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Perspectives

Changements importants au Programme des étudiants étrangers du Canada : survol des récentes annonces fédérales et provinciales

Dans la foulée des changements récents concernant les lettres d’acceptation et les exigences financières relatives au coût de la vie, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (« IRCC ») a annoncé de nouvelles modifications importantes au Programme des étudiants étrangers du Canada, dont la mise en œuvre est déjà en cours. Ces modifications s’ajoutent au nouveau programme d’établissements d’enseignement désignés (« EED ») dont nous avons parlé en octobre 2023, que le gouvernement fédéral lancera au cours de l’année 2024. 
Par conséquent, certaines provinces et leurs organismes responsables de l’enseignement supérieur ont commencé à s’harmoniser aux mesures qu’IRCC a mises en place pour résoudre certains enjeux. Voici un aperçu des modifications apportées par le gouvernement fédéral et de ce qui a par la suite été mis en place en Ontario, en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse.

L’annonce fédérale

Le 22 janvier 2024, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a annoncé la mise en place de mesures visant à réduire le nombre toujours grandissant d’étudiants étrangers au pays afin d’alléger les pressions exercées sur le logement et d’amenuiser les enjeux liés au coût de la vie. Marquant un important changement de cap, ces mesures comprennent notamment le plafonnement des permis d’études accordés, la nécessité de produire une lettre d’attestation et la modification des critères d’admissibilité au Programme de permis de travail postdiplôme (« PTPD »).

1. Plafonnement des permis de travail accordés aux étudiants étrangers

Le gouvernement fédéral limitera pendant deux ans le nombre de permis d’études accordés aux étudiants étrangers. Il s’attend à en approuver 360 000 en 2024, ce qui représente une baisse de 35 % par rapport à 2023. Le nombre de permis à accorder en 2025 sera réévalué à la fin de cette année.

En pratique, une partie du nombre de demandes plafonné sera attribuée à chacune des provinces et chacun des territoires (pondérée en fonction de la population), lesquels répartiront ensuite le nombre qui leur a été alloué entre leurs EED. Le plafond établi n’aura toutefois pas d’incidence sur :

  1. les personnes qui demandent le renouvellement de leur permis d’études;
  2. les détenteurs actuels d’un permis d’études;
  3. les étudiants à la maîtrise ou au doctorat;
  4. les étudiants des niveaux du primaire et du secondaire.

À la suite de son annonce, IRCC a précisé que le traitement des demandes de permis d’études serait aussi plafonné, soit à un maximum de 606 250 dossiers.

Selon la répartition par habitant entre les provinces, on s’attend à ce que l’Ontario, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique soient les provinces touchées par la réduction du nombre de permis d’études délivrés en 2024 par rapport à 2023, tandis qu’on prévoit une capacité excédentaire en Alberta, au Québec, en Saskatchewan, à Terre-Neuve-et-Labrador et au Manitoba.

2. Lettre d’attestation exigée

Depuis le 22 janvier 2024, le gouvernement fédéral exige des étudiants étrangers qu’ils accompagnent leur demande de permis d’études d’une lettre d’attestation de la province ou du territoire concerné, ajoutant ainsi un troisième niveau d’approbation aux processus du gouvernement fédéral et de l’établissement d’enseignement visé. Selon IRCC, cette lettre servira à prouver que l’étudiant qui la fournit a bien été pris en compte dans le quota provincial ou territorial.

Les provinces et territoires ont jusqu’au 31 mars 2024 pour instaurer cette mesure. Au Québec, ce processus d’attestation existe déjà, mais comme ce n’est pas le cas dans les autres provinces, les demandes de permis d’études y sont suspendues jusqu’à la fin de mars. Toutefois, le gouvernement fédéral a indiqué que cette lettre n’est pas requise dans le cas :

  1. des personnes qui demandent le renouvellement de leur permis d’études et sont déjà au Canada;
  2. des détenteurs actuels d’un permis d’études qui sont déjà au Canada;
  3. des étudiants à la maîtrise ou au doctorat;
  4. des étudiants des niveaux du primaire et du secondaire.

