une main qui tient une guitare

Perspectives

La liberté après le travail : le droit légitime à la déconnexion des employés

La reconnaissance du droit de se déconnecter de son travail gagne du terrain et son inscription dans le droit canadien se profile peut-être à l’horizon.

Le contexte

De manière générale, le droit à la déconnexion protège tout employé de représailles ou de pénalités de la part de l’employeur parce qu’il aurait omis de consulter ses courriels ou autres formes de communications professionnelles en dehors des heures de bureau, ou s’abstient simplement d’y répondre.

En Europe, plusieurs organisations ont élaboré différentes mesures afin de bannir les courriels après le travail, allant même jusqu’à éteindre les serveurs de messagerie ou à détourner les courriels de manière à ce qu’ils n’arrivent à destination qu’à l’ouverture des bureaux, dans certains cas.

La France a entériné le concept de déconnexion le 1er janvier 2017, obligeant ainsi les employeurs à mettre en place des politiques claires sur les communications professionnelles hors du bureau et pendant les vacances.

Les développements à l’extérieur de l’Ontario

Depuis l’adoption de la loi en France, le droit à la déconnexion attire de plus en plus d’attention de notre côté de l’Atlantique.

Notamment à New York, un projet de loi a récemment été présenté visant à rendre illégale l’obligation pour les employés de répondre aux communications électroniques liées au travail dès leur retour à la maison, à quelques exceptions près.

Au Québec, Gabriel Nadeau-Dubois, député de Québec Solidaire à l’Assemblée nationale, a présenté en mars dernier le projet de loi n° 1097, la Loi sur le droit à la déconnexion. Si le projet devait être adopté, le Québec deviendrait la première province canadienne à promulguer une loi largement inspirée du droit français. La loi proposée vise fondamentalement à obliger les employeurs à élaborer et à adopter une politique de déconnexion en dehors des heures de travail. Elle prévoit aussi des pénalités pour les délinquants, comme des amendes, à titre d’exemple.

Le gouvernement fédéral s’est également montré intéressé à explorer la question en prenant les mesures nécessaires pour évaluer si la réglementation sur la déconnexion devrait être une priorité.

Éléments sur lesquels les employeurs de l’Ontario doivent être attentifs

Bien qu’aucun projet de loi semblable n’ait encore été déposé en Ontario, le droit à la liberté après le travail existe véritablement. La Loi de 2000 sur les normes d’emploi (la « LNE ») prévoit de fait un certain nombre d’heures de travail par semaine, des heures libres consécutives ainsi que plusieurs périodes d’« heures d’inactivité », dont les pauses-repas.

Bien que ces dispositions aient été rédigées avant l’apparition des courriels et des téléphones intelligents, les employeurs devraient être vigilants quant aux effets potentiels de l’utilisation des moyens de communication après les heures de bureau.

Par exemple, un employeur pourrait possiblement être reconnu coupable d’avoir contrevenu aux limites des heures de travail imposées par la LNE lorsque des employés passent du temps à recevoir et répondre à des courriels à l’extérieur de leur horaire de travail habituel.

Les employeurs devraient également se préoccuper du lien qui existe entre la surcharge de travail et le stress. Cette menace grandissante en milieu de travail pourrait se révéler coûteuse pour les employeurs, car le stress peut entraîner une baisse de rendement, une augmentation de l’absentéisme pour cause de maladie ou même des réclamations en raison d’une incapacité ou d’une disposition traitant de la santé et de la sécurité au travail. La Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail de l’Ontario l’a bien compris et facilite maintenant l’accès à des prestations pour les employés qui souffrent de stress psychologique chronique découlant de leur emploi et survenu dans le cadre de leur emploi.

Le débat

Malgré la tendance législative qui semble se dessiner, de nombreuses personnes issues des milieux juridiques et des ressources humaines doutent de la pertinence de cette loi. Si certaines d’entre elles estiment suffisante la législation actuelle sur l’emploi et les normes du travail, comme la LNE en Ontario, d’autres sont d’avis que l’imposition de politiques ou de réglementations en matière de déconnexion risque d’entraver la modernisation du milieu de travail. Cela pourrait dissuader les employeurs d’offrir un régime de télétravail ou des horaires de travail flexibles.

On craint également que la législation qui régirait le droit à la déconnexion soit trop restrictive, particulièrement à ce qui attrait au dynamisme du monde du travail. Cet univers, en constante évolution et souvent inhérent à des conditions hautement personnelle qui, de surcroît, varie en fonction du secteur d’activité. Cette diversité pourrait poser un certain nombre de problèmes aux légistes, surtout si on y ajoute le rythme fulgurant auquel la technologie évolue.