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Perspectives

Enregistrements de bord de pilotage : la Cour suprême du Canada juge qu'ils peuvent être divulgués dans le cadre d'un procès

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (le « BST ») est mandaté en vertu de la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (la « Loi ») pour enquêter sur les incidents aériens, ferroviaires et maritimes, afin de déterminer la ou les causes profondes d'un accident et d'éviter qu'il ne se reproduise à l'avenir.

Au cours de ces enquêtes, les inspecteurs du BST ont l'habitude de saisir l'enregistreur de données vidéo (le « VDR », pour video data recorder) d'un navire ou d'autres appareils d'enregistrement de bord dans les avions ou les trains. Cela peut être très frustrant pour les propriétaires de navires qui n'ont pas accès au VDR lors d'un litige ultérieur.

Dans Canada (Bureau de la sécurité des transports) c. Carroll Byrne, 2022 CSC 48, la Cour suprême a rendu une décision le 25 novembre 2022 expliquant dans quelles circonstances un enregistrement de bord peut être divulgué.

Contexte

En mars 2015, un vol d'Air Canada en provenance de Toronto a eu un accident à l'atterrissage dans des conditions météorologiques impitoyables à l'aéroport de Halifax, causant des blessures à plusieurs passagers. Certains passagers ont intenté un recours collectif devant les tribunaux de la Nouvelle-Écosse contre la compagnie aérienne, les pilotes, le manufacturier de l'avion et l'aéroport.

Indépendamment du litige, le BST a enquêté sur l'accident en vertu de son mandat d'améliorer la sécurité en vertu de la Loi. Le BST a publié son rapport d'enquête en mettant l'accent sur les causes et les facteurs contributifs ayant mené à l'accident, sans attribuer de responsabilité civile ou criminelle à quelque partie que ce soit. Le BST n'est pas partie au litige.

Afin d'établir les circonstances entourant l'atterrissage, le manufacturier de l'avion a demandé la divulgation de l'enregistrement de bord des communications des pilotes, qui font partie de la "boîte noire" de l'avion (le « CVR », pour cockpit voice recorder).

Le BST a refusé de divulguer le CVR, affirmant qu'il est protégé par un privilège légal en vertu de l'article 28 de la Loi et qu'il ne peut être utilisé comme preuve dans une procédure judiciaire, à moins que ne l’ordonne un tribunal ou un coroner. Après avoir écouté le CVR à huis clos (et non en public), le juge a autorisé l'admission du CVR comme preuve, affirmant que la bonne administration de la justice l'emportait sur le privilège légal. Cette décision a été confirmée en appel.

L'affaire est allée jusqu'à la Cour suprême, qui a confirmé que le CVR pouvait être admis comme preuve.

La décision

Pour déterminer si l'enregistrement embarqué doit être divulgué, la Cour doit tenir compte de deux critères :

  1. l'intérêt public dans l'administration de la justice;
  2. l'intérêt public qui sous-tend la protection législative des enregistrements embarqués.

Pour évaluer l’importance de l'intérêt public dans l'administration de la justice, la Cour examinera la pertinence de l'enregistrement dans le litige, sa valeur probante et sa nécessité pour résoudre les questions en litige.

En ce qui concerne le deuxième critère, la Cour suprême a noté que la protection législative est accordée aux enregistrements de bord afin de protéger la vie privée des pilotes et de l'équipage et de préserver la sécurité publique dans l'aviation ou la navigation. La Cour a convenu qu'un CVR peut être divulgué dans le cadre d'un procès si l'intérêt public d'une bonne administration de la justice l'emporte sur l'importance du privilège attaché à l'enregistrement de bord. Après analyse, les juges ont conclu que la divulgation du CVR était nécessaire pour combler les lacunes dans la preuve des pilotes qui étaient essentielles pour déterminer la causalité et donc la responsabilité de l'accident.

Analyse

Cette décision aura un impact majeur sur les secteurs de l'aviation, du rail et de la marine, car elle diminue l'importance des objectifs de protection de la vie privée et de sécurité qui motivent l'interdiction d'utiliser les enregistrements de bord. Elle donne également aux parties à un litige dans lequel un VDR ou un autre enregistrement de bord est pertinent une feuille de route pour obtenir et utiliser les VDR.

Pour de plus amples conseils sur les VDR, les enregistrements de bord ou d'autres questions relatives à la navigation et au transport, n'hésitez pas à communiquer avec nous.

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