une main qui tient une guitare

Perspectives

Fusions et acquisitions en 2023 : l’ultime étape du deuil pour les conseils d’administration… l’acceptation!

Ces derniers temps, l’inflation galopante et l’incertitude entourant la hausse des taux d’intérêt ont entraîné des difficultés sur le marché des fusions et acquisitions (« F&A »).

Le contexte inflationniste actuel complique les choses pour les entreprises qui souhaitent réunir des capitaux, particulièrement celles qui œuvrent dans des secteurs à forte intensité capitalistique, comme l’exploration minière et les technologies émergentes. Parallèlement, l’incertitude quant au moment où les banques centrales commenceront à baisser les taux d’intérêt, voire les ramèneront aux niveaux « normaux » observés de mémoire récente, a donné lieu des à mouvements erratiques sur les marchés financiers qui ont amené de nombreux analystes à prédire une récession mondiale.

Jumelées aux préoccupations touchant l’accès aux marchés financiers, ces turbulences économiques ont rehaussé la valeur des liquidités. Les entreprises, soucieuses de mettre la main sur ces précieux capitaux, sont nombreuses à rechercher des cibles d’acquisition qui en possèdent amplement, ce qui ne manquera pas de remettre les stratégies de financement par voie de fusion-acquisition à la page. À l’inverse, les sociétés jouissant d’un bilan sain se tournent vers le bassin croissant d’entreprises dont l’évaluation est attrayante (c’est-à-dire faible) pour faire des acquisitions.

Étant donné la pression constante sur les évaluations qui a tenu le cours des actions à la baisse par rapport aux sommets vus récemment, la voie vers une transaction n’est plus aussi dégagée qu’elle l’était. Lorsque l’évaluation d’une cible chute, son conseil d’administration se sent vulnérable. Ainsi, tout acheteur potentiel se voit balayé du revers de la main parce qu’il est considéré comme opportuniste. Inversement, lorsque l’évaluation s’accroît... en fait, les choses sont plutôt au point mort de ce côté-là actuellement. Passons.

Dans ce contexte, que faudra-t-il pour que les beaux jours des fusions-acquisitions reviennent? Un retour aux capitaux à faible coût du début de la pandémie serait sans doute bénéfique, mais puisque l’inflation et le coût de la vie qui ne cessent de grimper rendent cette situation fort improbable, les acheteurs et les vendeurs devront aborder ce cycle avec un autre genre de confiance. Qui plus est, les attentes changeront à mesure que les conseils, les investisseurs et les autres parties prenantes reverront les évaluations et cesseront de se fier à des mesures simplistes comme d’offrir une prime généreuse par rapport au cours le plus élevé de l’action sur 52 semaines.

Pressions sur le marché des F&A

À mesure que les coûts d’emprunt augmentent, les rendements réels fondent, ce qui complique l’établissement d’un modèle robuste. Comment les conseils d’administration doivent-ils agir? D’abord, en revenant aux principes fondamentaux et à l’obligation fiduciaire des administrateurs et administratrices d’agir dans l’intérêt supérieur de l’entreprise. Dans un contexte où les marchés du financement sont tendus, où l’accès à des capitaux d’autres sources est restreint et où l’on observe un accroissement de l’activisme des actionnaires, les conseils doivent revoir ce qu’ils considèrent comme une « juste valeur ».

  • À quoi ressemblera l’érosion des capitaux pour les 6, 12 ou 24 prochains mois?
  • Le profil de croissance est-il aussi prometteur que celui des périodes précédentes?
  • Le moment est-il venu d’envisager une transaction stratégique, voire une vente, pour protéger l’entreprise?

Si le conseil en vient à la conclusion qu’il est temps de vendre, il devient encore plus important d’estimer la valeur avec sobriété et soin, puisqu’une mauvaise évaluation pourrait donner lieu à des résultats dramatiques allant d’une croissance freinée à des problèmes d’insolvabilité, si ce n’est même mettre en jeu la pérennité de l’entreprise.

Pour certaines entreprises, ces facteurs peuvent influer sur le raisonnement qui sous-tend une éventuelle opération de F&A. Plutôt que de partir à la recherche de nouvelles occasions ou de tout miser sur la découverte de la transaction parfaite, certaines cibles doivent considérer un regroupement comme un moyen de survie qui leur permettra de tirer leur épingle du jeu en cette période de turbulences.

