une main qui tient une guitare

Perspectives

Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés publie des lignes directrices très attendues par les titulaires de brevet

Le 30 juin, le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) a publié de nouvelles Lignes directrices à l’intention du personnel du CEPMB (les Lignes directrices), qui entreront en vigueur le 1er janvier 2026. Ces nouvelles Lignes directrices, qui n’ont pas de caractère contraignant, ont été élaborées pour répondre aux modifications du Règlement sur les médicaments brevetés et pour tenir compte de l’évolution récente de la jurisprudence.

En juillet 2019, des modifications au Règlement sur les médicaments brevetés ont été annoncées; BLG a publié un premier article qui en présente un résumé (en anglais seulement). Ces modifications ont été contestées devant la Cour fédérale et la Cour supérieure du Québec. Les deux cours ont annulé certaines parties des modifications parce qu’elles étaient ultra vires, c’est-à-dire qu’elles outrepassaient la Loi sur les brevets et étaient inconstitutionnelles.

Ces décisions ont été confirmées par la Cour d’appel fédérale et la Cour d’appel du Québec (cette dernière ayant conclu que d’autres dispositions du Règlement étaient également inconstitutionnelles). Aucun appel n’a été interjeté à la Cour suprême du Canada. Par conséquent, les décisions des cours d’appel ayant invalidé certaines parties essentielles du Règlement sur les médicaments brevetés sont devenues exécutoires, empêchant le CEPMB de mettre ces dispositions en application.

Le gouvernement a ensuite publié de nouvelles modifications au Règlement sur les médicaments brevetés, abrogeant les articles jugés inconstitutionnels et ultra vires. Ces nouvelles Lignes directrices sont attendues depuis longtemps.

Le rôle des Lignes directrices

Les Lignes directrices, qui ne sont pas contraignantes comme il est précisé d’emblée, « sont conçues pour garantir une équité procédurale et une cohérence, de sorte que tous les titulaires de droits placés dans des conditions similaires fassent l’objet de la même procédure et des mêmes délais » (par. 4). Elles sont destinées au personnel du CEPMB et décrivent un processus de sélection en deux étapes. L’objectif de ce nouveau processus est de prioriser les cas qui seront recommandés pour la tenue d’une audience et de permettre au CEPMB de concentrer efficacement ses ressources relatives aux audiences. Les Lignes directrices sont conçues pour assurer la transparence du processus. Elles n’ont pas pour objectif d’établir un cadre de fixation des prix, d’offrir une certitude quant aux résultats finaux de cas particuliers, ni de suggérer ou de fixer des prix au Canada.

Étant donné que ces nouvelles Lignes directrices sont destinées au personnel du Conseil et non aux titulaires de brevets, elles ne comprennent plus les politiques et les procédures qui se trouvaient dans les Lignes directrices de 2017. Les titulaires de brevets peuvent consulter le Règlement sur les médicaments brevetés pour connaître les exigences en matière de rapports.

Les Lignes directrices offrent un aperçu du mandat du CEPMB tel qu’il est défini dans la Loi sur les brevets, et confirment que la Loi sur les brevets ne définit pas ce qu’est un prix excessif, mais établissent plutôt les facteurs dont il faut tenir compte.

Regardons les Lignes directrices de plus près

Compétence

Le CEPMB continue d’avoir compétence sur un titulaire de brevet et sur quiconque habilité à exercer un droit relativement à ce brevet.

