Tendances de l'assurance

Perspectives

POINT DE VUE

Tendances en matière d’assurance des entreprises : litiges découlant des changements climatiques, risques liés aux dirigeants et aux administrateurs, clauses de force majeure et assurance dans le secteur du transport

De la pandémie de COVID-19 aux pressions exercées par les consommateurs, les enjeux auxquels font face les entreprises canadiennes ont également une incidence sur la disponibilité, le coût et les couvertures de leurs assurances. Grâce à notre survol en trois parties des tendances qui attendent le secteur des assurances en 2022, préparé par des avocats et avocates de BLG spécialisés dans le domaine et en poste partout au pays, les entreprises pourront repérer les problèmes qui les guettent et prendre les mesures qui s’imposent.

Patrick Heinsen et Sarah Makson

Contexte – Au Canada, les actions collectives intentées par des actionnaires sont plus fréquentes que jamais, ce qui s’explique en partie par la complexité de l’environnement dans lequel nous évoluons (on n’a qu’à penser aux cyberrisques, aux changements climatiques, aux exigences entourant la diversité et, évidemment, à la COVID-19) et par le ralentissement de l’économie canadienne. Parallèlement, certains assureurs sont plus frileux qu’auparavant lorsqu’il s’agit de prendre des risques en raison de la pression qui pèse sur leur rendement.

Incidence – De moins en moins d’assureurs acceptent d’assurer les dirigeants et les administrateurs. Ceux qui continuent de le faire sont de plus en plus sélectifs dans leur choix d’entreprises. De plus, les primes qu’ils facturent à cet égard sont bien plus élevées qu’auparavant. Une assurance des dirigeants et des administrateurs est essentielle pour exploiter une entreprise de façon sécuritaire. Nous prévoyons que pour en obtenir une, les entreprises devront convaincre leurs assureurs qu’elles représentent un risque acceptable.

Principal conseil – Les dirigeants d’entreprise et les administrateurs qui cherchent à obtenir une couverture d’assurance à prix raisonnable devront s’assurer que leurs engagements concernant les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) de même que la gestion des risques sont plus que des paroles creuses dans des rapports sur la responsabilité sociale d’entreprise et des campagnes publicitaires. Pour y parvenir, il sera essentiel qu’ils fassent appel à des spécialistes en droit des sociétés et droit commercial qui saisissent ce que recherchent les assureurs et connaissent les meilleures façons de répondre à leurs exigences en matière de responsabilité d’entreprise.

Ross McGowan et Ingrid Vanderslice

Contexte – Feux de forêt et de broussaille, tempêtes de vent, inondations, sécheresses, augmentation du niveau de la mer, grêle, verglas, vagues de chaleur... Les changements climatiques n’épargneront rien ni personne sur la planète, ce qui en fera des risques forts différents de ceux traditionnellement couverts par les assurances, à savoir des événements isolés qui surviennent rarement. Une chose est sûre : le risque de sinistres dus à des cataclysmes continuera de croître de façon exponentielle au cours des prochaines années, à l’instar du nombre de sinistrés, un fardeau désormais impossible à porter par les autres assurés.

Incidence – Nous nous attendons à ce que les changements climatiques entraînent des bouleversements profonds dans le secteur de l’assurance, notamment la multiplication des poursuites connexes contre des courtiers dès 2022. Qu’il s’agisse de la rupture d’un barrage découlant d’un événement ne cadrant pas avec les normes historiques, d’un feu de forêt consumant tout sur son passage ou du suicide d’une personne ne croyant plus à l’avenir, les courtiers s’exposent désormais à des réclamations de victimes qui affirmeront que leurs couvertures n’étaient pas adéquates ou suffisantes.

