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Perspectives

Énoncé économique de l’automne 2023 – Mesures fiscales

Le 21 novembre 2023, l’honorable Chrystia Freeland a présenté l’Énoncé économique de l’automne 2023 (l’« Énoncé ») du gouvernement fédéral (le « gouvernement »). 

L’Énoncé expose le point de vue du gouvernement sur l’état de l’économie du pays et ses stratégies pour rétablir l’accès aux logements abordables, soutenir les travailleurs et bâtir une économie propre. Sortant des sentiers battus, le gouvernement a mené une enquête auprès de 12 économistes du secteur privé pour préparer son énoncé économique.  

Dans cet article, nous résumons les principales mesures fiscales qui y sont annoncées.

Mesures visant l’impôt sur le revenu des sociétés

Déduction des dividendes reçus par des institutions financières – exception

Rappelons que le budget fédéral 2023 proposait l’interdiction aux institutions financières de déduire les dividendes reçus sur les actions d’autres sociétés résidant au Canada qui constituent des biens évalués à la valeur du marché. L’Énoncé propose une exception à cette mesure pour les dividendes que les institutions financières reçoivent sur des « actions privilégiées imposables » telles que définies dans la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi » ou « Loi de l’impôt »).

Taxe sur les services numériques

L’Énoncé confirme l’engagement du gouvernement à appliquer la taxe canadienne sur les services numériques en attendant le consensus de la communauté internationale à l’égard d’un traité multilatéral de mise en œuvre du Pilier Un. Avec cette nouvelle législation, le gouvernement pourra déterminer la date d’entrée en vigueur de la taxe, ce qui laisse entrevoir la possibilité d’un report. Dans ses annonces antérieures, le gouvernement avait déclaré que la loi sur la taxe sur les services numériques serait appliquée au plus tard le 1er janvier 2024 avec effet rétroactif au 1er janvier 2022.

Prêts concessionnels

Plus tôt cette année, la Cour suprême du Canada a refusé d’entendre l’appel d’un contribuable dans un dossier concernant le traitement fiscal de l’« aide gouvernementale ». Dans ce dossier (CAE Inc. c. Canada, 2022 CAF 178), le capital entier de certains prêts à faible taux d’intérêt consentis par le gouvernement au contribuable (et non la seule valeur économique du taux d’intérêt inférieur au taux du marché) a été traité comme une « aide gouvernementale », même si ces prêts étaient inconditionnellement remboursables.

Comme nous le soulignions dans cet article, cette décision était des plus surprenantes étant donné que l’Agence du revenu du Canada avait publié un communiqué indiquant qu’elle n’appliquait pas les dispositions visant les prêts à faible taux d’intérêt inconditionnellement remboursables et que si rien n’était fait, ce dossier avait le potentiel de dénuer d’intérêt et d’effet les cinq nouveaux crédits d’impôt à l’investissement pour une « économie propre » annoncés par le gouvernement au cours des 18 derniers mois.

L’Énoncé comprend une annonce fort attendue voulant que la Loi de l’impôt sur le revenu soit modifiée afin de prévoir que les prêts concessionnels de bonne foi dont les modalités de remboursement sont raisonnables, émis par des administrations publiques, ne soient pas, de façon générale, considérés comme de l’aide gouvernementale.  Cette modification prendra effet le 21 novembre 2023.  Les emprunteurs titulaires de prêts du gouvernement ou d’organismes parapublics (ex. : Banque de l’infrastructure du Canada) seront grandement soulagés par cette annonce, pour laquelle il faut saluer le gouvernement.

Investissement des fonds de pension

L’Énoncé annonce l’intention du gouvernement de collaborer avec les fonds de pension canadiens pour créer un environnement porteur permettant de cerner davantage d’opportunités d’investissement pour les fonds de pension et d’autres fonds communs de placement responsables.

L’Énoncé annonce aussi que le gouvernement envisagera la possibilité d’annuler, pour les investissements au Canada, la « règle des 30 % », qui empêche les fonds de pension de détenir plus de 30 % des actions avec droit de vote de la plupart des entreprises.

Le gouvernement propose aussi d’exiger que les grands régimes de pension sous réglementation fédérale dévoilent la répartition de leurs investissements, à la fois par territoire et par type d’actifs par territoire, au Bureau du surintendant des institutions financières (« BSIF »).

Crédit d’impôt à l’investissement pour l’hydrogène propre (« CII pour l’hydrogène propre »)

L’Énoncé propose les exigences supplémentaires suivantes pour l’obtention du CII pour l’hydrogène propre pour la production d’ammoniac propre :

  • Le contribuable qui se prévaut du CII pour l’hydrogène pour sa production d’ammoniac doit produire son propre hydrogène, à partir de projets admissibles au CII pour l’hydrogène propre;
  • La production d’ammoniac est issue entièrement des projets d’hydrogène propre existants;
  • La faisabilité du transport est démontrée.

