une main qui tient une guitare

Perspectives

POINT DE VUE

L’avenir de l’énergie au Canada : revue des principaux enjeux énergétiques de 2024 et perspectives pour 2025

En 2024, la politique de transition énergétique, les programmes incitatifs du gouvernement, la consolidation, et la diversification de l’accès aux marchés ont encore entraîné des changements dans le secteur canadien de l’énergie. Les avocats de BLG spécialisés dans ce secteur suivent en permanence les politiques, les enjeux, les affaires et les développements qui touchent le secteur de l’énergie. Voici notre liste des principaux enjeux énergétiques de 2024 qui influeront sur les tendances, les décisions d’affaires et la croissance du secteur canadien de l’énergie en 2025 et les années à venir.

Principaux points à retenir

Tandis que des changements structurels continuaient de perturber le secteur canadien de l’énergie en 2024, sous la forte influence des politiques et des règlements des gouvernements fédéral et provinciaux (une tendance qui devrait se poursuivre), nous prévoyons que, jusqu’en 2025, ce secteur sera de plus en plus touché par des facteurs externes (politiques commerciales, événements géopolitiques, accès aux marchés et taux de change). Les principaux thèmes et enjeux énergétiques que BLG a relevés pour 2024 sont l’influence marquée et persistante des programmes gouvernementaux (incitatifs fiscaux, taxe sur le carbone et mesures de relance budgétaire), la poursuite du mouvement de consolidation, une plus grande diversification des marchés mondiaux et l’intensification des projets de réduction des émissions de carbone. Par contre, en ces premiers mois de 2025, nous prévoyons un retour aux principes fondamentaux de l’industrie pétrolière et gazière traditionnelle et une influence prépondérante des variables externes sur le secteur de l’énergie, au détriment des politiques nationales.

Mesures incitatives, investissements et programmes d’intervention du gouvernement fédéral

En 2024, l’évolution de la politique de transition énergétique, les tentatives de promotion des investissements dans les technologies propres et l’incertitude quant à l’orientation future du gouvernement ont contribué aux changements dans le secteur canadien de l’énergie.

Vous trouverez ci-dessous un exposé sommaire des changements législatifs et politiques qui pourraient influencer le secteur au cours de l’année à venir.

a. Loi sur la réduction de l’inflation et crédits d’impôt à l’investissement pour les technologies propres

En réponse à l’Inflation Reduction Act des États-Unis, le Canada a introduit les crédits d’impôt à l’investissement pour les technologies propres (CII). Ces crédits constituent un élément central de sa politique climatique pour l’année 2024. Les CII offrent aux entreprises un incitatif financier pour réaliser des investissements qui réduiront leur empreinte carbone. En juin 2024, quatre CII ont été promulgués en vertu des articles 127.44-49 de la Loi de l’impôt sur le revenu : le CII pour les technologies propres, le CII pour la fabrication de technologies propres, le CII pour l’hydrogène propre et le CII pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC)1. Par ailleurs, il est prévu d’instaurer deux autres CII en 2025 (pour l’électricité propre et pour la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques), et des projets de loi ont été publiés afin de recueillir des commentaires. Toute entreprise qui acquiert des biens admissibles et engage des dépenses liées à des activités spécifiques à chaque CII peut en bénéficier. En général, les activités donnant droit aux CII sont les investissements dans les équipements de production d’énergie éolienne, solaire, hydraulique et géothermique, dans les machines de traitement de minéraux essentiels et les équipements de captage, de transport et de stockage du CO₂ destinés à un projet admissible. Chaque CII a ses propres critères d’admissibilité.

