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Perspectives

Le marché des crédits compensatoires pour les gaz à effet de serre – la pièce manquante de l’économie du carbone au Canada – est arrivé

Le gouvernement fédéral canadien a publié une ébauche de règlement sur son projet de régime canadien de crédits compensatoires pour les gaz à effet de serre. La période de consultation de 60 jours se termine le 5 mai 2021. Poursuivez votre lecture pour en savoir plus sur le projet de régime de crédits compensatoires.

Contexte

En décembre 2020, le gouvernement fédéral a présenté son plan tant attendu destiné à contrer la crise climatique. Parmi les objectifs énoncés dans le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques (le Plan climatique) se trouvait la promesse de respecter les engagements du Canada dans le cadre de l’Accord de Paris et d’atteindre l’objectif de zéro émission de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050. Il s’agit donc de faire passer les émissions annuelles de GES d’environ 742 Mt (c’est-à-dire 742 millions de tonnes) à 523 Mt d’ici 2030. Bien que le Plan climatique ait été officiellement déposé en décembre 2020, le gouvernement fédéral avait fixé un prix sur la pollution engendrée par les GES dès 2018, au moment de l’adoption de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre (la Loi).

La Loi comporte deux parties. La partie 1, administrée par l’Agence du revenu du Canada, prévoit 12 types d’inscriptions ainsi qu’une redevance fédérale sur les combustibles applicable à 21 types de combustibles fossiles et de déchets combustibles. La partie 2, administrée par Environnement et Changement climatique Canada, prévoit un système de tarification fondé sur le rendement (STFR) ainsi que son règlement (le Règlement sur le STFR) à l’intention des installations industrielles (les installations assujetties) qui génèrent annuellement au moins 50 000 tonnes d’émissions de GES.1

La tarification de la pollution crée un marché pour les crédits compensatoires

Le STFR est un filet de sécurité fédéral, ce qui signifie qu’il ne s’applique qu’aux provinces qui n’ont pas mis en place de tarification de la pollution causée par les GES équivalente ou supérieure à la tarification fédérale (la taxe carbone). Cette année, la redevance fédérale s’élève à 40 $ la tonne d’équivalent CO2; elle devrait atteindre 50 $ la tonne en 2022. En décembre 2020, le gouvernement fédéral a annoncé, dans le cadre de son plan destiné à contrer la crise climatique, qu’il augmenterait la taxe fédérale sur le carbone jusqu’à atteindre 170 $ la tonne d’équivalent CO2 en 2030.

En vertu du Règlement sur le STFR, les installations assujetties se voient imposer un niveau d’émissions de GES de référence annuel. Lorsque l’installation assujettie émet une quantité de GES supérieure à son niveau de référence, les propriétaires ou les exploitants disposent de trois options :

  1. payer une taxe sur le carbone pour les émissions excédentaires;
  2. échanger des unités de conformité;
  3. acheter des crédits compensatoires fédéraux autorisés (crédits compensatoires).

Les unités de conformité sont des crédits excédentaires que l’installation a gagnés grâce à des émissions inférieures à son niveau de référence au cours des années antérieures ou qu’elle a achetés d’une autre installation assujettie, ou des crédits compensatoires émis par les provinces ou les territoires, officiellement reconnus aux termes du Règlement sur le STFR.

Jusqu’à tout récemment, la troisième option, celle des crédits compensatoires fédéraux, n’était pas encore disponible. Le 6 mars 2021, le gouvernement fédéral a déposé le Règlement sur le régime canadien de crédits compensatoires concernant les gaz à effet de serre (le Règlement sur les crédits compensatoires). Le principe qui sous-tend l’émission de crédits compensatoires est d’encourager les activités des promoteurs de projets de compensation pouvant mener à la réduction de la pollution causée par les GES. Les crédits compensatoires pour le carbone ou les GES font partie du paysage international depuis des dizaines d’années. Toutefois, sans la mise en place d’une tarification de la pollution causée par les GES, leur potentiel commercial ainsi que leur valeur économique sont limités.

Maintenant qu’il a mis en place cette tarification, le gouvernement fédéral peut élaborer un régime de crédits compensatoires viable. Le régime de crédits compensatoires fédéral a deux composantes :

  1. un système de suivi des crédits permettant d’inscrire les crédits compensatoires fédéraux;
  2. des protocoles fédéraux de crédits compensatoires (des protocoles) établissant quelles activités pourront générer des crédits compensatoires fédéraux et quantifiant les réductions d’émissions de GES pour un type de projet donné.

Le Règlement sur les crédits compensatoires met en œuvre les aspects opérationnels du régime de crédits compensatoires fédéral.

