une main qui tient une guitare

Perspectives

Examen par les tribunaux de la portée du privilège de l’agent de brevets énoncé dans le nouvel article 16.1

Contexte

En 2016, des modifications ont été apportées à la Loi sur les brevets afin de protéger certaines communications avec des agents de brevets1. L’article 16.1 énonce les conditions nécessaires pour qu’une communication soit protégée de la même façon que le sont les communications visées par le secret professionnel de l’avocat, de telle sorte que nul ne puisse être contraint de la divulguer ou de fournir un témoignage à son égard. Néanmoins, la Cour fédérale n’a été appelée à statuer sur la portée de ce privilège que récemment. Cette dernière, en la personne du juge responsable de la gestion de l’instance, a été saisie de la question par voie de requête dans une procédure engagée en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)2.

Décision

La Cour a confirmé que le privilège de l’agent de brevets s’appliquait si et seulement si chacune des trois conditions énoncées à l’article 16.1 de la Loi sur les brevets était respectée. Ainsi, la communication doit :

  1. être faite entre un agent de brevets et son client;
  2. être destinée à être confidentielle;
  3. viser à donner ou à recevoir des conseils en ce qui a trait à toute affaire relative à la protection d’une invention.

La Cour a estimé que la loi ne lui permettait pas de prendre en considération ou d’appliquer d’autres facteurs analogues. De plus, les agents de brevets et les avocats ne sont pas sur un pied d’égalité en ce qui a trait au privilège visant les communications avec leurs clients.

La Cour s’est attelée à l’analyse de la troisième condition. Citant la définition du terme « protection », elle a soutenu que si le législateur avait eu l’intention de rattacher un privilège à toutes les communications entre les agents de brevets et leurs clients, il aurait employé un terme ayant une portée plus large.

Elle a conclu que les « communications "relative[s] à la protection d’une invention", aux termes de l’article 16.1, ne comprennent pas celles qui portent sur une analyse visant à savoir si un produit porte atteinte aux droits de brevet d’un tiers » (paragr. 18). Un avis de non-contrefaçon ne contribue pas au marché de nature synallagmatique ni ne favorise la protection d’une invention. Elle s’est toutefois abstenue d’indiquer si le privilège de l’agent de brevets s’appliquait à un avis de contrefaçon de son propre brevet.

La Cour a expressément déterminé que si un agent de brevets préparait un avis indiquant qu’une innovation pourrait être brevetable dans un pays mais pas dans un autre, le privilège de l’agent s’appliquerait. Par ailleurs, si une telle communication était transmise au sein de la société (p. ex., transmise au groupe de recherche par le contact initial), elle resterait protégée. Le privilège de l’agent de brevets continuerait de s’appliquer si la communication était incluse à un autre document interne. « La bulle de protection qu’offre le privilège couvrirait la communication, même si elle était passée d’un document à un autre ou d’un employé à un autre au sein de la société » (paragr. 21).

À l’instar du secret professionnel de l’avocat, le privilège de l’agent de brevets est établi au bénéfice du client. Dans le cas du secret professionnel de l’avocat, le client est la société et non le particulier avec lequel l’agent de brevets a communiqué. Ainsi, ce privilège n’est pas abrogé parce qu’une communication a été transmise à des cadres de l’organisation. Selon la Cour, il était difficile d’admettre que le législateur avait l’intention qu’il en soit autrement pour le privilège de l’agent de brevets.

Lorsqu’un document contient à la fois des renseignements protégés et des renseignements non protégés, seuls les renseignements qui remplissent les conditions nécessaires à l’application du privilège de l’agent de brevets peuvent être caviardés (paragr. 23). En outre, les communications avec un agent de brevets ne sont pas toutes protégées. Par exemple, celles qui portent sur une « stratégie de brevets » ne remplissent pas tous les critères requis. Cette stratégie doit être liée à la protection d’une invention (paragr. 23).

Point principal à retenir

Cette interprétation de l’art. 16.1 est en adéquation avec le contexte et le contenu de la disposition elle-même. Le privilège de l’agent de brevet concernant les communications liées à la « protection de l’invention » a effectivement une large portée. Toutefois, comme pendant la période précédant la promulgation de l’article 16.1, les agents de brevets doivent veiller à rédiger leurs avis de non-contrefaçon et ceux sur la validité avec un avocat de façon à ce que le secret professionnel de l’avocat s’applique.


1 Loi sur les brevets, LRC 1985, c P-4, telle que modifiée, art. 16.1.

2 Janssen Inc. c. Sandoz Canada Inc., 2021 CF 1265.

Principaux contacts