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L’ARC obtient des pouvoirs de vérification accrus

Dans le cadre du budget 2024, le ministère des Finances du Canada a présenté un projet de loi visant à renforcer considérablement les pouvoirs de vérification de l’Agence du revenu du Canada (consulter ici l’article précédent qui résume la version initiale des changements proposés).

Le 15 août 2025, le ministère des Finances a annoncé des modifications aux dispositions législatives proposées (les modifications de 2025). Bien que les modifications de 2025 viennent adoucir certains éléments du budget 2024, l’application des nouveaux pouvoirs de l’ARC fait toujours l’objet de critiques.

Ce que vous devez savoir :

  • Le budget 2024 proposait une pénalité de 10 % de l’impôt total exigible pour chaque année à laquelle se rapporte l’ordonnance de conformité obtenue par l’ARC auprès de la Cour fédérale à l’encontre d’un contribuable. Les modifications de 2025 prévoient ce qui suit :
    • si la pénalité est jugée « disproportionnée ou injuste », l’ARC peut l’annuler ou en réduire le montant, à sa discrétion;
    • si le contribuable avait des motifs raisonnables de croire qu’il était protégé par le secret professionnel, la pénalité ne s’applique pas.
  • Le budget 2024 proposait de permettre aux vérificateurs de l’ARC d’émettre à tout moment un avis de non-conformité (ANC) s’ils estiment que le contribuable n’a pas suffisamment coopéré à la vérification, avec une pénalité pouvant atteindre 25 000 $. Les modifications de 2025 prévoient ce qui suit :
    • si l’ARC prolonge au-delà de 180 jours l’examen de l’ANC mené à la demande du contribuable, l’ANC sera réputé annulé;
    • si le contribuable avait des motifs raisonnables de croire qu’il était protégé par le secret professionnel, la pénalité ne s’applique pas.
  • Le budget 2024 proposait de permettre aux vérificateurs de l’ARC de contraindre les contribuables à se soumettre à des entrevues et à produire des déclarations écrites sous serment ou affirmation solennelle. Cette proposition n’a fait l’objet d’aucune modification. Si cette proposition était adoptée, l’ARC devrait mettre fin à sa pratique bien ancrée d’interdire l’enregistrement des entrevues des vérificateurs.

Pénalités sévères pour les ordonnances de conformité

Si l’ARC estime qu’un contribuable n’a pas produit les documents ou les renseignements requis pour une vérification, elle peut demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance de conformité. Si la Cour accède à la demande, l’ARC pourrait, selon les propositions du budget 2024, imposer une pénalité pouvant atteindre 10 % du montant total de l’impôt exigible pour chaque année d’imposition visée par l’ordonnance. Aucune pénalité ne s’applique pour un d’impôt exigible de moins de 50 000 $.

La pénalité vise à rendre le refus de produire l’information exigée par l’ARC très risqué, voire impossible, pour le contribuable sous la menace d’une ordonnance de conformité. Une telle menace sera extrêmement efficace.

De par sa lourdeur, la pénalité pourrait mener à l’insolvabilité ou à la faillite. Par exemple, si le contribuable a vendu des actifs coûteux au cours d’une année visée par l’ordonnance, la pénalité pourrait avoir un effet disproportionné. Pour les grandes sociétés établies avec des revenus annuels élevés, l’application d’une telle pénalité pourrait également avoir des conséquences très sérieuses.

De plus, la pénalité ne tient pas compte de la cause précise de l’ordonnance de conformité. Les différends qui ont trait aux documents ou à l’information dans le cadre d’une vérification de l’ARC visent habituellement des points très précis qui n’ont rien à voir avec la facture fiscale globale. Pourtant, la pénalité s’appliquerait à l’impôt exigible total.

Dans un tel contexte, les contribuables menacés d’une ordonnance de conformité dans le cadre d’une vérification devront impérativement demander l’avis d’un conseiller juridique.

Pouvoir discrétionnaire de l’ARC d’annuler ou de réduire la pénalité

Les modifications de 2025, qui répondent aux vives critiques à l’égard du budget 2024, donnent à l’ARC le pouvoir d’annuler ou de modifier la pénalité de 10 % imposée par les ordonnances de conformité, ou de la réduire si elle est jugée « exagérée ou injuste, compte tenu des circonstances ». Ce pouvoir sera exercé par l’ARC seulement si le contribuable s’oppose à l’évaluation de la pénalité. Il serait sage de faire appel à un conseiller juridique pour préparer son objection et prend en charge le différend par la suite.

Il est difficile de prévoir comment l’ARC ou les tribunaux interpréteront ce nouveau pouvoir discrétionnaire. Par exemple, une pénalité deviendrait-elle disproportionnée si elle cause des difficultés financières? Si oui, dans quelle mesure?

Même si elle peut amortir le choc potentiel d’une pénalité de 10 %, la modification n’aura que peu d’effet sur les risques liés aux demandes d’ordonnance de conformité.

Dérogation au secret professionnel

Les modifications de 2025 ont également introduit une exception à la pénalité de 10 % sur les ordonnances de conformité lorsque le contribuable avait « des motifs raisonnables de croire que ses renseignements, documents ou réponses étaient visés par le secret professionnel. »

Malgré les instructions claires des tribunaux leur interdisant de le faire, les vérificateurs de l’ARC demandent régulièrement aux contribuables de leur fournir des renseignements visés par le secret professionnel, comme des avis juridiques. En outre, le secret professionnel n’est pas exempt de flou : il faut parfois recourir au tribunal pour trancher si un document est protégé par le secret professionnel ou non. On reprochait notamment aux propositions du budget 2024 de placer le contribuable devant un dilemme : envoyer à l’ARC des renseignements protégés par le secret professionnel ou s’exposer à une pénalité sévère si l’ordonnance de conformité est maintenue.