3. Modifications des critères d’admissibilité au PTPD

À compter du 1er septembre 2024, les étudiants étrangers qui commencent un programme d’études faisant partie d’un accord d’utilisation des programmes d’études (soit un programme dans le cadre duquel un collège privé a été autorisé à offrir le programme d’études d’un collège public affilié, souvent appelé « PPP ») ne seront plus admissibles à un PTPD. Ceux qui étaient déjà inscrits à un tel programme en PPP avant le 22 janvier 2024 demeurent admissibles au PTPD.

Les critères d’obtention d’un permis de travail ouvert par l’époux ou l’épouse d’un étudiant étranger détenant un permis d’études au Canada ont aussi été révisés; à l’avenir, seul l’époux ou l’épouse d’un étudiant étranger dans un programme de maîtrise, de doctorat ou de grade professionnel aura accès à un permis de travail.

IRCC a aussi apporté au PTPD un changement qui touche les diplômés de programmes de maîtrise. La durée de ce permis correspondait jusque-là à celle du programme d’études, jusqu’à concurrence de trois ans. Dès le 15 février 2024, toutefois, les diplômés de programmes de maîtrise s’échelonnant sur moins de deux ans qui satisfont à tous les autres critères du PTPD seront admissibles à un permis de travail valide pendant trois ans.

Réponses de certaines provinces

En réaction à l’annonce faite par le gouvernement du Canada le 22 janvier, les provinces de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse, notamment, ont communiqué les mesures qu’elles ont élaborées pour répondre aux préoccupations que soulèvent les mesures fédérales dans leur province. Comme leurs annonces initiales sont relativement peu détaillées, nous nous attendons à ce que les provinces, de concert avec leurs organismes responsables de l’enseignement supérieur, précisent leurs intentions au cours des semaines et des mois à venir.

1. Ontario

Les établissements d’enseignement de l’Ontario accueillent à eux seuls plus de 50 % des étudiants étrangers détenteurs d’un permis d’études au Canada et sont ceux qui connaîtront la plus forte baisse d’étudiants étrangers du fait du plafond imposé par le gouvernement fédéral. Le gouvernement ontarien a été le premier à réagir à l’annonce d’IRCC du 22 janvier dernier, publiant le 26 janvier son intention de mettre en place de nouvelles mesures visant les étudiants étrangers afin de « protéger l’intégrité de l’éducation postsecondaire » et de sévir contre les recruteurs douteux, ce qui devrait avoir des effets importants dans la région recevant le plus d’étudiants étrangers au pays.

Les nouvelles mesures de l’Ontario comprennent :

  1. l’évaluation approfondie de la qualité des programmes existants offerts aux étudiants étrangers;
  2. le resserrement des mécanismes de contrôle et de conformité des programmes accueillant des étudiants étrangers, visant tout particulièrement à a) satisfaire aux besoins du marché du travail de la région et b) améliorer les processus de documentation et l’efficacité des enquêtes de conformité, le tout en vue de l’obtention de résultats scolaires optimaux;
  3. l’imposition d’un moratoire sur les nouveaux partenariats entre les collèges publics et privés;
  4. l’exigence que tous les EED garantissent qu’il existe des options de logement pour les nouveaux étudiants étrangers.  

De plus, le 12 février 2024, le ministre des Finances de l’Ontario a fait part de l’intention du gouvernement de ne pas augmenter les frais de scolarité, malgré les difficultés financières des collèges et des universités. Il a insisté sur le fait que le gouvernement provincial, en plus de se pencher sur les enjeux de financement avec les établissements d’enseignement postsecondaire, travaillera aussi avec le gouvernement fédéral à résoudre les problèmes cernés dans ce secteur.

Le 26 février 2024, le gouvernement ontarien a annoncé un investissement de près de 1,3 milliard de dollars sous forme de nouveau financement pour les collèges et universités de la province, d’une part, ainsi que le maintien du gel des frais de scolarité des étudiants canadiens pour trois années encore, d’autre part. Il a aussi déposé un projet de loi qui contribuerait à assurer la santé mentale des étudiants et à faire des campus des lieux sûrs et inclusifs.