Principal conseil – En tant que professionnels indépendants, les courtiers devraient suivre les pratiques optimales qui s’imposent : poser les questions pertinentes à leurs assurés, comprendre les risques locaux, s’assurer que la couverture est prise en charge par l’assureur approprié et étudier les renouvellements avec le même œil critique que les nouvelles polices, le tout dans l’optique de répondre aux besoins qui se feront sentir dans l’avenir sans s’appuyer sur les normes historiques. En outre, ils devraient documenter correctement leurs politiques et procédures liées aux changements climatiques. Si vous souhaitez obtenir de l’aide afin de préparer vos activités de courtage aux changements climatiques, n’hésitez pas à communiquer avec Ross McGowan ou Ingrid Vanderslice.

Jean-Marie Fontaine et Nigah Awj

Contexte – En 2020 et en 2021, les assureurs traditionnels ont considéré les pertes liées à la pandémie comme étant hors du contrôle des parties au contrat. Par conséquent, ils ont invoqué la clause de force majeure (aussi connue sous le nom d’« acte de la nature » ou act of God en anglais) et rejeté les réclamations liées à la COVID-19. Au début de la pandémie, les restrictions gouvernementales qui ont rendu impossible l’exploitation de certains types d’entreprises correspondaient effectivement à la définition de cas de force majeure. En 2022, toutefois, ce ne sera plus tant le cas, puisque les gens et les entreprises se sont ajustés. En outre, il devient de plus en plus difficile de prétendre que les pandémies et leurs répercussions sont imprévisibles.

Incidence – Nous prévoyons que de plus en plus de poursuites seront intentées pour des motifs liés à des exclusions pour cas de force majeure, puisque les entreprises tenteront de convaincre les tribunaux que leurs pertes devraient être couvertes. Nous nous attendons aussi à ce que les assureurs examinent plus attentivement le libellé de leurs clauses pour cas de force majeure et qu’ils en retranchent explicitement les pandémies, les ordonnances émanant des autorités de santé publique et les règlements gouvernementaux issus d’entités comme Santé Canada, le Département de la sécurité intérieure et l’Agence canadienne des services frontaliers. Les entreprises à qui l’on aura opposé l’argument du cas de force majeure, échaudées, examineront attentivement de leur côté leur couverture pour s’assurer de ne pas s’y faire prendre une deuxième fois.

Principal conseil – Faites appel à votre équipe juridique pour revoir votre couverture d’assurance, notamment les dispositions visant les cas de force majeure, et vous aider à déterminer si vous devriez souscrire une police supplémentaire. Elle sera en mesure, de concert avec votre conseiller juridique externe, d’établir s’il existe des dispositions visant les cas de force majeure qui s’appliquent à votre situation et des exceptions qui peuvent être invoquées.

Bob Love et Edona Vila

Contexte – En 2022, des véhicules équipés de la technologie SAE de niveau 3 – à savoir l’automatisation conditionnelle, où le véhicule se conduit tout seul dans certaines circonstances, mais où la personne au volant doit se tenir prête à en reprendre les commandes à tout moment – se mettront à sillonner les routes du pays. Les conducteurs possédant de tels véhicules auront le droit de se servir de cette technologie, mais la question se posera toujours : en cas de problème, à qui la faute? La législation actuelle, qui varie d’une province à l’autre, reste floue quant aux accidents mettant en cause la technologie de niveau 3. Le Bureau d’assurance du Canada préconise l’approche de la police intégrale, qui assure à la fois la négligence du conducteur et la technologie d’automatisation, mais comme chaque province et territoire peut élaborer ses propres lois en matière de circulation sur les autoroutes et son propre régime d’assurance, le Canada pourrait bien se retrouver avec des réglementations et des modèles d’attribution de la responsabilité disparates et déroutants.