La stabilité à long terme des CII de l’économie propre du Canada demeure incertaine. Un éventuel changement de gouvernement à Ottawa en 2025 présente un risque de « changement législatif » pour les entreprises qui réalisent des investissements à long terme dans des projets d’infrastructure énergétique à grande échelle, et les changements soudains de la politique fiscale les exposent à des risques financiers considérables. Cela dit, il est prévu qu’à l’issue de tout changement de gouvernement, les règles d’entrée en vigueur comprennent des dispositions de « droits acquis ». L’objectif est de préserver l’admissibilité aux CII pour les dépenses admissibles des projets soumis à des engagements juridiques contraignants au moment de l’annonce du changement de loi.

Pour en savoir plus, consultez les articles suivants [en anglais seulement] : Change-of-law risk for Canada’s clean economy ITCs | BLG et Update on Canada’s clean economy ITCs | BLG

b. Nouveau Règlement sur l’électricité propre

Le nouveau Règlement sur l’électricité propre du Canada est entré en vigueur le 1er janvier 2025 dans le cadre de la stratégie du gouvernement fédéral visant à atteindre, d’ici 2050, des émissions de carbone zéro dans le secteur de l’électricité. Le Règlement établit un cadre visant à réduire les émissions de CO₂ provenant de la production d’électricité au moyen de plafonds d’émissions et de limites d’intensité des émissions. Il s’applique aux unités de production d’énergie d’une capacité d’au moins 25 MW qui sont raccordées au réseau électrique nord-américain. Il existe des exemptions pour certaines unités plus petites, les collectivités éloignées et les installations de cogénération. Les installations de production d’énergie peuvent utiliser des crédits compensatoires canadiens, comme ceux reconnus par le Règlement sur le système de tarification fondé sur le rendement pour réduire les émissions de CO₂ attribuées à leurs unités et ainsi se conformer au Règlement sur l’électricité propre.

Contrairement à la première version du Règlement sur l’électricité propre, qui imposait un réseau à zéro émission nette d’ici 2035, le règlement final prolonge ce délai jusqu’en 2050 en réponse aux préoccupations des milieux politiques et sectoriels. Néanmoins, des provinces comme l’Alberta et la Saskatchewan soutiennent que le Règlement sur l’électricité propre empiète sur les compétences des provinces en matière de réseaux électriques à l’intérieur de leur territoire.

Avec la tenue d’élections fédérales en 2025, l’avenir du Règlement sur l’électricité propre reste incertain. Un nouveau gouvernement fédéral pourrait l’abroger en faveur d’un contrôle provincial plus strict du secteur de l’électricité, et ainsi réduire les risques de contestation constitutionnelle.

Pour en savoir plus, consultez les articles suivants [en anglais seulement] : Canada’s new Clean Electricity Regulations | BLG

c. Écoblanchiment

En juin 2024, le gouvernement fédéral a adopté des modifications à la Loi sur la concurrence visant les réclamations environnementales trompeuses, souvent appelées « écoblanchiment ». Les modifications obligent les entreprises à prouver que leurs déclarations environnementales sont justifiées par des tests suffisants et appropriés. En décembre 2024, le Bureau de la concurrence a publié un projet de lignes directrices sur les modalités de mise en œuvre des modifications apportées à la Loi sur la concurrence. Les lignes directrices énoncent six grandes règles de conformité, soulignant que les indications environnementales doivent être véridiques, dûment étayées par des tests appropriés et clairement communiquées.

En outre, à partir du 20 juin 2025, s’ils peuvent démontrer que « l’intérêt public » est en jeu, il sera possible pour les parties privées d’intenter une action pour publicité trompeuse directement devant le Tribunal de la concurrence. Cela signifie que les particuliers et les entreprises n’auront plus besoin de compter sur le Bureau de la concurrence pour agir en cas de plaintes pour écoblanchiment.

Ces modifications en matière d’écoblanchiment touchent l’ensemble de l’industrie canadienne, en particulier le secteur de l’énergie, car les entreprises sont désormais confrontées à un risque accru de poursuites judiciaires si leurs indications environnementales ne sont pas conformes aux dispositions, sans doute ambiguës, de la Loi sur la concurrence. Par conséquent, les sociétés hésitent de plus en plus à rendre publiques leurs initiatives visant à améliorer leur performance environnementale, y compris leurs mesures de lutte contre les changements climatiques. Tant que le Bureau de la concurrence n’aura pas éclairci la situation et fourni des directives, le secteur de l’énergie restera dans l’incertitude.