S’il est possible qu’une entreprise obtienne une évaluation inférieure à ce qui serait attendu, le conseil doit tout même démontrer à ses actionnaires qu’une transaction sera avantageuse. Il va sans dire que ce processus doit faire l’objet d’une gestion prudente pour assurer que les actionnaires, en particulier, la soutiennent, mais également l’ensemble des parties prenantes concernées. Une cible doit donc justifier une opération avec davantage d’arguments que la simple promesse d’une prime sur le prix de l’action. La clé du succès est de passer à l’action : une évaluation honnête et objective des perspectives à court, moyen et, surtout, long terme est cruciale. Comment un conseil expliquera-t-il à ses actionnaires que l’opération réalisée n’a pas eu les résultats escomptés si l’entreprise se retrouve aux prises avec des enjeux d’insolvabilité et n’a pas de plan clair pour atteindre la stabilité financière?

Adopter une vision à long terme

Alors que les évaluations reculent pour une multitude de raisons, les conseils pourraient être tentés de rejeter une opération si l’évaluation leur semble trop faible. Dans le marché d’aujourd’hui, toutefois, cette raison pourrait ne pas suffire. Les conseils doivent plutôt regarder l’horizon à long terme pour déterminer ce qui est véritablement dans l’intérêt supérieur de l’entreprise et de ses actionnaires.

Les entreprises qui manquent de fonds doivent adopter une vision stratégique pour les 12 à 24 prochains mois. Ainsi, les équipes de direction doivent être bien au fait de leurs budgets, des tendances connexes et des options qui s’offrent à elles en ce qui concerne l’accès à des capitaux. Les conseils d’administration, quant à eux, doivent se montrer prêts à réunir des fonds de façon proactive avant que la situation ne se révèle désespérée et à procéder à une transaction si l’occasion se présente, le tout dans l’optique de déterminer la meilleure avenue pour faire face à l’incertitude actuelle, et pour offrir aux actionnaires le meilleur rendement possible. Dans certains cas, l’exercice pourrait démontrer qu’une restructuration s’impose. Dans d’autres, il pourrait s’avérer judicieux de réévaluer la valeur de marché de l’entreprise, de considérer cette évaluation dans une optique plus globale et d’envisager des opérations de F&A qui reflètent cette nouvelle réalité. À quelques exceptions près, il faut s’attendre à ce que les évaluations aient baissé par rapport à il y a seulement quelques mois.

S’attendre à des échéanciers plus longs

Selon toute vraisemblance, mener à bien une opération de F&A dans le marché actuel sera un processus plus long que dans les derniers temps.

D’une part, l’intervention du gouvernement fédéral s’y est accentuée de façon importante. Les changements apportés récemment à la Loi sur Investissement Canada, les stratégies fédérales entourant les minéraux critiques et les investissements étrangers de même que la transition vers des technologies propres et des énergies renouvelables font en sorte que le gouvernement scrute avec davantage d’attention les opérations qui pourraient mettre en péril la sécurité nationale, notamment en ce qui concerne les sources de financement, les questions de concurrence et la confiance du public à l’égard du système financier. Par conséquent, des opérations coutumières qui allaient de l’avant rapidement jadis sont aujourd’hui beaucoup plus longues et peuvent même se voir assujetties à une éventuelle obligation de préapprobation.

D’autre part, le ralentissement du marché met un accent accru sur les contrôles diligents. Comme ils craignent moins de voir une occasion leur glisser des doigts, les acquéreurs prennent plus de temps pour réaliser une revue exhaustive; les cibles doivent se préparer en conséquence. Dans la plupart des cas, elles devront mieux s’organiser avant d’envisager une transaction. Le risque d’exécution sera plus élevé et, comme le disent la majorité des conseillers, « le temps est un risque ». Les cibles qui réussiront à raccourcir le temps de recherche d’une opération ou la période entre l’annonce de l’opération et sa clôture en sortiront gagnantes.

Faire face à l’avenir

Bien que les forces du marché en pleine mutation et les perturbations omniprésentes compliquent la donne, des perspectives encourageantes demeurent. Et elles se feront plus positives à mesure que les entreprises adopteront une vision réaliste de leur valeur et qu’elles s’approcheront de la conclusion d’une opération.

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