L’Énoncé donne plus d’information sur l’équipement à « double usage » servant à la production d’hydrogène et d’ammoniac : pour l’application du CII pour l’hydrogène propre, le coût de l’équipement serait réparti en fonction de l’utilisation relative de l’équipement pour chaque processus. De plus, le calcul de l’intensité carbonique (« IC ») tiendrait également compte du ratio d’utilisation ou répartition de l’électricité destinée à l’équipement à double usage.

L’Énoncé propose que l’utilisation de gaz naturel renouvelable (« GNR ») soit admissible aux fins du calcul de l’IC d’un projet dans le cadre du Modèle d’analyse du cycle de vie (ACV) des combustibles d’Environnement et Changement climatique Canada. L’utilisation de GNR serait assujettie à diverses conditions, notamment l’obligation de démontrer que le GNR acheté sera utilisé aux fins du projet d’hydrogène propre.

L’Énoncé donne plus d’information sur le Modèle d’ACV et sur les aspects à considérer dans l’analyse de l’IC de projets servant à établir le crédit d’impôt applicable (CII pour l’hydrogène propre allant de 15 % à 40 % en fonction du palier d’IC). L’Énoncé traite d’autres aspects relatifs aux paliers d’IC :

  • Échéancier de vérification et de conformité pour les analyses de paliers d’IC;
  • Procédures de vérification par un tiers indépendant et production de rapports à Ressources naturelles Canada;
  • Recouvrement du CII pour l’hydrogène propre avec intérêts applicables pour les projets qui n’atteignent pas leur palier d’IC.

Crédits d’impôt pour l’investissement pour les technologies propres et l’électricité propre – matériel utilisant des déchets de biomasse

L’Énoncé annonce l’élargissement de l’admissibilité aux crédits à l’investissement pour les technologies propres et dans l’électricité propre pour le matériel et les systèmes qui utilisent les déchets de biomasse :

  • Admissibilité élargie au crédit d’impôt à l’investissement pour les technologies propres remboursable de 30 % – offert aux contribuables qui investissent dans des systèmes et matériels utilisés pour la production de l’électricité, le stockage fixe de l’électricité et le chauffage à faible émission de carbone pour produire de l’électricité, de la chaleur ou les deux à partir de « déchets déterminés ». Le crédit serait offert à l’égard de biens admissibles acquis et prêts à être mis en services à compter du 21 novembre 2023.
  • Admissibilité élargie au crédit d’impôt à l’investissement dans l’électricité propre remboursable de 15 % – offert à des entités imposables et non imposables (sociétés d’État, services publics, sociétés appartenant à des Premières nations, caisses de retraite) qui investissent dans des « biens admissibles », ou dans le cadre de systèmes intégrés admissibles. Le crédit sera offert à compter de la date du budget 2024.

Les « déchets déterminés » au titre des catégories 43.1 et 43.2 de la déduction pour amortissement accélérée comprennent les déchets de bois, résidus végétaux, déchets municipaux, boues provenant d’une installation de traitement des eaux usées admissible, liqueurs résiduaires, déchets alimentaires et animaux, fumier, sous-produits de pâtes et papier et matières organiques séparées.

L’Énoncé s’inscrit dans l’engagement du gouvernement à soutenir le secteur des biocarburants et la croissance au pays.

Pour être considérées comme des biens admissibles, les technologies qui utilisent les déchets de biomasse doivent respecter certaines normes de rendement thermique (maximum de 11 000 unités thermiques britanniques par kilowattheure) et se conformer aux lois, règlements administratifs et règlements en matière d’environnement.

Les crédits d’impôt à l’investissement pour les technologies propres et dans l’électricité propre sont assujettis aux exigences de salaires au taux syndical prépondérant et de l’apprentissage.

Crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne

L’Énoncé propose i) d’augmenter le plafond des dépenses de main-d’œuvre de 55 000 $ à 85 000 $; et ii) que le taux du crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne soit temporairement haussé de 25 % à 35 % pour une période de quatre ans. Ces changements s’appliqueraient aux dépenses de main-d’œuvre admissibles engagées le 1er janvier 2023 ou après. Le taux du crédit reviendrait à 25 % pour les dépenses engagées le 1er janvier 2027 ou après. On s’attend à ce que des règles transitoires s’appliquent.

