une main qui tient une guitare

Perspectives

Survol des régimes fédéral et québécois de protection des consommateurs de certains produits et services financiers

Ce bulletin est le premier d’une série touchant au droit de la consommation au Québec.

Puisque le 30 juin prochain entrera en vigueur le nouveau Cadre de protection des consommateurs de produits et de services financiers et son règlement (ci-après désigné le « Cadre »)1, ce bulletin présente certaines des règles intégrées au Cadre, sous la perspective de règles similaires applicables au Québec en matière de protection des consommateurs de services financiers.

Ce bulletin présente également certaines des autorités de supervision et de surveillance en matière de services financiers, au fédéral et au provincial (Québec). Il met en perspective leurs différentes approches de supervision et présente plusieurs des pouvoirs dont ces autorités disposent pour réaliser leur mission.

Responsabilités fédérales et provinciales en matière de protection des consommateurs de services financiers

Au Canada, les produits et services bancaires relèvent du fédéral2. Ces produits et services offerts à des consommateurs sont entre autres encadrés par la Loi sur les banques3, dont découle le Cadre. Néanmoins, la protection du consommateur en général demeure « un domaine de compétence provinciale4 ». Au Québec, la loi la plus connue en cette matière demeure probablement la Loi sur la protection du consommateur5 (« L.P.C. »). Celle-ci énonce plusieurs règles générales vouées à la protection des consommateurs et qui s’appliquent à tout contrat de consommation, incluant dans certains contextes de services financiers6. D’ailleurs, la L.P.C. prévoit des règles visant spécifiquement certains services financiers, par exemple les prêts d’argent, les cartes de crédit, les cartes prépayées et les services de règlement de dettes.

La L.P.C. a une portée très large et vise une multitude de commerçants et d’institutions financières faisant des affaires au Québec. En comparaison, le champ d’application du Cadre est plus spécifique, car il se limite aux seules entités qui sont des banques ou des banques étrangères autorisées7. Autrement dit, bien qu’il soit applicable partout au Canada, le Cadre ne s’applique pas aux institutions financières et aux prêteurs qui ne sont pas des banques et dont plusieurs sont sous juridiction provinciale8. Il s’agit par exemple d’entités constituées selon des lois provinciales, comme des coopératives de services financiers, sociétés de fiducie, prêteurs automobiles, émetteurs de carte de crédit9 et agences d’évaluation du crédit10. Le Cadre, en visant spécifiquement les banques, établit donc un corpus de règles d’application spécifique au sein de l’écosystème des services financiers.

Quelques règles issues du Cadre et leurs parallèles québécois

Alertes électroniques

Le Cadre prévoit que les banques devront transmettre des avis automatisés à leur clientèle titulaire d’un compte de dépôts, d’une carte de crédit ou d’une marge de crédit. Ces avis électroniques alerteront les clients que le compte ou la limite de crédit, a atteint un certain seuil, établi par défaut à 100 $ et leur permettant par ailleurs d’en spécifier un autre11. Ils informeront aussi les clients que des frais ou des pénalités peuvent leur être imposés en raison de l’opération ayant déclenché l’alerte et expliqueront comment faire pour éviter ces frais, si applicable. Les clients pourront renoncer en tout temps à ces alertes. En comparaison, le Québec n’impose pas de tels avis12. Cependant, la L.P.C. exige l’envoi d’avis à tout consommateur qui dépasse sa limite de carte de crédit ou de marge de crédit. Contrairement au Cadre, la L.P.C. impose que ces avis soient transmis en format papier ou électronique13. La L.P.C. interdit expressément de facturer des frais en raison d’un dépassement de limite14, alors que le Cadre est plus souple à cet égard15.

Imputation des paiements sur un solde de carte de crédit

Le Cadre, en plus d’introduire de nouvelles mesures16, regroupe et reprend plusieurs des règles actuellement en vigueur dans différents règlements applicables aux institutions financières fédérales17. C’est notamment le cas de la règle d’imputation des paiements applicable aux cartes de crédit18. La règle d’imputation fédérale impose aux banques émettrices de cartes de crédit de répartir le paiement du solde par le consommateur selon deux méthodes permises19. Ces méthodes d’imputation des paiements visent à protéger les consommateurs dont le solde de la carte porte intérêt à des taux différents. En pratique, il arrive souvent que les émetteurs de carte de crédit prévoient des taux d’intérêt différents en fonction du type de transactions portées à la carte de crédit, avec un taux d’intérêt annuel spécifique pour les avances d’argent, les transferts de solde ou les achats courants. Pour l’heure, le Québec n’impose pas de mesure équivalente20.

