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Perspectives

Cour d’appel : les manquements aux obligations contractuelles ne justifient pas la levée du voile corporatif

La Cour d’appel a récemment confirmé la conclusion d’un juge de première instance selon laquelle les violations contractuelles commises par une société unipersonnelle n’atteignaient pas le seuil de « conduite inappropriée » qui justifierait de « lever le voile corporatif » et d’engager la responsabilité personnelle de la personne physique qui dirigeait cette société. Cet article décrit le contenu de ces décisions sur le principe de la séparation des sociétés et le type de conduite qui pourrait convaincre un tribunal de lever le voile corporatif.


Le litige dans l’affaire 7120761 Canada Inc. c. AGA Global Investments Inc., 2021 ONSC 2617 portait sur une coentreprise de location-vente. MM. St-Jean et Vaidya ont signé des ententes de quatre ans au nom de leurs entreprises pour l’achat de deux propriétés. En vertu de ces ententes, la société de M. Vaidya, AGA, était l’investisseur passif qui donnait une garantie de sa société sur l’hypothèque et qui figurait comme propriétaire sur le titre de propriété, en échange d’un rendement garanti sur une période de quatre ans. Les deux sociétés à numéro de M. St-Jean étaient chargées de gérer les coûts, les dépenses et les relations avec les locataires. Elles avaient droit aux risques et aux bénéfices sur la vente anticipée des propriétés à la fin de la période de quatre ans.

À l’expiration des ententes, M. Vaidya a refusé de coopérer à la vente des deux propriétés. M. St-Jean et ses sociétés ont alors intenté une action contre AGA pour violation des ententes. Ils ont également tenté d’attribuer une responsabilité personnelle à M. Vaidya, administrateur unique d’AGA, en le désignant comme défendeur personnel et en essayant de lever le voile corporatif de sa société à peu d’actionnaires. M. Vaidya et AGA ont présenté une demande reconventionnelle.

Cour supérieure

Le juge de première instance a déterminé que la société de M. Vaidya, AGA, avait violé les ententes, s’étant retirée d’un accord de vente de l’une des propriétés et ayant refusé la vente ultérieure de l’autre propriété. Le tribunal a ordonné à M. Vaidya de vendre les deux propriétés et à AGA de verser aux plaignants plus de 21 000 dollars en dommages et intérêts.

Le juge Donohue a rejeté la tentative des plaignants de réclamer une réparation auprès de M. Vaidya personnellement pour les manquements de sa société, AGA. Tout d’abord, le tribunal a estimé que les plaignants étaient conscients qu’ils faisaient affaire avec AGA, et non avec M. Vaidya. Il s’est ensuite inspiré de la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Yaiguaje c. Chevron Corporation (2018 ONCA 472) pour affirmer que [traduction] « le principe de la séparation des sociétés est de rigueur », à moins que cette règle ne soit utilisée de manière abusive. Le juge Donohue a ensuite conclu que rien dans cette affaire ne justifiait la levée du voile corporatif :

  • Le « comportement non coopératif » de M. Vaidya au nom d’AGA est admis, mais il n’a pas atteint le niveau de la fraude et n’a pas produit un résultat « trop manifestement opposé à la justice »;
  • Il n’y a aucune preuve que la société AGA a été utilisée comme une coquille pour des activités irrégulières; et
  • Les inquiétudes non étayées au sujet du recouvrement contre AGA n’étaient pas suffisantes en elles-mêmes pour justifier la levée du voile corporatif.

Cour d’appel

La brève décision de la Cour d’appel portait uniquement sur la question d’une éventuelle erreur du juge de première instance dans son refus de lever le voile corporatif. La Cour a confirmé la décision de Son Honneur.

La Cour a commencé par rappeler que la levée du voile corporatif constitue l’exception et non la règle.

Après avoir noté que les ententes ont été conclues dans un contexte commercial par des parties en relation de longue date, la Cour a convenu avec le juge de première instance que les demandeurs étaient conscients qu’ils faisaient affaire avec la société, AGA, et non avec M. Vaidya personnellement.

La Cour d’appel a estimé que le juge de première instance avait bien cerné les critères permettant de déterminer s’il y avait lieu de lever le voile, à savoir si la société était entièrement dominée et contrôlée et si elle ne servait pas de paravent à une conduite frauduleuse ou irrégulière. Le juge de première instance et la Cour d’appel n’ont examiné que le deuxième aspect de ce critère, probablement parce qu’AGA est détenue à 100 % par M. Vaidya.

La Cour a conclu que les manquements contractuels d’AGA ne constituaient pas une « conduite inappropriée » justifiant la levée du voile corporatif. Et ce, malgré le refus de M. Vaidya de coopérer à la vente des biens, que le juge de première instance a qualifié de « déraisonnable » et de « capricieux ».

Points à retenir

  • Le contexte est important. Si le juge de première instance détermine le critère approprié pour lever le voile corporatif, la décision de le lever ou non aura droit à la déférence d’une cour d’appel.
  • Le fait qu’une société à actionnariat restreint soit contrôlée et dirigée par une seule personne ne constitue pas, sans plus, une justification pour écarter la personnalité juridique distincte, même si cette personne a agi de manière grossière, capricieuse ou déraisonnable.
  • La « conduite inappropriée » nécessaire pour lever le voile corporatif, tout en étant propre au contexte, exige plus qu’un comportement déraisonnable ou égoïste par la personne qui contrôle la société. S’il en était autrement, comme le fait remarquer la Cour d’appel, « à peu près tous les manquements contractuels par une société unipersonnelle pourraient engager la responsabilité de son propriétaire ».

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