La clause de dérogation au secret professionnel dans les modifications de 2025 entend répondre à ces critiques. Cette dernière proposition présente deux inconvénients. Premièrement, elle ne s’applique qu’au secret professionnel. Il existe d’autres types de privilèges tout aussi importants, tels que le privilège relatif au litige, mais la proposition les ignore. Deuxièmement, selon la proposition, le contribuable doit avoir des « motifs raisonnables de croire » que les renseignements sont protégés par le secret professionnel. Cette formulation ouvre largement la voie aux différends sur le caractère raisonnable des motifs pouvant être invoqués par le contribuable. Si la dérogation est promulguée, il sera d’autant plus impérieux pour le contribuable de recourir à un conseiller juridique pour vérifier si des documents sont protégés par le secret professionnel et établir le caractère raisonnable des motifs invoqués.

Avis de non-conformité

Selon les propositions du budget 2024, l’ARC pourrait également émettre des avis de non-conformité si elle estime qu’une personne n’a pas répondu, ne serait-ce qu’en partie, aux demandes de l’ARC relativement à une vérification. L’ANC reste en suspens jusqu’à ce que l’ARC en décide autrement.

Tant qu’un ANC est en vigueur, une pénalité de 50 $ par jour s’applique, jusqu’à un maximum de 25 000 $ (soit 500 jours).

Si le contribuable le demande, l’ARC peut réexaminer l’ANC. Elle dispose alors de 180 jours pour y procéder et informer le contribuable de sa décision. Le contribuable peut aussi saisir un juge pour contester une décision défavorable de l’ARC.

La pénalité liée à l’ANC pourrait bien avoir des effets pernicieux, car le libellé actuel de la loi n’encadre que trop peu la délivrance d’ANC par l’ARC. De fait, l’ARC peut délivrer un ANC à son entière discrétion pendant une vérification, quelle que soit la situation de la personne (par exemple, un ANC pourrait être imposé à des personnes âgées ou à des contribuables à faible revenu). L’examen de deuxième niveau par l’ARC n’est guère plus rassurant : c’est un autre fonctionnaire rattaché à l’ARC qui s’en charge. On peut toujours saisir un juge, mais les coûts et les délais d’un procès (avec les requêtes et les appels éventuels) pourraient dépasser les 25 000 dollars de la pénalité.

Les modifications de 2025 entendaient répondre aux objections aux propositions du budget 2024. D’abord, si l’ARC n’achève pas dans les 180 jours son examen administratif de deuxième niveau, l’ANC sera réputé n’avoir jamais été délivré.

Deuxièmement, et à l’instar de la proposition de pénalité pour les ordonnances de conformité, il existe désormais une dérogation relative au secret professionnel si le contribuable avait « des motifs raisonnables de croire » que les renseignements étaient protégés par le secret professionnel. Les lacunes de cette dérogation sont les mêmes que celles décrites plus haut pour les ordonnances de conformité.

Bien qu’elles soient bienvenues, ces modifications n’ont que peu d’effet sur les répercussions globales des propositions d’ANC, qui donnent aux vérificateurs de l’ARC le pouvoir d’imposer des pénalités pouvant atteindre 25 000 $ aux contribuables jugés récalcitrants. La contestation de la pénalité, telle qu’elle est établie dans les propositions, relèvera du calvaire et pourrait coûter cher, ce qui découragera la grande majorité des contribuables.

Entrevues sous serment ou affirmation solennelle

Après l’établissement de pouvoirs en matière d’entrevue en 2022, les propositions du budget 2024 permettraient à l’ARC d’interroger les contribuables oralement, sous serment ou affirmation solennelle, ou de les contraindre à fournir des déclarations sous serment. Les modifications de 2025 ont laissé cette proposition telle quelle.

Depuis toujours, l’ARC interdit l’enregistrement des entrevues. Les vérificateurs doivent quitter les lieux si les contribuables tentent d’utiliser un dispositif d’enregistrement. Cette pratique rend les entrevues inefficaces et peu fiables pour la collecte de preuves, dans la mesure où il faut alors s’en remettre aux souvenirs et aux notes des participants, qui peuvent varier considérablement, surtout avec le temps.

Si elle n’adapte pas ses pratiques pour les entrevues sous serment ou affirmation solennelle, l’ARC aura de sérieux problèmes. Le parjure étant une infraction au Code criminel et étant donné la gravité des accusations potentielles, le contribuable doit pouvoir disposer d’un compte rendu mot à mot de son entrevue sous serment. Un enregistrement est toujours réalisé dans les autres contextes de témoignage sous serment ou affirmation solennelle, notamment les interrogatoires préalables et les témoignages devant les tribunaux. Aux États-Unis, le manuel d’audit de l’IRS stipule que le contribuable a le droit à la transcription de toute entrevue sous serment susceptible d’entraîner des conséquences pénales.

Avant de se présenter à une entrevue sous serment ou affirmation solennelle avec l’ARC ou de fournir une déclaration sous serment dans le cadre d’une vérification, le contribuable devrait consulter un conseiller juridique.

Communiquez avec nous

Pour toute question sur les nouveaux pouvoirs de vérification de l’ARC, veuillez communiquer avec Patrick Reynaud ou Laura Warrington, ou avec un autre membre du groupe Droit fiscal de BLG.

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