Les modifications apportées à la Loi sur les brevets ont donné lieu à la définition du terme « médicament ». Le terme « médicament » (au sens du paragraphe. 79[1]) comprend la drogue au sens défini à l’article 104 :

drogue Substance ou mélange de substances qui est fabriqué, vendu ou présenté comme pouvant servir à l’une des fins suivantes :

a) le diagnostic, le traitement, l’atténuation, la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal ou de leurs symptômes, chez l’être humain ou les animaux;

b) la restauration, la correction ou la modification des fonctions organiques chez l’être humain ou les animaux. (drug)

Les Lignes directrices reprennent l’interprétation du CEPMB selon laquelle ces définitions « excluaient les instruments médicaux en soi (par opposition aux substances actives utilisées dans les instruments médicaux), les produits de diagnostic in vitro et les désinfectants qui ne sont pas utilisés in vivo. »

Les brevets doivent être déclarés au CEPMB s’ils sont « lié[s] à un médicament » (par. 79[2]). L’expression « lié à » continue d’être interprétée au sens large. Comme c’était le cas auparavant, si une invention brevetée est destinée à des médicaments ou à la préparation ou la production de médicaments, ou susceptible d’être utilisée à de telles fins, elle doit être déclarée.

Toutefois, les Lignes directrices ont été modifiées pour refléter la jurisprudence récente, selon laquelle il doit exister « un rapport ou un lien logique, même tenu (sic), entre l’invention décrite dans le brevet et le médicament » (par. 30). Cet ajout est cité dans le but d’englober la seconde décision de la Cour d’appel fédérale dans Galderma (en anglais seulement) (aussi résumée ici), qui annule l’ordonnance du CEPMB voulant qu’un brevet qui comporte des revendications sur l’utilisation d’un ingrédient actif à une concentration de 0,3 pour cent devait être déclaré relativement à un produit contenant seulement une concentration d’un pour cent, étant donné que le brevet ne concernait pas le médicament.

Le processus d’examen

Le nouveau processus de sélection en deux étapes décrit dans les Lignes directrices a pour but de prioriser les cas susceptibles de faire l’objet d’un examen des prix. Aucune étape ne vise à établir si un prix est excessif; le seul objectif de ces deux étapes est de déterminer quels cas seront recommandés au président pour la tenue d’une audience. C’est le président qui a le pouvoir discrétionnaire d’émettre ou non un avis d’audience, et c’est le panel d’audience qui détermine si un prix est excessif au cours d’une audience publique.

L’examen initial (première étape)

  • L’examen initial est basé sur le premier rapport semestriel que fournit le titulaire de droits au sujet du prix d’un médicament breveté. Lors de cet examen, le ou les prix courants d’un médicament breveté au Canada sont comparés au plus élevé des prix internationaux (PEPI) parmi les 11 pays inscrits à l’annexe. Les médicaments brevetés dont le prix est supérieur au PEPI font l’objet d’un examen approfondi.
  • S’il est impossible de procéder à une comparaison des prix internationaux (CPINT) parce qu’aucun prix courant n’a été communiqué pour le médicament dans l’un ou l’autre des pays inscrits à l’annexe, l’on considère que le prix courant a été examiné aux fins de l’examen initial, et ce prix ne sera pas réexaminé avant l’examen annuel.
  • La norme de service relative aux examens initiaux est d’informer les titulaires de droits dans les 60 jours suivant la date limite de dépôt si leurs médicaments feront l’objet d’un examen approfondi.

L’examen annuel (première étape)

  • Les mêmes critères et la même méthodologie de comparaison des prix internationaux (CPINT) et du PEPI que l’examen initial sont appliqués lors de l’examen annuel. Toutefois, cet examen met l’accent sur les plus récentes données fournies au sujet des prix — tant au pays qu’à l’étranger.
  • Le personnel compare également la variation du prix de chaque médicament breveté aux variations de l’indice des prix à la consommation (IPC).
  • Si la CPINT s’avère impossible à effectuer parce qu’aucun prix courant n’est déclaré pour le médicament breveté dans les pays inscrits à l’annexe, une variation de l’IPC peut motiver la réalisation d’un examen approfondi.
  • Un examen approfondi sera réalisé si la variation du prix d’un médicament breveté est supérieure à l’IPC, à moins que le titulaire de droits n’ait pas augmenté le prix courant au cours de l’année précédente et que l’augmentation de la deuxième année n’excède pas la variation totale de l’IPC sur ces deux années.
  • La norme de service relative aux examens annuels est d’informer les titulaires de droits dans les 60 jours suivant la date limite de dépôt si leurs médicaments feront l’objet d’un examen approfondi.