Pour en savoir plus, consultez les articles suivants [en anglais seulement] : Canada’s Competition Bureau : Public consultation for environmental claims guidelines | BLG et Publicité trompeuse et écoblanchiment : projet de loi C-59 et modification de la Loi sur la concurrence

d. Taxe sur le carbone

Le régime canadien de taxe sur le carbone, établi en vertu de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, combine une redevance sur les combustibles et un système parallèle de tarification fondé sur le rendement pour les émetteurs industriels. Dans le cadre de ce système, une taxe sur le carbone fondée sur la consommation, appelée redevance sur les combustibles, est appliquée lors de la première livraison de produits à forte intensité de carbone. La taxe est calculée à partir des prévisions d’émissions issues de la combustion et est intégrée au coût des biens et services, ce qui encourage les consommateurs à choisir d’autres solutions à empreinte carbone plus faible.  Avec le système de tarification fondé sur le rendement, les émetteurs industriels enregistrés sont exemptés de la redevance sur les combustibles fondée sur la consommation, mais ils doivent rendre compte de leurs émissions réelles de CO₂. Les émetteurs industriels se voient attribuer une valeur de référence pour les émissions de leurs installations. Si les émissions réelles de l’installation dépassent cette valeur de référence, ils doivent payer le taux en vigueur pour chaque tonne de CO₂ dépassant la limite ou retirer des crédits carbone pour compenser leur passif. Les installations qui émettent moins que leur valeur de référence gagnent des crédits qu’elles peuvent soit vendre sur le marché libre, soit retenir pour compenser leurs émissions excédentaires futures. Le système fédéral de tarification du carbone garantit que les provinces respecteront un prix du carbone minimal qui augmentera chaque année.

Avec l’évolution des mesures internationales, telles que l’Ajustement carbone aux frontières, il est essentiel pour le Canada de maintenir son régime de taxe sur le carbone afin de concilier ses objectifs climatiques nationaux avec ceux du commerce mondial. Grâce à l’Ajustement carbone aux frontières, les partenaires commerciaux imposent des coûts supplémentaires aux importations en provenance de pays dont la tarification du carbone est plus faible. Le maintien d’un prix du carbone élevé permet de garantir à l’industrie canadienne des conditions de concurrence équitables sur les marchés mondiaux, notamment dans les secteurs du pétrole, du gaz, du fer et de l’acier.

Malgré l’absence de changements significatifs en 2024, le régime de la taxe sur le carbone au Canada demeure un enjeu crucial pour les entreprises du secteur de l’énergie. L’avenir de la taxe sur le carbone constituera probablement un enjeu déterminant des élections fédérales de 2025.

Pour en savoir plus, consultez les articles suivants [en anglais seulement] : Carbon measures in Canada | BLG

e. Fonds de croissance du Canada

Le Fonds de croissance du Canada (FCC) est un fonds de 15 milliards de dollars présenté pour la première fois dans le budget fédéral de 2022. Le FCC encourage les investissements dans les infrastructures en s’efforçant d’attirer les capitaux privés nécessaires pour développer les projets d’énergie propre et déployer les technologies à faibles émissions de carbone et de captage du carbone. À cette fin, le FCC utilise des outils financiers qui réduisent les risques des investissements dans les projets stratégiques, les technologies et les chaînes d’approvisionnement. L’un des principaux outils est le contrat de couverture des fluctuations, qui fixe les prix futurs du carbone et procure aux entreprises une meilleure prévisibilité pour leurs projets de réduction des émissions.

