une main qui tient une guitare

Perspectives

Quoi de neuf sur les clauses restrictives?

Les employeurs devraient garder à l'esprit un certain nombre de considérations lorsqu'ils tentent de faire valoir des obligations de non-concurrence et de non-sollicitation à l'encontre de leurs ex-employés.

Deux frères, Jason et Jeffrey, travaillaient pour la Computer Enhancement Corporation (« CEC »). En secret, Jeffrey a fait concurrence à CEC en utilisant de l'information confidentielle et a été congédié. Un mois plus tard, Jason a démissionné sans préavis, mais pas avant d'avoir constitué, avec Jeffrey, une entreprise qui ferait concurrence à CEC.

Dans ce type de situation, la prémisse de base est que, s'il n'existe aucune restriction contractuelle ni devoir fiduciaire ou autre en common law, un ex-employé est libre de poursuivre ses activités professionnelles, même si cela signifie qu'il fait concurrence à son ex-employeur et qu'il fait affaire avec les clients de celui-ci. En l'espèce, la Cour devait déterminer le moment où serait survenue une restriction de ce genre et comment elle serait survenue.

Pendant qu'ils travaillaient pour CEC, les deux frères avaient signé une entente de non-concurrence et de non-sollicitation. Jason, qui était l'un des meilleurs vendeurs de CEC, avait signé l'entente six mois après avoir commencé à travailler pour l'entreprise.

Au moment de son embauche, Jeffrey avait signé une entente identique. Or, cinq ans après le début de son emploi, il a enregistré une entreprise non constituée en personne morale, J.C. Options. Au moyen d'information confidentielle sur les soumissions que présentait CEC, Jeffrey a présenté une soumission plus alléchante et, avant que le stratagème soit découvert et qu'il soit lui-même renvoyé, a empoché une demi-douzaine de contrats. Tandis que Jason travaillait toujours pour CEC, il a constitué en personne morale J.C. Options, de concert avec son frère. Un mois après le départ de Jeffrey, Jason a démissionné sans préavis et a envoyé un courriel à ses ex-clients dans lequel il les informait de sa démission.

CEC a soutenu que Jason et Jeffrey avaient tous deux enfreint les ententes qu'ils avaient signées, autant avant de quitter l'entreprise qu'après l'avoir quittée.

Contreparties pour les ententes modifiant une relation d'emploi existante

Jason a fait valoir que l'entente était nulle parce qu'il n'avait reçu aucune contrepartie au moment de la signature. En effet, les modifications apportées aux contrats de travail exigent le versement d'une contrepartie qui va au-delà de la simple poursuite de l'emploi.

Le juge Charney a conclu que rien n'indiquait que Jason jouissait d'une sécurité d'emploi accrue ou avait reçu une contrepartie quelconque en échange de la signature de la clause de non-concurrence et de non-sollicitation six mois après avoir commencé à travailler pour CEC. L'entente elle-même stipulait que chaque partie devait à l'autre une contrepartie de 10 $. Selon le juge Charney, Jason n'avait eu droit à aucune contrepartie véritable, car il avait dû rembourser immédiatement les 10 $ qu'il avait empochés. De plus, le juge a déclaré que [traduction] « [u]n échange aussi simple, peu importe la somme en cause, n'équivaut nullement à une contrepartie » 1. Par conséquent, même si les parties avaient échangé la somme symbolique de 10 $, Jason n'avait reçu aucune contrepartie réelle.

Portée du devoir fiduciaire d'un employé à l'égard de la concurrence et de la sollicitation après la fin d'emploi

Même si Jason n'avait aucune obligation contractuelle de ne pas faire concurrence à CEC, on a soutenu qu'il était néanmoins tenu aux termes d'un devoir fiduciaire en common law de ne pas solliciter les clients de son ex-employeur durant son emploi et pendant une période raisonnable qui faisait suite à sa démission.

Afin de cerner les obligations qui incombaient à Jason après la fin de son emploi à CEC, le juge Charney a étudié la question de savoir si Jason était ou non un « employé clé », même s'il n'occupait pas un poste de dirigeant ou de gestionnaire. Le juge Charney a conclu que Jason était un employé clé parce qu'il était le meilleur vendeur de CEC, qu'il constituait le seul contact de l'entreprise pour la plupart des clients et qu'il jouissait d'une autonomie considérable.

Force exécutoire des ententes de non-concurrence et de non-sollicitation

Les défendeurs ont soutenu que la clause de non-concurrence et de non-sollicitation qui figurait dans le contrat de travail conclu avec Jeffrey ne pouvait être mise à exécution parce qu'elle n'était pas raisonnable. La Cour suprême du Canada a déjà déclaré qu'une clause restrictive est à première vue dépourvue de force exécutoire à moins que l'on démontre qu'elle est raisonnable; selon la CSC, dans le cas où la clause est ambiguë, elle n'est pas raisonnable.

Le juge Charney a conclu que deux des clauses étaient nulles et dépourvues de caractère exécutoire. La première, stipulant que Jeffrey [traduction] « ne devait pas directement ou indirectement faire affaire avec une société ou une entreprise qui est une concurrente », avait une portée trop large. La seconde, qui précisait que Jeffrey ne pouvait [traduction] « agir intentionnellement d'une manière qui porte atteinte » aux relations de CEC avec ses clients, était à la fois vague et ambiguë. Toutefois, la partie qui interdisait la sollicitation comme telle avait force exécutoire parce qu'on pouvait la dissocier du reste de la clause.

Sollicitation directe versus sollicitation indirecte

La question relative à la sollicitation directe versus la sollicitation indirecte d'activités commerciales a également été soulevée, car les deux frères faisaient valoir que les clients demanderaient des soumissions. La Cour d'appel de l'Ontario avait auparavant conclu que la soumission présentée en réponse à un appel d'offres public n'est pas de la sollicitation. Le juge Charney a également reconnu que le fait d'accepter du travail d'un ex-client n'équivaut pas en soi à une sollicitation directe ou indirecte. Une distinction a été faite entre « solliciter » une activité commerciale et « accepter » de s'en charger. En l'espèce, le fait d'accepter de nouer un lien d'affaires incluait la présentation d'une soumission en réponse à la demande du client.

Conclusions

La cause en espèce illustre certaines difficultés auxquelles les employeurs font face lorsqu'ils tentent de faire valoir des obligations de non-concurrence et de non-sollicitation à l'encontre de leurs ex-employés. Les employeurs devraient garder à l'esprit un certain nombre de considérations :

  • La contrepartie est particulièrement importante dans le contexte des ententes de non-concurrence et de non-sollicitation lorsqu'un employeur tente d'imposer ces modalités après que l'employé est entré à son service. Dans ce cas, l'employeur doit considérer [traduction] « ce qui constitue une contrepartie valide ».
  • Même s'il n'existe aucune entente de non-concurrence et de non-sollicitation, un employé clé peut être tenu aux termes d'un devoir fiduciaire de ne pas faire concurrence à son employeur pendant une période raisonnable qui fait suite à sa démission ou à sa cessation d'emploi.
  • S'il existe une obligation de non-concurrence et de non-sollicitation, la sollicitation indirecte et le fait d'accepter de faire affaire n'enfreignent peut-être pas cette obligation.
  • La formulation retenue dans les ententes de non-concurrence et de non-sollicitation devrait être adaptée si possible aux besoins précis dans chaque cas et les employeurs ne devraient pas compter sur la force exécutoire de clauses dont le sens est vague parce que trop large.

1  Ibid, au para. 43.

  • Par : Adam Guy