En 2024, l’évolution de la politique de transition énergétique, les tentatives de promotion des investissements dans les technologies propres et l’incertitude quant à l’orientation future du gouvernement ont contribué aux changements dans le secteur canadien de l’énergie.
Vous trouverez ci-dessous un exposé sommaire des changements législatifs et politiques qui pourraient influencer le secteur au cours de l’année à venir.
a. Loi sur la réduction de l’inflation et crédits d’impôt à l’investissement pour les technologies propres
En réponse à l’Inflation Reduction Act des États-Unis, le Canada a introduit les crédits d’impôt à l’investissement pour les technologies propres (CII). Ces crédits constituent un élément central de sa politique climatique pour l’année 2024. Les CII offrent aux entreprises un incitatif financier pour réaliser des investissements qui réduiront leur empreinte carbone. En juin 2024, quatre CII ont été promulgués en vertu des articles 127.44-49 de la Loi de l’impôt sur le revenu : le CII pour les technologies propres, le CII pour la fabrication de technologies propres, le CII pour l’hydrogène propre et le CII pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC)1. Par ailleurs, il est prévu d’instaurer deux autres CII en 2025 (pour l’électricité propre et pour la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques), et des projets de loi ont été publiés afin de recueillir des commentaires. Toute entreprise qui acquiert des biens admissibles et engage des dépenses liées à des activités spécifiques à chaque CII peut en bénéficier. En général, les activités donnant droit aux CII sont les investissements dans les équipements de production d’énergie éolienne, solaire, hydraulique et géothermique, dans les machines de traitement de minéraux essentiels et les équipements de captage, de transport et de stockage du CO₂ destinés à un projet admissible. Chaque CII a ses propres critères d’admissibilité.
La stabilité à long terme des CII de l’économie propre du Canada demeure incertaine. Un éventuel changement de gouvernement à Ottawa en 2025 présente un risque de « changement législatif » pour les entreprises qui réalisent des investissements à long terme dans des projets d’infrastructure énergétique à grande échelle, et les changements soudains de la politique fiscale les exposent à des risques financiers considérables. Cela dit, il est prévu qu’à l’issue de tout changement de gouvernement, les règles d’entrée en vigueur comprennent des dispositions de « droits acquis ». L’objectif est de préserver l’admissibilité aux CII pour les dépenses admissibles des projets soumis à des engagements juridiques contraignants au moment de l’annonce du changement de loi.
Pour en savoir plus, consultez les articles suivants [en anglais seulement] : Change-of-law risk for Canada’s clean economy ITCs | BLG et Update on Canada’s clean economy ITCs | BLG
b. Nouveau Règlement sur l’électricité propre
Le nouveau Règlement sur l’électricité propre du Canada est entré en vigueur le 1er janvier 2025 dans le cadre de la stratégie du gouvernement fédéral visant à atteindre, d’ici 2050, des émissions de carbone zéro dans le secteur de l’électricité. Le Règlement établit un cadre visant à réduire les émissions de CO₂ provenant de la production d’électricité au moyen de plafonds d’émissions et de limites d’intensité des émissions. Il s’applique aux unités de production d’énergie d’une capacité d’au moins 25 MW qui sont raccordées au réseau électrique nord-américain. Il existe des exemptions pour certaines unités plus petites, les collectivités éloignées et les installations de cogénération. Les installations de production d’énergie peuvent utiliser des crédits compensatoires canadiens, comme ceux reconnus par le Règlement sur le système de tarification fondé sur le rendement pour réduire les émissions de CO₂ attribuées à leurs unités et ainsi se conformer au Règlement sur l’électricité propre.
Contrairement à la première version du Règlement sur l’électricité propre, qui imposait un réseau à zéro émission nette d’ici 2035, le règlement final prolonge ce délai jusqu’en 2050 en réponse aux préoccupations des milieux politiques et sectoriels. Néanmoins, des provinces comme l’Alberta et la Saskatchewan soutiennent que le Règlement sur l’électricité propre empiète sur les compétences des provinces en matière de réseaux électriques à l’intérieur de leur territoire.
Avec la tenue d’élections fédérales en 2025, l’avenir du Règlement sur l’électricité propre reste incertain. Un nouveau gouvernement fédéral pourrait l’abroger en faveur d’un contrôle provincial plus strict du secteur de l’électricité, et ainsi réduire les risques de contestation constitutionnelle.
Pour en savoir plus, consultez les articles suivants [en anglais seulement] : Canada’s new Clean Electricity Regulations | BLG
c. Écoblanchiment
En juin 2024, le gouvernement fédéral a adopté des modifications à la Loi sur la concurrence visant les réclamations environnementales trompeuses, souvent appelées « écoblanchiment ». Les modifications obligent les entreprises à prouver que leurs déclarations environnementales sont justifiées par des tests suffisants et appropriés. En décembre 2024, le Bureau de la concurrence a publié un projet de lignes directrices sur les modalités de mise en œuvre des modifications apportées à la Loi sur la concurrence. Les lignes directrices énoncent six grandes règles de conformité, soulignant que les indications environnementales doivent être véridiques, dûment étayées par des tests appropriés et clairement communiquées.