Depuis son lancement en 2023, le FCC a réalisé 11 transactions dans 5 provinces, dont les investissements récemment annoncés dans les projets de stockage d’énergie à air comprimé avancés d’Hydrostor et le Fonds de transition énergétique II de Longbow Capital. En 2025, on s’attend à ce que les investissements stratégiques du FCC profitent à des acteurs du secteur du captage du carbone.

Diversification des marchés

En 2024, plusieurs étapes importantes ont été franchies et devraient contribuer à diversifier les marchés pour les producteurs canadiens de pétrole et de gaz naturel dans les années à venir. Étant donné que certains pays, tels l’Allemagne, le Japon et la Corée du Sud, souhaitent expressément s’approvisionner en énergie canadienne (en particulier le GNL et l’hydrogène) et compte tenu de l’évolution des politiques énergétiques et commerciales des États-Unis à partir de 2025, nous nous attendons à ce que ces tendances de diversification des marchés amorcées en 2024 s’accélèrent et prennent de l’ampleur au cours des prochaines années.

En mai 2024, après l’inauguration officielle de l’extension du pipeline TransMountain, les marchés canadiens d’exportation de pétrole brut ont connu un tournant majeur. L’extension du pipeline, qui permet d’acheminer 590 000 barils par jour vers la côte ouest du Canada, offre aux producteurs canadiens un nouvel accès aux marchés asiatiques. Selon la Régie de l’énergie du Canada, les exportations vers des destinations autres que les États-Unis ont plus que doublé après la mise en service de l’extension du pipeline TransMountain. Elles s’élèvent en moyenne à environ 400 000 barils par jour, comparativement à 130 000 en 2023, ce qui fait passer les exportations de pétrole hors États-Unis d’environ 2,5 % à environ 6,5 % des exportations totales. Environ la moitié des cargaisons envoyées au terminal TransMountain étaient destinées à des pays autres que les États-Unis. Les acteurs du marché s’attendent également à ce que cette capacité de sortie supplémentaire contribue à la stabilisation et à la réduction de l’écart entre le WTI et le WCS. Ce nouvel accès aux marchés asiatiques pourrait favoriser l’ouverture de nouveaux débouchés internationaux en dehors des États-Unis dans le futur.

Dans le même ordre d’idées, pour ce qui est du gaz naturel, le gazoduc Coastal GasLink de 670 kilomètres et d’une capacité de 2,1 milliards de pieds cubes par jour a été mis en service commercial en décembre 2024. Ce gazoduc contribue au projet d’exportation de la société LNG Canada d’une capacité de 1,8 milliard de pieds cubes par jour. Ce projet, qui était presque terminé et devait être mis en service en 2024, devrait expédier ses premières cargaisons commerciales d’ici juillet 2025 à partir de l’usine d’exportation de LNG Canada. Cette étape marque l’arrivée d’un premier client pour le gaz naturel canadien en dehors des États-Unis.  Le projet de LGN Canada aura pour effet d’accroître l’approvisionnement du Canada sur le marché mondial du GNL et de remédier aux goulets d’étranglement qui existent depuis longtemps. Environ 10 % de la production devrait prendre le chemin de nouveaux marchés en Asie. Cette diversification des marchés du GNL devrait se poursuivre en 2025. Par exemple, le projet Woodfibre LNG d’une capacité de 0,28 milliard de pieds cubes par jour, dont la construction a débuté fin 2023, devrait être en grande partie achevé d’ici 2027. Il devrait approvisionner surtout les marchés asiatiques grâce à son entente d’approvisionnement à long terme en GNL avec BP Gas Marketing. De plus, le projet d’exportation floating Cedar de GNL, dont la construction a débuté en juillet 2024, devrait exporter environ 0,42 milliard de pieds cubes de GNL par jour vers les marchés asiatiques à son entrée en service, fin 2028. À mesure que le commerce mondial du GNL évolue, nous prévoyons un accroissement de la demande de gaz naturel canadien sur les marchés d’exportation.

