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Perspectives

La Cour d’appel confirme que la preuve d’un impact financier réel est requise, malgré la présomption de préjudice

La Cour d’appel, dans Fortin c. Mazda Canada inc.1, confirme que la présomption de préjudice n’exonère pas le consommateur de faire la preuve des dommages, soit l’existence d’un impact financier réel dans le cadre d’une réclamation en vertu de l’article 272 c) LPC.

Historique procédural

Cette action collective a été autorisée contre Mazda Canada inc. (« Mazda ») en lien avec certains modèles de Mazda 3 qui comportaient une faiblesse au niveau de leur système de verrouillage2. Mazda avait rapidement pris les mesures correctives et offert de corriger, sans frais, la faiblesse du système de verrouillage.

Au mérite, l’instance a été scindée en ce qui concerne la responsabilité et les dommages. La Cour supérieure a rejeté la responsabilité de Mazda dans son entièreté3. En 2016, la Cour d’appel a cependant renversé ce jugement en partie4 et conclu que Mazda avait manqué à son devoir d’information (228 LPC) pour un nombre limité des membres5. La Cour d’appel a par ailleurs refusé d’accorder la réclamation des membres du groupe pour leurs troubles et inconvénients à la suite de leur déplacement chez le concessionnaire pour profiter d’une réparation gratuite, et refusé également des dommages moraux pour le stress occasionné par la faiblesse de verrouillage, ou des dommages punitifs.

Toujours au mérite, le juge Denis Jacques de la Cour supérieure a conclu que Mme Fortin n’avait pas fait la preuve de quelque impact financier réel, tel qu’une baisse du prix du véhicule, justifiant une réduction de l’obligation selon l’article 272 c) LPC6. Bien que la réparation par Mazda des véhicules en cause ne constituait pas une compensation en soi pour le manquement au devoir de renseignement, le juge Jacques a estimé qu’accorder une compensation en l’absence de preuve valide7, telle qu’une perte de valeur à la revente du véhicule, aurait pour effet d’enrichir les membres sans justification.

L’arrêt de 2022 de la Cour d’appel et la nécessité de prouver les dommages en droit de la consommation

Déjà en 2016, la Cour d’appel avait établi les principes du droit du manufacturier de procéder à la réparation à ses frais et que le simple déplacement chez le concessionnaire constituait un inconvénient normal de la vie de tous les jours et n’était donc pas compensable8.

La Cour d’appel vient maintenant clarifier l’application de la « présomption absolue de préjudice » mise en place par l’arrêt Timeet reprise dans Imperial10.

Cette présomption de préjudice donne le droit de réclamer les réparations prévues à l’article 272 LPC, mais conformément à l’arrêt Masson11, rien n’oblige les tribunaux à l’accorder. Ainsi, elle n’exempte pas la partie demanderesse, qui tente de se prévaloir de l’article 272 c) LPC, de faire la preuve de ses dommages pour obtenir compensation, ou plus spécifiquement la réduction de son obligation.

Plus particulièrement, lorsqu’une réduction de l’obligation est réclamée, la partie demanderesse doit faire la preuve de la quantification du préjudice. Il faut donc faire la preuve d’un impact financier réel, qui peut prendre, par exemple, la forme d’une baisse de valeur du bien en question.

Cet arrêt vient clarifier les conditions d’application de l’article 272 LPC, la présomption de préjudice en droit de la consommation et le fardeau imputable aux demandes en diminution de prix sous ce régime. La Cour d’appel confirme ainsi qu’une preuve d’impact financier réel est requise afin de fixer la réduction de prix appropriée, et ce, malgré la présomption absolue de préjudice établie dans l’arrêt Time. En l’espèce, la décision d’accorder une réduction de l’obligation de l’ordre de 0 $ était cohérente avec la preuve retenue.


1 Fortin c. Mazda Canada inc., 2022 QCCA 635.

2 Robitaille c. Mazda Canada inc., 2010 QCCS 2630.

3 Fortin c. Mazda Canada inc., 2014 QCCS 2617.

4 Fortin c. Mazda Canada inc., 2016 QCCA 31 (demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, CanLII 51055 [SCC]).

5 Le Groupe 1 (dommages compensatoires pour les victimes de voleurs) et le Groupe 2 (membres ayant acquis le véhicule entre le 3 octobre 2006 et le 28 janvier 2008). 

6 Fortin c. Mazda, 2020 QCCS 4270, voir aussi l’article des mêmes auteurs résumant cette cause.

7 La preuve par sondage a donc été complètement écartée, ainsi que le rapport juricomptable qui s’appuyait sur les données de ce sondage.

8 Fortin c. Mazda Canada inc., 2016 QCCA 31, par. 165-170.

9 Richard v. Time Inc., 2012 SCC 8.

10 Imperial Tobacco Canada ltée c. Conseil québécois sur le tabac et la santé, 2019 QCCA 358.

11 Masson c. Telus Mobilité, 2019 QCCA 1106.

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