En outre, à partir du 20 juin 2025, s’ils peuvent démontrer que « l’intérêt public » est en jeu, il sera possible pour les parties privées d’intenter une action pour publicité trompeuse directement devant le Tribunal de la concurrence. Cela signifie que les particuliers et les entreprises n’auront plus besoin de compter sur le Bureau de la concurrence pour agir en cas de plaintes pour écoblanchiment.
Ces modifications en matière d’écoblanchiment touchent l’ensemble de l’industrie canadienne, en particulier le secteur de l’énergie, car les entreprises sont désormais confrontées à un risque accru de poursuites judiciaires si leurs indications environnementales ne sont pas conformes aux dispositions, sans doute ambiguës, de la Loi sur la concurrence. Par conséquent, les sociétés hésitent de plus en plus à rendre publiques leurs initiatives visant à améliorer leur performance environnementale, y compris leurs mesures de lutte contre les changements climatiques. Tant que le Bureau de la concurrence n’aura pas éclairci la situation et fourni des directives, le secteur de l’énergie restera dans l’incertitude.
Pour en savoir plus, consultez les articles suivants [en anglais seulement] : Canada’s Competition Bureau : Public consultation for environmental claims guidelines | BLG et Publicité trompeuse et écoblanchiment : projet de loi C-59 et modification de la Loi sur la concurrence
d. Taxe sur le carbone
Le régime canadien de taxe sur le carbone, établi en vertu de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, combine une redevance sur les combustibles et un système parallèle de tarification fondé sur le rendement pour les émetteurs industriels. Dans le cadre de ce système, une taxe sur le carbone fondée sur la consommation, appelée redevance sur les combustibles, est appliquée lors de la première livraison de produits à forte intensité de carbone. La taxe est calculée à partir des prévisions d’émissions issues de la combustion et est intégrée au coût des biens et services, ce qui encourage les consommateurs à choisir d’autres solutions à empreinte carbone plus faible. Avec le système de tarification fondé sur le rendement, les émetteurs industriels enregistrés sont exemptés de la redevance sur les combustibles fondée sur la consommation, mais ils doivent rendre compte de leurs émissions réelles de CO₂. Les émetteurs industriels se voient attribuer une valeur de référence pour les émissions de leurs installations. Si les émissions réelles de l’installation dépassent cette valeur de référence, ils doivent payer le taux en vigueur pour chaque tonne de CO₂ dépassant la limite ou retirer des crédits carbone pour compenser leur passif. Les installations qui émettent moins que leur valeur de référence gagnent des crédits qu’elles peuvent soit vendre sur le marché libre, soit retenir pour compenser leurs émissions excédentaires futures. Le système fédéral de tarification du carbone garantit que les provinces respecteront un prix du carbone minimal qui augmentera chaque année.
Avec l’évolution des mesures internationales, telles que l’Ajustement carbone aux frontières, il est essentiel pour le Canada de maintenir son régime de taxe sur le carbone afin de concilier ses objectifs climatiques nationaux avec ceux du commerce mondial. Grâce à l’Ajustement carbone aux frontières, les partenaires commerciaux imposent des coûts supplémentaires aux importations en provenance de pays dont la tarification du carbone est plus faible. Le maintien d’un prix du carbone élevé permet de garantir à l’industrie canadienne des conditions de concurrence équitables sur les marchés mondiaux, notamment dans les secteurs du pétrole, du gaz, du fer et de l’acier.
Malgré l’absence de changements significatifs en 2024, le régime de la taxe sur le carbone au Canada demeure un enjeu crucial pour les entreprises du secteur de l’énergie. L’avenir de la taxe sur le carbone constituera probablement un enjeu déterminant des élections fédérales de 2025.
Pour en savoir plus, consultez les articles suivants [en anglais seulement] : Carbon measures in Canada | BLG
e. Fonds de croissance du Canada
Le Fonds de croissance du Canada (FCC) est un fonds de 15 milliards de dollars présenté pour la première fois dans le budget fédéral de 2022. Le FCC encourage les investissements dans les infrastructures en s’efforçant d’attirer les capitaux privés nécessaires pour développer les projets d’énergie propre et déployer les technologies à faibles émissions de carbone et de captage du carbone. À cette fin, le FCC utilise des outils financiers qui réduisent les risques des investissements dans les projets stratégiques, les technologies et les chaînes d’approvisionnement. L’un des principaux outils est le contrat de couverture des fluctuations, qui fixe les prix futurs du carbone et procure aux entreprises une meilleure prévisibilité pour leurs projets de réduction des émissions.
Depuis son lancement en 2023, le FCC a réalisé 11 transactions dans 5 provinces, dont les investissements récemment annoncés dans les projets de stockage d’énergie à air comprimé avancés d’Hydrostor et le Fonds de transition énergétique II de Longbow Capital. En 2025, on s’attend à ce que les investissements stratégiques du FCC profitent à des acteurs du secteur du captage du carbone.