En outre, le projet d’exportation de gaz de pétrole liquéfié au large de la côte ouest de la Colombie-Britannique a fait des progrès considérables. En mai, AltaGas et Royal Vopak ont annoncé une décision définitive d’investissement dans le projet de terminal d’exportation d’énergie de l’île Ridley. Ce terminal de GPL et de liquides en vrac, qui devrait entrer en service fin 2026, aura une capacité d’exportation d’environ 55 000 barils de GPL par jour, principalement vers le Japon et la Corée du Sud. Par ailleurs, en janvier, Trigon Pacific Terminals Ltd a achevé la description de son projet d’exportation de 2,5 millions de tonnes de GPL par année et l’a soumise à l’Administration portuaire de Prince Rupert. Cette capacité supplémentaire devrait favoriser les exportations vers l’Asie dans les années à venir, de même que les installations d’exportation de GPL existantes situées à proximité, comme l’installation d’exportation de propane de l’île Watson de Pembina et le terminal d’exportation de propane de l’île Ridley d’AltaGas, d’une capacité de 600 000 barils par jour.

Consolidation et transactions majeures

En 2024, nous avons assisté dans le secteur en amont à une consolidation continue qui devrait se poursuivre jusqu’au début de l’année 2025. En effet, les sociétés d’exploration et de production cherchent à acquérir de nouvelles réserves, plutôt qu’à en découvrir, et continuent de se recentrer sur les portefeuilles d’énergies exclusivement pétrolières dans certaines zones géographiques ciblées.

La même année, nous avons constaté que les acquéreurs stratégiques ont continué à consolider leurs intérêts stratégiques de manière opportuniste, dans des secteurs présentant un intérêt majeur.

  1. Canadian Natural Resources Limited (CNRL) a acquis les actifs de Chevron Canada en Alberta, qui comprenaient :
    1. une participation de 20 % dans le projet d’exploitation des sables bitumineux de l’Athabasca (PSBA), ainsi qu’une participation supplémentaire dans l’usine de valorisation de Scotford et dans le projet de captage et de stockage du carbone de Quest, précédemment acquis auprès de Shell. Cette acquisition a porté à 90 % la participation de CNRL dans le PSBA;
    2. sa participation de 70 % dans le gisement de pétrole brut léger et de gaz naturel riche en liquides de Duvernay, représentant 60 000 barils équivalent pétrole par jour.
    La concentration des sables bitumineux de CNRL en fait le plus grand producteur de pétrole du Canada et avec l’acquisition de Chevron, il s’est imposé comme le maître du marché canadien.
  2. Tourmaline Oil Limited a continué le regroupement d’intérêts dans le champ pétrolifère de Montney, en Colombie-Britannique, en mettant la main sur Crew Energy dans le cadre d’une acquisition entièrement en actions. Cette nouvelle unité vient s’ajouter à la production de Tourmaline dans le Deep Basin, en Alberta, et consolide sa position de premier producteur de gaz naturel au Canada.
  3. Le Deep Basin en Alberta était précisément ce qui avait poussé Vermilion Energy à faire l’acquisition de Westbrick Energy auprès de KKR. Pour Vermilion, qui avait consacré du temps et des capitaux à ses actifs gaziers européens, cette acquisition représente un investissement important au Canada.

Nous constatons que, malgré un regain d’intérêt potentiel à l’extérieur du Canada, les tendances observées en 2024 pour ces consolidations et transactions devraient se poursuivre en 2025. La faiblesse du dollar canadien permet aux acheteurs américains de profiter de l’écart de change : ils produisent du pétrole en devise américaine, mais achètent des actifs de sociétés canadiennes en dollars canadiens. Les possibilités d’arbitrage sont de toute évidence très attrayantes.