Mesures visant la fiscalité internationale

Transport maritime international

Le revenu tiré d’activités de transport maritime international n’est généralement pas assujetti à l’impôt sur le revenu des sociétés. De plus, le Pilier Deux de la solution à deux piliers, convenue multilatéralement pour la réforme de l’impôt international (dont le Canada a proposé l’adoption) exclut de façon générale le revenu tiré du transport maritime de l’impôt complémentaire. Une exigence clé de cette exclusion est que la « gestion stratégique ou commerciale » des activités de transport maritime international d’un groupe multinational soit située dans la même juridiction que celle où il inscrit son revenu.

Étant donné que les sociétés de transport maritime gérées à partir du Canada dont les activités sont organisées de manière à correspondre à la conception de l’exemption actuelle du Canada pour le transport maritime international inscrivent généralement leur revenu tiré du transport maritime international dans la juridiction étrangère où elles sont constituées en société (c’est-à-dire, là où elles sont réputées être résidentes), elles peuvent ne pas être admissibles à l’exclusion du Pilier Deux (qui exige que les sociétés inscrivent leur revenu là où est situé leur centre de gestion).

Afin d’assurer la cohérence avec les normes de l’impôt international, l’Énoncé propose de mettre l’exemption pour le revenu tiré du transport maritime international de la Loi de l’impôt à la disposition des sociétés canadiennes résidentes. Cette mesure permettrait aux sociétés de transport maritime dont le centre de gestion est situé au Canada de poursuivre leurs activités conformément au Pilier Deux et à la Loi de l’impôt.

Elle s’appliquerait aux années d’imposition commençant le 31 décembre 2023 ou après.

Mesures visant les taxes de vente et d’accise

Bonification du remboursement de la TPS pour immeubles d’habitation locatifs

Dans un article précédent, nous indiquions que le gouvernement a récemment mis en application une mesure de remboursement intégral de la TPS pour immeubles locatifs sur la construction de certains immeubles d’appartements destinés à la location qui limite, à l’heure actuelle, l’admissibilité des « coopératives d’habitation constituées en société » à ce remboursement. On propose donc que la bonification du remboursement de la TPS pour immeubles d’habitation locatifs s’applique aux coopératives d’habitation constituées en société offrant un hébergement locatif à long terme, dans la mesure où le reste des conditions préexistantes et applicables sont respectées.

Proposition de règles sur le choix visant une coentreprise

L’Énoncé annonce la proposition de nouvelles règles relatives à la TPS/TVH au sujet du choix visant une coentreprise. Une ébauche de propositions législatives concernant ces mesures sera publiée pour consultation publique; le gouvernement sollicite les observations et commentaires des intervenants d’ici le 15 mars 2024.

Selon les règles actuelles, pour simplifier la comptabilité fiscale, un participant dans une coentreprise qui est un inscrit (l’« entrepreneur ») peut faire un choix avec un autre participant (le « coentrepreneur ») si les activités décrites dans la convention de coentreprise sont des activités admissibles prévues au paragraphe 273(1) de la Loi sur la taxe d’accise (Canada) (LTA) ou des activités visées par règlement dans le Règlement sur les coentreprises (TPS/TVH).

Voici les modifications proposées dans les nouvelles règles :

  • remplacer la condition selon laquelle les activités de coentreprise doivent être des activités admissibles prévues au paragraphe 273(1) de la Loi sur la taxe d’accise (Canada) (LTA) ou visées par règlement dans le Règlement sur les coentreprises (TPS/TVH) par une condition selon laquelle la totalité ou la presque totalité des activités sont commerciales (au sens des dispositions législatives en matière de TPS/TVH);
  • exiger que tous les participants exerçant un choix soient inscrits aux fins de la TPS/TVH;
  • remplacer les mesures de présomptions existantes par des présomptions révisées qui sont plus précisément axées sur la comptabilité fiscale.

Services rendus par des psychothérapeutes et des conseillers thérapeutes

À l’heure actuelle, les « services psychologiques » sont exonérés de la TPS/TVH si les services sont rendus par un psychologue qui est membre en règle de l’association compétente dans la province où il exerce. Pour élargir et préciser l’étendue des services en santé mentale qui sont exonérés de la TPS/TVH, l’Énoncé propose que les « psychothérapeutes » et les « conseillers thérapeutes » soient ajoutés à la liste des professionnels visés dans la LTA.Il faudra donc que ces professionnels détiennent leur permis d’exercice avant que leurs services soient exonérés.

Taxe sur les logements sous-utilisés (TLSU)

L’Énoncé propose plusieurs changements à la TLSU afin de faciliter l’observation de la loi, tout en veillant à ce que la taxe continue de s’appliquer comme prévu. Le gouvernement fédéral invite les Canadiens et les intervenants à faire part de leurs commentaires sur ces propositions d’ici le 3 janvier 2024.

