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Lutte contre l’écoblanchiment au Canada : nouvelles lignes directrices et droit d’action privé

Le Bureau de la concurrence (le Bureau) a récemment publié la version définitive de ses Lignes directrices sur les déclarations environnementales (les lignes directrices), dans la foulée de son Plan annuel 2025-2026, dans lequel il s’engage à poursuivre ses efforts de lutte contre les déclarations environnementales trompeuses (ce que l’on appelle l’écoblanchiment). Ces lignes directrices font suite aux récentes modifications apportées à la Loi sur la concurrence, qui interdit désormais explicitement l’écoblanchiment.

La publication de ces lignes directrices est intervenue juste avant une modification majeure des conditions d’application au Canada. En effet, depuis le 20 juin, il est possible pour un demandeur privé de porter plainte pour écoblanchiment directement auprès du Tribunal de la concurrence, s’il peut démontrer que la cause servira « l’intérêt public ».

Les lignes directrices permettent certes d’en savoir plus sur l’approche du Bureau en matière d’application, mais elles ne sont pas contraignantes et des incertitudes juridiques subsistent. Les entreprises doivent donc soigneusement réfléchir et trouver un moyen de répondre à la demande d’un public toujours plus avide de mesures pro-environnementales sans s’exposer à des poursuites en raison du contenu de leurs déclarations environnementales.

Survol des lignes directrices

À l’issue d’une consultation publique qui s’est tenue en début d’année, les lignes directrices provisoires du Bureau ont pour l’essentiel été reprises dans la version définitive, à l’exception de quelques modifications importantes :

  • « Éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale » : À propos des déclarations sur les avantages environnementaux d’une entreprise ou de ses activités, les lignes directrices précisent que cette « méthode reconnue à l’échelle internationale » peut provenir « de diverses sources, y compris, sans toutefois s’y limiter, d’organismes de normalisation, d’autorités de réglementation ou même d’industries ou d’autres entités utilisant des méthodes généralement acceptées à l’échelle internationale ».  À défaut de méthode unique internationalement reconnue, il est permis de s’appuyer sur deux ou plusieurs méthodes ou sur des méthodes utilisées pour des déclarations semblables. Le Bureau indique également qu’il est peu probable qu’il prenne des mesures dans le cas de déclarations qui suivent les méthodes requises ou recommandées par les programmes des gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux du Canada. Toutefois, même quand elles utilisent ces méthodes, les entreprises doivent veiller à ce que l’impression générale qui se dégage de leurs déclarations ne soit ni fausse ni trompeuse. Essentiellement, la déclaration doit être fondée sur des éléments corroboratifs « suffisants et appropriés » et le Bureau recommande de miser sur une méthode fiable et robuste, adaptée à la déclaration. Cette façon de faire coïncide avec la jurisprudence canadienne, dans laquelle « suffisant et approprié » a le sens d’adapté à la situation, et sa détermination dépend de la nature et du sens général de la déclaration.
  • Déclarations volontaires ou obligatoires aux investisseurs : Les lignes directrices précisent que le Bureau ne se prononce pas sur la communication, volontaire ou obligatoire, de certains renseignements environnementaux aux investisseurs en valeurs mobilières actuels et potentiels. Toutefois, dans le cas de déclarations environnementales qui font la promotion d’un produit ou d’intérêts commerciaux en dehors de la vente de valeurs mobilières, le Bureau indique que les dispositions de la Loi sur la concurrence s’appliqueront.
  • Déclarations faites par des entreprises étrangères : Les lignes directrices indiquent explicitement que les entreprises étrangères qui font de la commercialisation au Canada doivent se conformer aux dispositions sur la publicité trompeuse et les pratiques commerciales trompeuses de la Loi sur la concurrence. Même si une entreprise n’est pas physiquement présente sur le sol canadien, si elle vend des produits ou des services au Canada, elle devra veiller à ne pas contrevenir à la Loi sur la concurrence.
  • Droit d’action privé auprès du Tribunal de la concurrence : Depuis le 20 juin, les parties privées, y compris les militants écologistes et les groupes de défense de l’environnement, peuvent intenter une poursuite pour publicité trompeuse auprès du Tribunal de la concurrence si elles peuvent démontrer que la question est « d’intérêt public ». Cela signifie que particuliers et entreprises peuvent désormais s’adresser ailleurs qu’au Bureau pour le traitement des plaintes pour écoblanchiment. Les lignes directrices présentent la perspective du Bureau, mais ce ne sont pas des lois et il est possible qu’elles ne rendent pas entièrement compte du point de vue des éventuels demandeurs privés. Toutefois, le Tribunal de la concurrence pourra tenir compte de l’approche du Bureau pour décider s’il y a lieu d’autoriser une partie à déposer une demande. Dans son Plan annuel 2025-2026, le Bureau réaffirme son engagement à offrir un meilleur accès au Tribunal de la concurrence aux demandeurs privés; pour ce faire, il entend faire un suivi des affaires, mettre à jour les lignes directrices et intervenir sur des questions juridiques clés dans le but de favoriser une plus grande concurrence.

Points à retenir

Les déclarations relevant de l’écoblanchiment se multiplient et sont toujours plus complexes, et la Loi sur la concurrence prévoit des pénalités importantes pour les entreprises qui s’y risquent, y compris des sanctions pouvant atteindre 10 millions de dollars ou 3 % de leurs recettes globales brutes annuelles. Compte tenu des incertitudes juridiques et de l’évolution des conditions d’application au Canada, il est essentiel de revoir, d’évaluer et d’adapter toutes les déclarations environnementales destinées au grand public et les cadres ESG et de s’assurer qu’ils respectent parfaitement la loi.

Pour plus de renseignements sur la gestion des risques liés aux allégations d’écoblanchiment, communiquez avec les auteurs et autrices du présent article ou l’une des personnes-ressources ci-dessous.

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