La première transaction de ce qui pourrait constituer une effervescence sur ce marché est le retour au Canada d’Ovintiv (anciennement Encana), qui s’était concentrée sur ses activités américaines dans l’Oklahoma et le Texas. Elle a acquis auprès de Paramount Resources une capacité de production de 70 000 barils équivalent pétrole par jour et d’importantes réserves dans la zone de Montney. Avec sa production et ses réserves existantes dans cette zone, elle est devenue l’un des principaux exploitants de Montney.

L’incertitude engendrée par les menaces de l’administration Trump d’imposer des droits de douane après les élections semble avoir freiné temporairement les transactions en direction du nord. Nous pensons qu’une fois la poussière retombée, d’autres entités comme les sociétés de capital-investissement américaines considéreront le Canada comme un endroit sûr et relativement peu coûteux pour investir, principalement en raison du taux de change du dollar américain par rapport au dollar canadien. « À suivre », comme on dit.

Captage et stockage du carbone

Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat et l’Agence internationale de l’énergie, il n’existe actuellement aucune autre solution viable qu’une mise en œuvre agressive des technologies de gestion du carbone pour atteindre l’objectif de zéro émission nette. En fait, pour atteindre les objectifs, il faudrait multiplier le déploiement de ces technologies par près de 200 d’ici 2050.

Parmi les stratégies innovantes de transition vers une économie à faibles émissions de carbone, il faut citer en premier lieu le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC). Au Canada, la promesse du CUSC a continué à monter en puissance en 2024, grâce à des investissements substantiels et à des projets stratégiques visant à transformer l’approche nationale en matière d’énergie durable et de gestion de l’environnement.

Les technologies de CUSC permettent de réduire considérablement les émissions des industries traditionnellement très polluantes. Le Canada compte certains des projets de CUSC les plus avancés au monde, notamment le projet Boundary Dam en Saskatchewan et l’Alberta Carbon Trunk Line. Grâce à ces projets novateurs, la capacité annuelle de captage du Canada devrait passer de 4,4 millions de tonnes de CO₂ à 16,3 millions de tonnes de CO₂ d’ici 2030. Il faudra toutefois redoubler d’efforts pour atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050.

Grâce à la poursuite des investissements en 2025, la technologie du captage, de l’utilisation et du stockage du carbone (CUSC) pourra devenir plus rentable et mieux adaptée, ce qui permettra aux industries d’atteindre des objectifs d’émissions stricts sur des marchés concurrentiels. L’adoption généralisée du CUSC pose toutefois des défis : elle est menacée par des coûts d’investissement élevés, des risques technologiques et la nécessité de cadres politiques favorables. D’où l’importance des investissements publics stratégiques, dont ceux du Fonds de croissance du Canada (FCC), en 2025.

Le FCC, un véhicule d’investissement public indépendant de 15 milliards de dollars canadiens, jouera un rôle déterminant dans l’accélération du déploiement des technologies essentielles à la réduction des émissions. Créé pour réduire les risques des investissements du secteur privé dans les technologies et les infrastructures à faibles émissions de carbone, ce fonds indépendant vise à débloquer des investissements dans des projets innovants susceptibles de réduire considérablement les émissions. Le FCC a pour mission de financer des projets qui s’inscrivent dans les objectifs ambitieux du Canada en matière de climat et de prospérité à long terme. Selon le Résumé du plan d’entreprise du FCC pour 2024-2028, le Fonds doit catalyser les investissements du secteur privé dans les entreprises et les projets canadiens qui contribuent à l’économie propre du pays. Une attention particulière sera accordée aux projets de captage et de stockage du carbone.2

En juillet 2024, le FCC a annoncé un partenariat avec Strathcona Resources, engageant jusqu’à 2 milliards de dollars canadiens pour développer des infrastructures de captage et de stockage du carbone dans les installations de sables bitumineux SAGD de Strathcona. Cette collaboration vise à capter et à stocker en permanence jusqu’à deux millions de tonnes de CO₂ par an. Confirmant son engagement en faveur du CUSC, en août 2024, le FCC a investi jusqu’à 100 millions de dollars américains dans Svante, une société basée en Colombie-Britannique et spécialisée dans les technologies de captage du carbone. Cet investissement vise à accélérer le développement et la construction des projets commerciaux de captage et d’élimination du carbone de Svante au Canada et aux États-Unis, en ciblant les émissions des secteurs difficiles à décarboniser.