Incidence – Lorsqu’une technologie se met à être utilisée avant que la réglementation connexe ne soit adoptée, tout le monde est touché. Les autorités de réglementation provinciales se dépêcheront sans doute de mettre à jour leurs lois sur la circulation routière et les assurances, ce qui rend peu probable une harmonisation à l’échelle nationale. Les assureurs pourraient décider de mettre fin à certaines de leurs obligations, ce qui se traduirait par des pertes non assurées pour les propriétaires et les conducteurs de véhicules. Les fabricants de véhicules et de technologies autonomes pourraient devenir eux-mêmes la cible d’un nombre grandissant de réclamations de personnes s’étant vu refuser la couverture de pertes à la suite d’un accident.

Principal conseil – Les conducteurs qui prévoient utiliser une technologie de niveau 3 peuvent se renseigner auprès de leurs assureurs pour connaître ce qui est couvert et qui est responsable en fonction du scénario, mais en l’absence de réglementation, il y a peu que ces derniers puissent faire pour éclaircir le libellé de leurs polices. Les propriétaires de parcs de véhicules dotés de la technologie autonome de niveau 3, toutefois, pourraient disposer d’un pouvoir que n’ont pas les propriétaires d’une seule automobile et devront donc chercher à faire clarifier leurs polices. Par exemple, ils pourraient demander à leur assureur de signer un certificat déclarant que les véhicules sont assurés peu importe qu’ils soient conduits en mode automatisé ou non. La technologie évolue rapidement; assurez-vous de rester au fait des derniers développements en vous abonnant à Sur le radar, le bulletin de BLG sur les véhicules autonomes.

Robin Squires et Sarah Sweet

Contexte – Comme la COVID-19 a forcé des magasins ayant pignon sur rue à fermer leurs portes, et les gens à magasiner en ligne, l’achat de biens à l’étranger a explosé. L’augmentation de la demande, jumelée aux problèmes de capacité liés à la pandémie, comme la pénurie de conteneurs, de main-d’œuvre et d’espace d’entreposage, a causé des retards dans les expéditions, qui ont à leur tour entraîné une multiplication des réclamations à l’égard des transporteurs pour des dommages-intérêts liés aux niveaux de service, aux retards et aux marchandises avariées. Tant du côté de l’expédition que de la réception des marchandises, les acteurs mécontents font du lobbying auprès des autorités de réglementation afin qu’elles se penchent sur ce qu’ils considèrent comme un mauvais traitement de la part des transporteurs et de leurs intermédiaires. La Federal Maritime Commission (FMC) des États-Unis étudie d’ailleurs de près la façon dont les transporteurs maritimes traitent leurs clients.

Incidence – Nous nous attendons à ce que l’enquête minutieuse que la FMC réserve à ces transporteurs mène à l’examen d’autres maillons de la chaîne d’expédition, notamment les secteurs du transport ferroviaire, du camionnage et de l’aviation, de même que des intermédiaires comme les entrepôts, les transitaires et les fournisseurs de services logistiques. Nous croyons également que des changements d’ordre réglementaire mijotent au sud de la frontière. Il y a fort à parier que Transports Canada suivra les traces des États-Unis et se penchera sur le traitement que réservent les transporteurs à leurs clients canadiens. Si des règlements sont pris, les transporteurs devront assumer les énormes coûts organisationnels qu’entraînera la nécessité de se conformer à une multitude de lois semblables sans être identiques. Du côté des litiges, l’accroissement des réclamations à l’endroit des transporteurs rimera avec une hausse des coûts internes et externes liés à la contestation de ces réclamations.

Principal conseil – Les transporteurs de fret et leurs intermédiaires doivent s’assurer de respecter les modalités prévues à leurs propres contrats et éviter de faire des promesses qu’ils ne peuvent pas tenir. Ainsi, il convient de s’assurer que les messages transmis aux clients par les services des ventes et le service à la clientèle ne contredisent pas ceux des équipes responsables des affaires juridiques et des réclamations, ce qui contribuera non seulement à prévenir et à contester les éventuelles réclamations, mais pourrait aussi constituer une partie de la réponse quant aux exigences des organismes de réglementation.

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