qui n’en font pas le meilleur choix pour toutes les sociétés. Avant de vous lancer, voici quelques éléments à prendre en considération :

  • Dilution. Toute négociation avec une SAVS débute par la détermination de la valeur de la société en exploitation. Il peut être difficile d’établir cette valeur sans la sollicitation du marché requise dans le cadre d’un PAPE, où cette valeur est déterminée au moyen de données provenant d’un certain nombre d’investisseurs potentiels. Il importe donc de bien comprendre l’ampleur de la dilution subie par les fondateurs ou les actionnaires de la société en exploitation. Par exemple, si l’opération est conçue comme un échange d’actions, les actionnaires de la société en exploitation pourraient perdre un pourcentage de participation plus important que prévu. De même, les bons de souscription émis par la SAVS dans le cadre du PAPE pourraient également accentuer la dilution. Ainsi, une opération qui semble convenable sur papier pourrait ne pas donner les résultats escomptés si les données financières ne sont pas soigneusement étudiées dès le départ.
  • Gouvernance. Dans le cas d’une fusion avec une SAVS, la réalisation de l’opération admissible n’est que le premier pas. Il faut d’emblée adopter une structure de gouvernance efficace pour assurer le succès de l’entreprise. Pour les sociétés en exploitation, cela implique de répondre avant toute chose à une foule de questions, notamment qui assurera la direction de la société, qui composera le conseil d’administration et quelle catégorie d’actionnaires aura des droits de vote d’une portée supérieure, le cas échéant. Dans l’idéal, la société en exploitation devrait pouvoir trouver au sein de l’équipe de commanditaires de la SAVS l’expertise qu’il lui manque. C’est pourquoi il faut au préalable évaluer la qualité des commanditaires.
  • Besoins continus en capital. Dans une opération de SAVS, on suppose que celle-ci dispose de capitaux suffisants pour permettre à la société en exploitation de réaliser son plan d’affaires. Cela peut sembler évident, mais ce n’est pas à prendre à la légère. On ne peut tenir pour acquise la disponibilité des fonds, puisque cela dépendra de la réceptivité du marché aux offres subséquentes de la société pour mobiliser des capitaux. Par conséquent, la planification et la gestion efficaces des capitaux sont essentielles pour que la société puisse aborder les marchés financiers avec confiance, et non désespoir.
  • Opérations
    • Opérations avec une SAVS canadienne. Pour une société en exploitation, la fusion avec une SAVS implique au moins une, et parfois plusieurs étapes, notamment la vente d’actions ou d’actifs, une fusion ou un plan d’arrangement approuvé par un tribunal. Les éléments suivants doivent aussi être pris en compte :
      • les restrictions imposées aux transferts d’actions dans la convention des actionnaires et les statuts de la société;
      • la structuration avantageuse de l’opération sur le plan fiscal;
      • les obligations de déclaration des affaires de la société dans les documents d’information liés à l’opération;
      • la communication d’information financière, notamment les états financiers audités de la société;
      • les consentements et renonciations pouvant être requis en cas de changement de contrôle;
      • la souscription de polices d’assurance pour les dirigeants et administrateurs;
      • l’établissement de régimes de rémunération fondés sur des titres de participation pour les dirigeants et les employés.
  • Opération avec une SAVS américaine. Pour une société d’exploitation canadienne qui souhaite entrer en bourse au moyen d’une fusion avec une SAVS américaine, d’autres éléments s’ajoutent :
    • la structuration avantageuse de l’opération sur le plan fiscal, en prenant en compte les implications fiscales transfrontalières;
    • la structuration avantageuse de l’opération sur le plan fiscal, en prenant en compte les implications fiscales transfrontalières;
    • l’assurance que les actions reçues par des actionnaires canadiens pourront être revendues sans contrainte à la bourse américaine où l’émetteur issu de la fusion sera inscrit;
    • la compréhension des risques et des avantages d’une inscription à une bourse américaine;
    • la compréhension des exigences relatives à l’information et à la comptabilité financière beaucoup plus contraignantes de la réglementation américaine.

Faites vos devoirs.

Comme elles donnent aux sociétés en exploitation un véhicule d’investissement pour s’inscrire en bourse exempt des caprices des PAPE, les opérations de SAVS sont susceptibles de gagner en popularité au Canada, particulièrement si les investisseurs institutionnels décident de tirer parti de cet outil pour soutenir des entreprises novatrices en plein essor au pays et pour participer à des rondes de financement d’envergure.

Malgré leur popularité grandissante, les SAVS ne sont pas nécessairement le bon véhicule pour toutes les sociétés. Au vu des subtilités de fonctionnement et des complexités juridiques qui y sont associées, il se pourrait qu’un autre outil d’investissement convienne mieux à votre situation.


1 CNBC, 30 janvier 2021. « What is a SPAC? Explaining one of Wall Street’s hottest trends », par Tom Huddleston Jr. 

2 BNN Bloomberg, 3 février 2021. « As big-name SPACs heat up in U.S., Canada’s workhorse deals wane », par Kevin Orland et Michael Bellusci. 

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