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Perspectives

Les pertes d’interruption des affaires et la COVID-19 : où en sommes-nous au Québec, en 2024?

Suivant l’arrivée de la COVID-19 et la déclaration de mesures d’urgences, de nombreuses actions collectives ont été soumises aux tribunaux concernant les pertes d’interruption des affaires résultant des interdictions gouvernementales associées à la pandémie. Dans la foulée de l’affaire Gendron, première décision au Canada à se pencher sur cette question, les tribunaux québécois ont depuis confirmé que les polices commerciales usuellement émises par les assureurs de dommages (les polices « standard ») n’offrent aucune protection contre les pertes subies par les entreprises en raison d’une fermeture due à la COVID-19.

Mise en contexte

En 2020, plusieurs actions collectives putatives ont été initiées au Québec dans les semaines suivant l’émission d’ordonnances gouvernementales exigeant la fermeture des commerces pour des raisons de santé publique. Ces actions visaient des pertes d’affaires subies puis réclamées auprès de divers groupes d’assureurs.

Le 18 août 2021, la Cour supérieure a rendu un jugement de principe dans l’affaire Gendron Deslisle qui visait les cabinets de dentistes. La Cour a ainsi confirmé que :

  1. les polices d’assurance « standard » nécessitaient un dommage matériel aux biens pour enclencher la protection en interruption d’affaires;
  2. les ordonnances gouvernementales liées à la COVID-19 ne pouvaient engendrer de tels dommages1.

Le 26 novembre 2021, la Cour d’appel du Québec confirmait les jugements de la Cour supérieure2.

Or, malgré les jugements préalables et cet arrêt de la Cour d’appel, certaines actions collectives putatives ont été poursuivies (ou se poursuivent encore) par leurs représentants désignés.

La Cour supérieure a subséquemment eu à se pencher sur l’effet de l’affaire Gendron Delisle. Dans l’affaire Elixor3, la Cour Supérieure a approuvé en ces termes la demande de désistement :

CONSIDÉRANT que la Cour supérieure et la Cour d’appel du Québec ont décidé, d’une part, que l’avenant de la police couvrant l’assurance pour pertes de bénéfices n’offrait pas une assurance distincte mais dépendait des stipulations de la police ne couvrant que l’assurance de biens; et, d’autre part, que l’application de cette assurance de biens nécessite que le sinistre atteigne et endommage directement les biens assurés, sur les lieux de l’assuré, des suites d’un risque couvert;

CONDISÉRANT ainsi que les seuls risques couverts sont les pertes ou dommages matériels directement causés à un bien assuré, l’interruption découlant des décrets gouvernementaux liés à la COVID-19 ne donne pas lieu à une indemnisation en assurance.

Malgré ce qui précède, certains assureurs de dommages sont toujours impliqués dans des litiges portant sur les mêmes enjeux.

Commentaire

Le jugement dans l’affaire Elixor, autorisant le désistement d’une action collective putative portant sur le même type de police et sur la base des mêmes allégations, confirme l’autorité de l’arrêt Gendron quant à la nécessité d’une atteinte matérielle aux biens pour faire valoir un droit sous une police d’assurance « standard ».

En conséquence des divers jugements rendus ces dernières années afin de répondre aux enjeux découlant indirectement de la COVID-19, les tribunaux ont accepté que les réclamations pour pertes d’affaires formulées en lien avec des polices d’assurance « standard » ne sont pas recevables en l’absence de dommages matériels et tangibles aux biens.


1 Centre de santé dentaire Gendron Delisle inc. c. La Personnelle, assurances générales inc., 2021 QCCS 3463.

2 Centre de santé dentaire Gendron Delisle inc. c. La Personnelle, assurances générales inc., 2021 QCCA 1758.

3 9092-1651 Québec inc. vs. Promutuel Reinsurance (Promutuel Assurance), 2023 QCCS 1537.

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