Communications orales

Le régime fédéral prévoit spécifiquement un mécanisme protégeant les consommateurs faisant affaire avec une banque par téléphone, en imposant notamment l’envoi d’une confirmation écrite sans délai après un consentement donné oralement, laquelle doit contenir des renseignements précis21. Le Québec ne prévoit pas de mécanisme équivalent pour ceux qui souhaitent transiger avec leur institution financière par téléphone, bien qu’il prévoit pour les contrats conclus par téléphone un droit de résiliation de 7 jours dans certains cas22. La L.P.C. fait preuve, depuis son adoption initiale, de réticence envers les engagements conclus oralement, en continuant même d’imposer l’usage du papier dans certains cas23. En pratique, les exigences formalistes de la L.P.C. rendent parfois l’accompagnement téléphonique difficile24 ou, du moins, plus complexe, tant pour les institutions financières que pour les consommateurs.

Droit de résiliation

Le Cadre créera de nouveaux droits en matière de résiliation pour certains produits et services financiers. Par exemple, il permettra à toute personne ayant ouvert un compte de dépôt personnel de pouvoir résilier sans frais le contrat dans les 14 jours suivant l’ouverture du compte, avec un remboursement des frais relatifs au fonctionnement du compte25. Une faculté de dédit similaire n’existe pas au Québec. Il existe cependant une faculté de dédit applicable aux contrats de crédit visés par la L.P.C., incluant les contrats de carte de crédit. Le délai pour se prévaloir de ce droit varie selon le type de contrat de crédit en cause, soit entre 2 et 10 jours26.

Paiement minimum sur les cartes de crédit

Le régime fédéral n’établit pas de seuil pour le paiement minimum des cartes de crédit émises par les banques. Le régime du Québec impose plutôt à tous les émetteurs de carte de crédit d’exiger, à chaque relevé de compte, un paiement équivalent au minimum à 5 % du solde de la carte27. Le Québec demeure la seule juridiction canadienne ayant choisi d’imposer une telle exigence.

Hypothèques immobilières parapluies

Le Québec a adopté des mesures visant à rendre moins attrayant, pour les institutions financières, l’emploi de garanties hypothécaires immobilières de type « parapluies » auprès des consommateurs. Une hypothèque parapluie est une hypothèque dont le libellé est rédigé très largement, si bien que le prêteur bénéficie d’une garantie visant l’ensemble des dettes actuelles et futures de l’emprunteur. Au Québec, des règles s’appliquent aux pratiques concernant ces garanties28. Dans les faits, ces règles viennent limiter l’intérêt des prêteurs pour les hypothèques parapluies auprès des consommateurs, puisqu’à défaut de les respecter, la L.P.C. devient applicable sans exception aux contrats de crédit liés à l’hypothèque. Comme la L.P.C. interdit notamment d’imposer des frais en cas de remboursement anticipé29, les prêteurs sont ainsi incités à respecter soigneusement les exigences issues du Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur en matière d’hypothèques parapluies30. Quant au Cadre, il n’intègre pas de mesures spécifiques sur cette question.

Modalités de remboursement

Le Cadre demeure plus souple que la réglementation québécoise en matière de modalités de remboursement des prêts à la consommation. Ainsi, sous réserve d’exceptions31, le Québec impose que l’ensemble des versements d’un prêt à la consommation soient d’un même montant32, sauf le dernier qui peut être moindre. Il impose des règles qui visent à inciter les prêteurs, dans certaines circonstances, à ce que les paiements soient espacés d’au plus 35 jours33. En pratique, l’imposition de versements égaux oblige les prêteurs à faire correspondre la durée d’amortissement au terme du prêt.