2. Colombie-Britannique

Le 29 janvier 2024, la Colombie-Britannique a fait connaître son intention de mettre en place une série de mesures d’amélioration des normes de qualité en matière d’éducation internationale, à savoir notamment :

  1. la mise en pause pendant deux ans de la délivrance d’un agrément à tout nouvel établissement d’enseignement postsecondaire souhaitant accueillir des étudiants étrangers (donc qui souhaite devenir un EED);
  2. l’évaluation approfondie de la qualité des programmes offerts par les établissements postsecondaires actuellement agréés;
  3. la mise en œuvre de normes de conformité plus élevées pour les établissements privés offrant des programmes menant à un diplôme;
  4. la mise en place de nouvelles exigences linguistiques pour les étudiants souhaitant s’inscrire à un établissement privé;
  5. une plus grande transparence quant aux frais de scolarité.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique a fait savoir que son processus relatif aux lettres d’attestation entrera en vigueur le 4 mars 2024. Il a également indiqué que la portion de demandes de permis d’études de premier cycle universitaire de la province s’élèvera à 83 000, et que la répartition des lettres d’attestation sera de 53 % pour les établissements postsecondaires publics, contre 47 % pour les établissements privés.

3. Nouvelle-Écosse

Le 2 février 2024, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a annoncé qu’il avait conclu des ententes de financement d’un an avec les dix universités de la province, qui prévoient notamment :

  1. une augmentation maximale de 2 % des frais de scolarité pour les étudiants de premier cycle;
  2. une augmentation de 2 % des subventions de fonctionnement annuelles;
  3. une augmentation minimale de 9 % des frais de scolarité pour les étudiants étrangers de premier cycle qui en sont à leur première année au pays (à l’exception de l’Université de King’s College et de l’Université Dalhousie).

De plus, les établissements devront remplir à au moins 97 % leurs programmes de formation en santé, élaborer des plans de développement durable pour ce qui touche les étudiants internationaux et accroître le nombre de logements pour étudiants disponibles (en particulier dans les municipalités régionales d’Halifax et du Cap-Breton). Les universités ont également été chargées de collaborer à l’élaboration d’un plan interuniversitaire visant à réduire les dépenses administratives d’au moins 5 %.

4. Autres provinces

Bien que certaines provinces aient publiquement commenté les changements annoncés par IRCC le 22 janvier, seules les trois mentionnées ci-dessus ont conséquemment introduit de nouvelles politiques.

Points à retenir

Compte tenu de ces développements, les établissements d’enseignement postsecondaire canadiens devraient garder en tête les points suivants.

  1. Les nouvelles normes du gouvernement fédéral relativement à l’éducation internationale, tout comme les exigences liées aux lettres d’acceptation, aux EED et au coût de la vie qu’il a fait connaître ou mis en œuvre en 2023 et au début de 2024, auront de profondes répercussions dans l’ensemble du secteur et créeront des incertitudes financières et opérationnelles pour les établissements d’enseignement postsecondaire. Pour certains EED, la mise en œuvre de ces changements pourrait nécessiter une restructuration.
  2. Les gouvernements de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse se sont montrés largement en accord avec les annonces fédérales en instaurant leurs propres politiques pour traiter les enjeux liés à l’éducation internationale.
  3. Les EED de l’Ontario seront touchés de manière disproportionnée par les nouvelles mesures, puisque c’est dans cette province que l’on trouve le plus grand bassin d’étudiants étrangers au pays.
  4. Il faut s’attendre à ce que les établissements publics et privés déploient des efforts de lobbying à l’avant-scène comme en coulisse auprès des divers organismes provinciaux et fédéraux concernés, dans le but de réduire les répercussions que les modifications au chapitre des contingents, des possibles exemptions et du modèle d’affaires pourraient avoir sur eux.
  5. Comme de nouvelles occasions surviennent lorsque de nouveaux défis se présentent, le secteur des logements pour étudiants pourrait se trouver revigoré par les nouvelles politiques.

Nous joindre

Pour toute question sur l’incidence que les annonces fédérales et provinciales pourraient avoir sur votre organisation, n’hésitez pas à communiquer avec l’une des personnes dont le nom figure ci-après, ou avec l’un·e des juristes de nos groupes Éducation ou Impulsion Immigration des gens d’affaires.

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