Soulignons que l’Énoncé propose d’éliminer l’obligation de produire une déclaration pour les propriétaires d’immeubles résidentiels qui sont une « personne morale canadienne déterminée » (généralement une personne morale canadienne ayant moins de 10 % de ses votes ou de la valeur de ses actions détenues par des personnes étrangères ou des personnes morales), qui détiennent l’immeuble résidentiel au nom d’une « société de personnes canadienne déterminée » (généralement une société de personnes dont les associés sont exclusivement canadiens) ou qui sont fiduciaires d’une « fiducie canadienne déterminée » (généralement une fiducie dont les bénéficiaires sont exclusivement canadiens). À l’heure actuelle, ces propriétaires doivent produire une déclaration de la TLSU bien qu’ils en soient exonérés. On propose d’ajouter aux « propriétaires exclus » les « personnes morales canadiennes déterminées », les associés des « sociétés de personnes canadiennes déterminées » et les fiduciaires des « fiducies canadiennes déterminées ». En tant que propriétaires exclus, ces propriétaires ne seraient plus tenus de produire des déclarations de la TLSU.

L’Énoncé propose également d’élargir les définitions de « propriétaire exclu », de « société de personnes canadienne déterminée » et de « fiducie canadienne déterminée » afin d’offrir un allègement fiscal et un allègement concernant la production de déclarations de la TLSU à l’égard d’un plus grand nombre de structures de propriété canadienne. Par contre, l’Énoncé ne donne pas plus d’information sur ces changements.

Ces changements s’appliqueraient à l’année civile 2023 et aux années civiles suivantes.

On a aussi proposé les changements suivants :

  • Réduire la pénalité minimale pour le défaut de déclaration de la TLSU pour la faire passer de 5 000 $ à 1 000 $ par défaut de déclaration pour les particuliers et de 10 000 $ à 2 000 $ par défaut de déclaration pour les personnes morales. Cette réduction s’appliquerait à l’année civile 2022 et aux suivantes;
  • Exempter les immeubles résidentiels détenus comme lieu de résidence ou d’hébergement pour les employés situés au Canada, sauf dans un centre de population situé dans une région métropolitaine de recensement ou une agglomération de recensement comptant 30 000 résidents ou plus. Ces exemptions s’appliqueraient à l’année civile 2023 et aux suivantes;
  • Exempter les immeubles d’habitation unitisés (« en copropriété ») en ne les considérant plus comme des « immeubles résidentiels » aux fins de la TLSU;
  • Faire en sorte qu’un particulier ou un conjoint puisse demander l’exemption relative à la TLSU sur les « propriétés de vacances » pour un seul immeuble résidentiel pour une année civile, à compter de 2024 et les années civiles suivantes;
  • Reporter à avril 2024 la date limite pour produire les déclarations de la TLSU de 2022.

Autres annonces

L’Énoncé contient plusieurs autres annonces importantes en matière de fiscalité. Nous attendons plus d’information sur ces mesures dans les jours à venir :

  • Location à court terme :  Dans le cadre de son Plan d’action en habitation, qui prend effet le 1er janvier 2024, le gouvernement compte refuser les déductions fiscales pour les dépenses engagées afin de tirer un revenu de la location à court terme, y compris les frais d’intérêt, dans les provinces et les municipalités qui ont interdit ce type de location et lorsque les exploitants de logements servant à la location à court terme ne respectent pas les exigences provinciales ou municipales en matière de permis ou d’enregistrement. Le gouvernement entend également verser aux municipalités 50 millions de dollars sur trois ans pour soutenir les actions en matière d’application.
  • Bonification de l’exemption d’impôt sur les gains en capital réalisés sur la vente à une fiducie collective des employés  Le budget fédéral 2023 annonçait des règles sur l’acquisition d’entreprises canadiennes par des fiducies collectives des employés prenant effet en 2024.   Pour inciter les propriétaires d’entreprises à vendre à une fiducie collective des employés, l’Énoncé propose d’exempter d’impôt la première tranche de 10 millions de dollars de gains en capital réalisés sur la vente d’une entreprise à une fiducie collective des employés, sous réserve de certaines conditions. Cet incitatif serait en vigueur pour les années d’imposition 2024, 2025 et 2026.

Mesures annoncées antérieurement

Le gouvernement a réitéré son engagement d’aller de l’avant avec les mesures fiscales et connexes annoncées antérieurement, dont certaines remontent à 2019, et à procéder à d’autres modifications techniques afin d’améliorer la certitude et l’intégrité du régime fiscal.

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