Encadrés explicatifs

Le Cadre continuera d’imposer la divulgation des frais aux consommateurs par l’entremise d’encadrés explicatifs, qui devront continuer de contenir les éléments prévus par règlement34. En cette matière, le Cadre abandonne les modèles d’encadrés informatifs qui se trouvent présentement dans le Règlement sur le coût d’emprunt et laisse donc plus de discrétion aux banques en matière de présentation de l’information35. L’information requise devra demeurer dans un seul encadré, présenté bien en évidence. 

Le régime québécois impose quant à lui depuis 2019 des modèles obligatoires d’encadrés explicatifs, notamment pour les contrats de prêt d’argent et de carte de crédit36. Cependant, les contrats pour lesquels de tels encadrés sont imposés demeureront moins nombreux dans la réglementation québécoise que dans le Cadre37. Le contenu devant impérativement être inclus dans les encadrés continuera aussi de varier légèrement d’une juridiction à l’autre. Alors que le Québec continuera d’imposer des formulations et des modèles à suivre pour les encadrés explicatifs, le Cadre renonce à cette approche plus prescriptive38.

Frais ou pénalités facturés sans droit

Le Cadre prévoira qu’une banque ayant facturé des frais ou pénalités non prévus au contrat devra rembourser ces frais avec intérêt, au taux de financement à un jour de la Banque du Canada depuis la date où ces frais ont été facturés39. Au Québec, bien qu’il soit généralement interdit de facturer des frais non prévus au contrat40, il n’existe pas de mesure similaire à celle-ci. Néanmoins, les consommateurs dont le contrat est assujetti à la L.P.C. disposent de vastes recours, incluant la possibilité d’obtenir des dommages punitifs41.

Contrats de crédit à coût élevé

Contrairement au Cadre, le Québec encadre spécifiquement les contrats de crédit à coût élevé42. Un contrat de crédit à coût élevé est un contrat dont le taux de crédit dépasse de 22 points de pourcentage le taux officiel d’escompte de la Banque du Canada43. Le Québec octroie au consommateur une faculté de dédit de 10 jours applicable à ces contrats, afin de lui donner un temps de réflexion pour changer d’idée en lien avec la conclusion de ce contrat44. La L.P.C. prévoit une présomption que ces contrats sont lésionnaires, dès lors qu’ils sont conclus auprès de consommateurs dont le ratio d’endettement, calculé selon une formule imposée par règlement, est supérieur à 45 %45.

Périodes promotionnelles

Le Cadre prévoit des protections en matière d’offres promotionnelles, qui pourront s’appliquer par exemple aux cartes de crédit assorties d’une offre d’adhésion à taux promotionnel46. À l’approche de la fin d’une période promotionnelle supérieure à 30 jours, le client recevra deux rappels : le premier, 21 jours avant le dernier jour de la promotion, et le second, 5 jours avant le dernier jour de la promotion. Ces rappels porteront à son attention la fin de sa période promotionnelle et lui indiqueront les coûts qui s’appliqueront par la suite47. Au Québec, la L.P.C. n’impose pas de mesure équivalente en matière d’offres promotionnelles. Elle oblige cependant, dans le cadre de l’annonce d’une offre de crédit avec période sans intérêt, à indiquer le taux de crédit qui sera applicable à la fin de cette période si le solde dû n’est alors pas entièrement remboursé48.

Communication des informations relatives aux plaintes

Le Cadre impose spécifiquement la communication, aux clients et au public, d’informations relatives au traitement des plaintes et la communication des coordonnées de l’Agence de la consommation en matière financière49. Le renforcement du régime de traitement des plaintes fait d’ailleurs partie des éléments clés mentionnés dans l’étude d’impact liée au Cadre50. Au Québec, des mesures renforcées en matière de traitement des plaintes des institutions financières sous juridiction provinciale seront probablement bientôt adoptées, suivant une consultation complétée par l’Autorité des marchés financiers sur un projet de règlement en la matière51. Pour l’heure, le régime applicable au Québec prévoit certaines mesures, dont celle d’adopter une politique de traitement des plaintes52.  

Autorités de surveillance et d’encadrement53

Le Québec et le fédéral ont chacun établi des autorités de surveillance et d’encadrement distinctes, dont les approches d’intervention et pouvoirs diffèrent.