Création des crédits compensatoires fédéraux

La participation au marché des crédits compensatoires fédéral est volontaire. Pour créer un crédit compensatoire fédéral, l’activité de réduction de la pollution causée par les GES doit appartenir à un type de projet visé par un protocole. Le gouvernement fédéral élabore actuellement les quatre protocoles suivants pour 2021 (d’autres sont à venir) :

  1. Systèmes de réfrigération avancés : Un protocole régissant les activités qui permettent de réduire ou d’éviter l’utilisation de frigorigènes fluorés, comme les hydrofluorocarbures (HFC), qui ont un potentiel de réchauffement planétaire (PRP) élevé. Ces activités peuvent comprendre l’installation de nouveaux systèmes de réfrigération à faible PRP ou le remplacement de frigorigènes à forte intensité d’émissions de GES par des solutions de rechange à plus faible intensité d’émissions de GES grâce au remplacement ou à la modernisation des systèmes de réfrigération existants.
  2. Gestion du méthane des sites d’enfouissement : Un protocole régissant les activités qui permettent de réduire les émissions de méthane des sites d’enfouissement ouverts ou fermés, comme l’installation et l’exploitation d’équipement pour capter et détruire le méthane.
  3. Amélioration des pratiques d’aménagement forestier : Un protocole régissant des activités comme l’augmentation des âges d’exploitabilité, l’éclaircissement des arbres malades, la gestion de la broussaille qui fait concurrence et l’ensemencement d’arbres pour maintenir ou améliorer le stockage du carbone.
  4. Augmentation de la matière organique des sols : Un protocole régissant les activités de gestion durable des terres agricoles qui permettent de réduire les émissions de GES et d’augmenter la séquestration du carbone dans les sols agricoles.2

Chaque protocole de crédits compensatoires fédéral prévoira des méthodes permettant de définir un scénario de référence pour les activités relatives aux projets ainsi que les méthodes de quantification des réductions d’émissions de GES jugées supérieures à ce scénario de référence. Des réductions de GES jugées supérieures permettront de générer des crédits compensatoires fédéraux. Les protocoles contiendront également des exigences liées aux activités de planification et de mise en œuvre de projets, y compris la surveillance, la production de rapports ainsi que l’évaluation et la gestion des risques.

BLG suivra attentivement l’élaboration de chacun de ces protocoles, et nos spécialistes seront disponibles pour aider les clients à rédiger leurs propositions.

En plus de se qualifier en vertu d’un protocole, chaque projet devra satisfaire à certains critères d’admissibilité, notamment3 :

  • Dans le cas d’un projet dont la date de début précède la date de publication du protocole fédéral de crédits compensatoires applicable, la demande d’inscription doit être présentée dans les 18 mois suivant la date de publication du protocole, et :
  • pour toute demande d’inscription présentée au plus tard le 31 décembre 2023, la date de début du projet ne doit pas être antérieure au 1er janvier 2017;
  • pour toute demande d’inscription présentée après le 31 décembre 2023, la date de début du projet ne doit pas précéder de plus de cinq ans la présentation de la demande.
  • Dans le cas d’un projet dont la date de début est ultérieure à la date de publication du protocole fédéral de crédits compensatoires applicable, la demande d’inscription doit être présentée dans les 18 mois suivant la date de début du projet.
  • Le projet doit être situé dans une seule province ou un seul territoire au Canada.
  • Le promoteur du projet est une personne physique qui réside au Canada. Si le promoteur du projet est une personne morale ou autre entité, il doit avoir un lieu d’affaires au Canada.
  • Les activités de projet qui génèrent des crédits compensatoires ne peuvent être des activités exigées par une règle de droit au moment où la demande d’inscription est présentée ou au moment de l’émission des crédits (c’est-à-dire qu’elles doivent être le résultat d’une mesure volontaire).
  • Les activités du projet ne peuvent être assujetties à une politique ou à un autre instrument de gestion des risques qui impose une tarification de la pollution par le carbone, soit directement au moyen d’une redevance ou d’une taxe sur le carbone, soit indirectement au moyen de l’émission de crédits ou d’allocations d’émissions (par exemple dans un système de plafonnement et d’échange des droits d’émissions ou un système fondé sur le rendement).
  • Les réductions de GES quantifiées pour le projet ne peuvent être inscrites dans aucun autre programme qui offre des crédits pour les mêmes réductions de GES.
  • Si le projet a déjà été inscrit dans le système fédéral de crédits compensatoires, il ne doit pas avoir été annulé auparavant en raison d’un renversement des réductions de GES jugé comme étant sous le contrôle du promoteur du projet (c’est-à-dire un renversement volontaire), et il ne doit pas avoir encore atteint la fin de sa période maximale de comptabilisation des crédits.
  • Le promoteur du projet est en mesure de démontrer qu’il a le droit exclusif ou la propriété de toutes les réductions de GES découlant du projet.