L’examen approfondi (deuxième étape)

  • L’examen approfondi consiste en une analyse de tous les renseignements se rapportant aux facteurs de l’article 85 est réalisée, afin de formuler une recommandation au président quant à la tenue d’une audience.
  • Quand un examen approfondi est déclenché, le personnel de l’équipe scientifique détermine les médicaments de référence qui serviront à la comparaison selon la catégorie thérapeutique (CCT), pour examiner l’un des facteurs énumérés à l’alinéa 85(1)b) de la Loi sur les brevets. Les titulaires de droits auront l’occasion de fournir des renseignements concernant l’évaluation de la CCT.
  • Si un DIN répond aux critères pour un examen approfondi, tous les DIN associés vendus par le titulaire de droits seront soumis à l’examen approfondi.
  • Tous les prix fournis dans les pays inscrits à l’annexe sont pris en compte dans un examen approfondi. Ce choix ne présuppose d’aucune façon que les prix supérieurs ou inférieurs au PEPI sont excessifs ou non.  Seuls les panels d’audience peuvent déterminer, dans le cadre d’une audience, si le prix d’un médicament est excessif.
  • En général, un examen approfondi prend de 12 à 28 mois, selon sa complexité.
  • Si l’examen approfondi d’un médicament breveté est clos, ce médicament ne fera l’objet d’aucun autre examen approfondi pendant les deux périodes subséquentes de rapport.
  • En cas de plainte, le personnel du Conseil procédera directement à l’étape de l’examen approfondi.

Période de transition

Les nouveaux médicaments seront assujettis au processus d’examen initial dès l’entrée en vigueur de ces Lignes directrices, c’est-à-dire le 1er janvier 2026. Les médicaments existants feront l’objet de mesures transitoires. Le premier examen annuel des médicaments existants aura lieu deux (2) ans après la date d’entrée en vigueur des Lignes directrices. À ce stade, le personnel du Conseil n’appliquera que le critère de la CPINT. Le critère de sélection de l’IPC sera appliqué lors de l’examen annuel suivant.

Engagements et propositions de règlement

Les titulaires de droits peuvent soumettre un engagement à tout moment pendant l’examen approfondi et jusqu’à deux mois après avoir été avisés que le personnel du Conseil recommande une audience au président. Ni le personnel ni le président ne conseilleront les titulaires de droits quant au contenu d’une proposition d’engagement. Les engagements acceptés par le président visent la résolution d’un examen approfondi. Ils n’offrent pas de garantie quant aux prix futurs (article 104).

Après la publication d’un avis d’audience, les engagements ne sont plus une option. Le règlement officiel doit être approuvé par le panel d’audience.

Autres renseignements

Les Lignes directrices comportent également davantage de détails sur les étapes décrites plus haut, ainsi que sur les audiences que le Conseil peut tenir et sur les ordonnances que le Conseil peut rendre. Une annexe présente des listes non limitatives de renseignements dont le personnel du Conseil peut tenir compte lors de l’évaluation des facteurs établis au paragraphe 85(1), ainsi que d’autres questions à examiner. Elle fournit aussi quelques commentaires sur des scénarios qui pourraient faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. De plus, des exemples de cas sont fournis.

Conclusion

Les Lignes directrices révisées du CEPMB visent à mettre l’emphase sur l’équité procédurale et sur la transparence lors du processus d’examen. Elles présentent une approche structurée au personnel du Conseil pour l’examen et l’établissement de l’ordre de priorité des cas. Même si les Lignes directrices n’établissent pas de prix plafonds, elles exigent que les titulaires de brevet demeurent vigilants et surveillent leur conformité à certains facteurs susceptibles de déclencher un examen approfondi. Pour obtenir plus de détails ou pour des demandes de renseignements précis, n’hésitez pas à communiquer avec l’une des personnes-ressources ci-dessous.

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