D’abord, la Loi sur les banques a pour ministre responsable le ministre des Finances du Canada54. Par ailleurs, les banques opèrent sous la surveillance du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF). Le BSIF s’assure notamment que les banques adoptent des pratiques leur permettant de maintenir une bonne santé financière, qu’elles établissent des pratiques de gestion des risques appropriées et, plus largement, qu’elles respectent les lois qui les régissent et adoptent des pratiques commerciales à cet effet55. Les banques sont aussi sous la surveillance de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC). L’ACFC est un autre organisme de surveillance et d’encadrement fédéral. Il a notamment pour rôle de surveiller l’application du Cadre de protection des consommateurs de produits et de services financiers et du processus de traitement des plaintes par les banques56.

Dans le cadre de ses activités de surveillance, l’ACFC peut imposer des sanctions administratives pécuniaires d’au plus 10 millions de dollars. L’ACFC a d’ailleurs élaboré et publié un encadrement qui détaille la manière dont elle établit le montant des sanctions57. Quant au BSIF, il dispose aussi d’un large éventail de moyens d’intervention pour réaliser sa mission, incluant la possibilité d’imposer des sanctions administratives pécuniaires aux entités sous sa responsabilité58.

La L.P.C. relève actuellement du ministre de la Justice59 et l’Office de la protection du consommateur (« OPC ») est l’organisme désigné afin d’assurer la surveillance de cette loi et d’autres lois en matière de protection des consommateurs60. L’OPC surveille ainsi, entre autres choses, les activités relatives au crédit à la consommation, à la location à long terme de biens (comme les automobiles), aux cartes prépayées et aux programmes de récompense. Ses pouvoirs d’enquête sont très larges61. L’OPC ne peut pas imposer des sanctions administratives pécuniaires, mais ses activités de surveillance peuvent mener à des poursuites pénales et des amendes pour l’ensemble des personnes ayant commis l’infraction ou même conseillé, incité ou encouragé celle-ci62. Dans le cadre de ses activités de surveillance, l’OPC transmet aussi des avis d’infraction aux commerçants lorsqu’il est d’avis que ceux-ci ne se conforment pas à la loi, afin de les inciter à modifier leurs pratiques63.

Au Québec, les lois et règlements applicables aux dépôts d’argent sont historiquement sous la responsabilité de l’Autorité des marchés financiers64 (« AMF »), quoique cette situation pourrait être appelée à changer prochainement de manière très spécifique, avec l’adoption de la Loi sur la remise des dépôts d’argent aux cotitulaires d’un compte qui sont des conjoints ou ex-conjoints65. Cette loi viendrait confier certaines activités de surveillance en matière de dépôts à l’OPC, bien que l’ensemble des activités de surveillance en la matière demeurerait sous la responsabilité de l’AMF.

L’AMF surveille aussi les institutions financières sous juridiction provinciale, comme les activités des coopératives de services financiers66, assureurs67 et plusieurs intermédiaires financiers. L’AMF possède de larges pouvoirs pour remplir sa mission, notamment des pouvoirs d’enquête68, le pouvoir de rendre des ordonnances et d’édicter des lignes directrices et des instructions écrites, ainsi que celui d’imposer des sanctions administratives pécuniaires69. L’AMF conserve la moitié du montant des sanctions administratives pécuniaires qu’elle impose et remet l’autre au ministre des Finances, alors que le BSIF et l’ACFC doivent à cet égard remettre la totalité des sommes perçues au receveur général du Canada70.

Par ailleurs, au fédéral le BSIF et l’ACFC publient également des lignes directrices qui énoncent leurs attentes à l’égard des entités qui leur sont assujetties et qui clarifient l’interprétation de certaines mesures par ces autorités71. La publication de lignes directrices et de bulletins d’interprétation ne constitue cependant pas une pratique de l’OPC. En pratique, les positions de l’OPC peuvent être identifiées en consultant son site internet et certaines de ses publications.

Si vous avez des questions au sujet de ce bulletin, n’hésitez pas à communiquer avec nos experts listés ci-dessous. Les membres de notre équipe conseillent régulièrement des banques et autres institutions financières au sujet de leurs produits et services et sur les questions de protection des consommateurs.

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