Inscription, comptabilisation des crédits et production de rapports

Le régime de crédits compensatoires fédéral comprendra un mécanisme d’inscription et de production de rapports pour tous les crédits compensatoires fédéraux. Une fois inscrit, chaque projet sera associé à une période de comptabilisation des crédits pendant laquelle le projet peut générer des crédits compensatoires :

Type de projet

Période de comptabilisation des crédits

Prolongation de la période de comptabilisation des crédits

Fréquence de production de rapports minimale

Foresterie

30 ans

Jusqu’à un maximum de 100 ans

Une fois tous les 6 ans

Autre séquestration biologique

20 ans

Jusqu’à un maximum de 100 ans

Une fois tous les 6 ans

Tous les autres types de projets

8 ans

Deux fois (24 ans au total)

Une fois tous les 3 ans

 

Tous les promoteurs de projet sont tenus de soumettre un rapport de projet initial pas plus de six mois après la première année de la période de comptabilisation des crédits, en plus de l’exigence de déclaration minimale mentionnée ci-dessus. Le nombre de crédits émis sera fondé sur la déclaration de réduction de la pollution causée par les GES soumise par le promoteur. Cette déclaration devra être vérifiée par un tiers accrédité.

Compte d’intégrité environnementale

Le gouvernement fédéral établira également un compte d’intégrité environnementale dans le cadre de son régime de crédits compensatoires. Ce compte sera « financé » par un certain pourcentage des crédits compensatoires fédéraux émis à l’intention des promoteurs. L’objectif de ce compte est de servir d’assurance de l’intégrité environnementale du système fédéral de crédits compensatoires.

Par exemple, s’il y avait un renversement des réductions des émissions de GES (comme un incendie de forêt) hors du contrôle du promoteur, le gouvernement retirerait un nombre équivalent de crédits compensatoires fédéraux du compte d’intégrité environnementale. Dans le cas des projets de séquestration biologique, le pourcentage des crédits déposés dans le compte d’intégrité environnementale sera précisé dans le protocole applicable. Le pourcentage de crédits déposés dans ce compte sera de 3 % pour tous les autres types de projets.

Faire de l’argent avec les crédits compensatoires fédéraux

Le principal marché d’acheteurs de crédits compensatoires fédéraux se compose des propriétaires et exploitants d’installations assujetties du STFR. Tant que le crédit compensatoire fédéral ($/tonne d’équivalent de CO2) sera inférieur à la taxe carbone ($/tonne de CO2), il y aura des acheteurs. En outre, les sociétés qui cherchent à écologiser leurs activités en compensant leurs émissions de GES sont également des acheteurs potentiels.

Même si les échanges ne seront pas facilités par le gouvernement fédéral (le gouvernement n’agira pas à titre de courtier et ne fournira pas de plate-forme d’échange), les crédits compensatoires fédéraux feront l’objet d’un suivi dans le système fédéral d’émissions et de suivi des crédits. Chaque promoteur n’aura qu’un seul compte à ouvrir dans le système de suivi, et ce, même s’il pilote plusieurs projets. En outre, il pourra regrouper en un seul projet les petits projets qui utilisent le même protocole. Surtout, le règlement sur les crédits compensatoires fera assumer la responsabilité de la validité des crédits au vendeur. Tout crédit s’avérant invalide sera remplacé par le vendeur, et non par l’acheteur.

Période de consultation

La période de consultation du projet de règlement sur les crédits compensatoires se termine le 5 mai 2021. Le gouvernement fédéral devrait en outre publier au moins l’un des quatre protocoles dans un avenir proche.

Les spécialistes du droit autochtone, du droit de l’énergie et du droit de l’environnement de BLG sont disponibles pour offrir des conseils et répondre à vos questions concernant le régime canadien de crédits compensatoires.

 


1 Les installations situées dans une province ou un territoire assujetti au filet de sécurité qui œuvrent dans un secteur où la tarification de la pollution par le carbone entraîne des risques pour la compétitivité et émettent au moins 10 000 tonnes de GES par année peuvent faire une demande participation volontaire au STFR.

2 Gazette du Canada, Partie I, volume 155, no 10 : Règlement sur le régime canadien de crédits compensatoires concernant les gaz à effet de serre.

3 Gazette du Canada, Partie I, volume 155, no 10 : Règlement sur le régime canadien de crédits compensatoires concernant les gaz à effet de serre.

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