Le CUSC peut être un facteur de transformation de l’économie canadienne en assurant la compétitivité industrielle dans un monde soumis à des contraintes carbone. S’il est déployé à grande échelle, le CUSC peut aider le Canada à atteindre ses objectifs climatiques, réduire ses émissions de carbone et créer des emplois à forte valeur ajoutée dans les domaines de l’ingénierie, de la construction et des technologies propres. Au moment où le Canada cherche à se positionner comme chef de file mondial du CUSC, malgré un environnement politique volatile, il faudra surveiller les investissements stratégiques réalisés dans le cadre de projets tels que le FCC en 2025.

L’avenir des biocarburants

Les biocarburants demeurent la principale source de consommation de carburants de replacement, et ce, même si l’hydrogène a fait beaucoup parler de lui au Canada en 2024 (le pays est l’un des plus grands producteurs et, chaque mois ou presque, étaient annoncés de nouveaux projets et de nouvelles technologies dans ce domaine). Les biocarburants devraient continuer à afficher une croissance soutenue en 2025.

En 2024, le Canada a poursuivi sur sa lancée des années précédentes en investissant davantage dans les biocarburants tels que l’éthanol, le biodiesel et le diesel renouvelable. La consommation de carburants renouvelables au pays a augmenté de 20 % de 2021 à 2022, puis de 25 % de 2022 à 2023. Toujours de 2022 à 2023, la consommation d’éthanol a augmenté de 13 % et celle de diesel à base de biomasse de 68 %.

En 2023, la production canadienne d’éthanol (les émissions de CO₂ issues de la combustion de l’éthanol sont inférieures à celles de l’essence, soit 0,3 g/MJ par rapport à 73 g/MJ) s’élevait à 29,6 millions de barils par jour, mais la demande était de 68,1 de millions de barils par jour.  Le Canada importe une grande partie de son éthanol des États-Unis et ne satisfait actuellement que 40 % de sa demande intérieure. Selon nos prévisions, la production nationale devrait continuer d’augmenter.

De même, la demande de biodiesel et de diesel renouvelable est en hausse sur le marché canadien. En 2023, la demande de biodiesel s’élevait à 19,5 millions de barils par jour, alors que le Canada n’en produisait lui-même que 8,3 millions de barils par jour. C’est pourquoi nous prévoyons que la production de biodiesel et de diesel renouvelable continuera sur cette tendance à la hausse en 2025 et par la suite.

En 2024, le marché de ces produits a été stimulé par les projets de tarification du carbone et les normes sur les carburants renouvelables établis dans le Règlement sur les combustibles propres du Canada et divers autres règlements provinciaux.

a. Le contexte législatif

Au Canada, la promotion des carburants de remplacement s’inscrit principalement dans le cadre de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité et du Plan de réduction des émissions pour 2030 publié en 2022 en vertu de cette Loi. Le Plan décrit les mesures qu’Ottawa prévoit adopter pour respecter ses obligations en vertu de l’Accord de Paris et de la COP26. Celles-ci consistent à réduire, d’ici 2030, ses émissions de 40 % à 45 % par rapport à leur niveau de 2005 et à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Un rapport d’étape a été publié à la fin de 2023 pour rendre compte des progrès réalisés. Afin de faire progresser la réalisation des objectifs fixés dans le Plan de réduction des émissions pour 2030, plusieurs règlements avaient été adoptés pour promouvoir l’utilisation de carburants de remplacement.

