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Perspectives

Le Tribunal administratif du travail refuse une réclamation pour un accident de travail en contexte de télétravail

La décision récente Allard et Promutuel Horizon Ouest, 2023 QCTAT 1027, rendue le 2 mars 2023, fait voie à un nouveau courant qui pourra certainement servir de précédent aux employeurs en matière d’accident de travail (au sens de la loi : un accident à l’occasion du travail).

Contexte

Avec l’émergence du télétravail dans les milieux de travail depuis les dernières années, le Tribunal administratif du travail (le « Tribunal ») a été saisi de nombreuses réclamations en lien avec des accidents survenant à la maison lors d’une période de pause.

En effet, un travailleur qui se blesse à son domicile, pendant sa pause, alors qu’il est en télétravail, pourra bénéficier du régime d’indemnisation prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la « LATMP ») au chapitre de la notion « à l’occasion du travail » tout comme s’il exécutait son travail au bureau, dans la mesure où il répond aux critères usuels établis par la loi.

Une revue des récents développements jurisprudentiels1 illustre qu’il est difficile, en contexte de télétravail, de départager les activités qui relèvent de la sphère privée de celles qui relèvent de la sphère professionnelle. Jusqu’à tout récemment, la tendance voulait que dans ce contexte de juxtaposition, le caractère « professionnel » l’emporte selon le Tribunal.

Or, dans l’affaire Allard et Promutuel Horizon Ouest, le Tribunal refuse une réclamation pour un accident survenu dans les marches de la cour extérieure de la résidence d’une travailleuse dans un contexte de télétravail, car la chute relève de la sphère d’activités « personnelles » de la travailleuse.

La décision

Dans cette affaire, la travailleuse exerce ses fonctions en télétravail à partir du sous-sol de sa résidence. Durant sa pause-repas, elle chute dans les escaliers extérieurs de sa résidence qui mènent à la cour et s’inflige une entorse ainsi qu’une fracture à la cheville droite. La travailleuse conteste le refus de sa réclamation devant le Tribunal.

Dans ses motifs, le Tribunal commente l’affaire Air Canada et Gentile-Patti, citée par la travailleuse. Il précise qu’il n’y a pas lieu d’appliquer ce précédent car contrairement à cette affaire, où la chute était survenue quelques instants après s’être déconnectée de son poste pour aller dîner, ici la travailleuse a chuté en plein cœur de sa pause-repas alors qu’elle avait fini de manger et pouvait profiter du temps qu’il lui restait dans le confort de sa cour. La preuve confirme également que la pause-repas n’est pas rémunérée et que l’employeur n'exige aucune disponibilité de la travailleuse. En effet, la travailleuse est déconnectée du réseau de l’employeur pendant sa pause, de sorte qu’il n’y a aucun lien de subordination.

De plus, le Tribunal accorde une attention particulière à l’activité accomplie au moment de la chute, à savoir que la travailleuse s’est blessée en voulant ramasser son téléphone cellulaire personnel tombé dans les escaliers, lequel n’est pas utilisé dans l’exercice de ses fonctions professionnelles.

Finalement, le Tribunal soulève que la chute est survenue dans l’escalier extérieur de la résidence de la travailleuse qui mène à sa cour et non l’escalier intérieur qui mène au bureau du sous-sol, où elle travaille.

Pour ces motifs, le Tribunal conclut que la chute est survenue dans la sphère personnelle de la travailleuse et qu’ainsi, elle n’est pas survenue à l’occasion du travail. La travailleuse n’a donc pas subi un accident de travail au sens de la loi.

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1 Air Canada et Gentile‑Patti, 2021 QCTAT 5829; Laverdière et Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (Opérations régionales), 2021 QCTAT 5644

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