  1. Le Règlement sur les combustibles propres (RCP), pris en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, fixe des taux minimaux de mélange pour les carburants à faible intensité de carbone (IC) dans les stocks d’essence et de diesel (respectivement 5 % et 2 % en volume). Le règlement impose une réduction de l’intensité carbone des carburants destinés au transport, et l’un des moyens par lesquels une partie réglementée peut s’y conformer consiste à utiliser des carburants renouvelables et des biocarburants, notamment l’éthanol, le biodiesel, le diesel renouvelable et les carburants aviation durables.
  2. Norme provinciale sur les combustibles propres. La demande en biocarburants a également été stimulée par les règlements sur les normes applicables aux carburants dans diverses provinces :
    1. Alberta : la norme sur les carburants renouvelables exige que les fournisseurs du carburant vendu en Alberta respectent une moyenne annuelle minimale de 5 % d’alcool renouvelable dans l’essence et de 2 % de diesel renouvelable dans le diesel. Pour satisfaire à la norme sur les carburants renouvelables, ceux-ci doivent produire 25 % moins d’émissions de GES que le carburant à base de pétrole équivalent.
    2. Manitoba : Le mandat de l’éthanol au Manitoba oblige les fournisseurs de carburant de la province à ajouter au moins 10 % d’éthanol à leur essence. Le mandat de biodiesel oblige les fournisseurs de carburant à ajouter 5 % de contenu renouvelable au diesel.
    3. Ontario : le Règlement de l’Ontario sur les carburants de transport plus écologiques : exigences de contenu renouvelable pour l'essence et les carburants diesel exige que les fournisseurs de carburant ajoutent à l’essence un « contenu biosourcé » (y compris l’alcool éthylique) à hauteur d’au moins 11 % jusqu’en 2028, puis de 13 % de 2028 à 2030 et enfin de 15 % par la suite. Elle oblige également les fournisseurs de carburant à ajouter au moins 4 % de contenu biosourcé au diesel.
    4. Saskatchewan : la Diesel Renouvelable Act exige que les distributeurs de carburant incluent 2 % de diesel renouvelable. La province a également un mandat de 7,5 % d’éthanol en vertu de la l’Ethanol Fuel Act et de son règlement d’application (Ethanol Fuel Regulations).
    5. Colombie-Britannique : la norme sur les carburants renouvelables et à faible teneur en carbone impose une teneur de 5 % en éthanol dans l’essence et de 4 % dans le carburant diesel.
    6. Québec : le Québec exige que l’essence contienne 10 % de carburants à faible teneur en carbone, un taux qui passera à 15 % en 2030. La teneur en carburants à faible teneur en carbone dans le diesel est fixée à 3 % et passera à 10 % d’ici 2030.

Il existe également des données qui confirment une tendance générale à la baisse de l’intensité carbone de ces carburants à mesure que de nouvelles technologies sont adoptées. Des études récentes ont conclu que l’effet des carburants propres sur les émissions de GES au Canada a augmenté au cours des dernières années, et ont ainsi permis d’éviter 11,4 mégatonnes d’émissions de CO₂ en 2023. En 2023, les émissions évitées représenteront environ le double de ce qu’elles étaient il y a cinq ans, avant l’entrée en vigueur du Règlement sur les combustibles propres3. Compte tenu des résultats positifs obtenus, le gouvernement du Canada devrait continuer à encourager les investissements et les mesures incitatives en faveur de ces biocarburants.

Dans l’ensemble, étant donné que les politiques fédérales sur l’adoption des biocarburants semblent porter leurs fruits, que la demande actuelle au Canada dépasse la production nationale et que le pays dispose de matières premières et d’infrastructures suffisantes, nous prévoyons que la croissance du marché des biocarburants au Canada, observée en 2024, se poursuivra en 2025 et au cours des prochaines années. Notre optimisme pourrait toutefois être tempéré par une récession économique qui obligerait le gouvernement à réduire ses mesures incitatives.

Principaux contacts