une main qui tient une guitare

Perspectives

Clauses d’arbitrage : attention à la cohérence dans vos bons de commande

Electek Power Services Inc v. Greenfield Energy Centre Limited Partnership, 2022 ONSC 894 (l’« arrêt EPS »)est un rappel brutal qu’il est capital, même dans le contexte d’une relation commerciale de longue date, de continuer à examiner ses bons de commande. Dans cette affaire, la Cour a déterminé que les modalités d’un bon de commande liées à des questions d’arbitrage ne s’appliquaient pas nécessairement à des services futurs si ces dernières n’étaient pas mentionnées dans les bons de commande ultérieurs ou qu’elles n’y étaient pas jointes. Les modalités des ententes subséquentes auraient donc préséance et invalideraient toute clause d’arbitrage précédente.

Points à retenir

L’arrêt EPS vient enfin confirmer qu’une convention d’arbitrage est une entente en soi, distincte du contrat de base, et qu’elle reflète l’intention – ou l’absence d’intention – des parties d’aller de l’avant avec une certaine méthode de règlement de différends.

Concrètement, ce dossier est un signal clair qu’à moins que des mesures n’aient été prises pour créer une convention d’arbitrage, les tribunaux ne déduiront pas l’existence d’une clause d’arbitrage d’autres ententes contractuelles existantes ou passées. Il est donc judicieux, pour des parties qui préfèrent régler d’éventuels litiges en arbitrage, de rédiger une convention-cadre de services s’appliquant à tous leurs bons de commande, et d’y inclure entre autres une clause d’arbitrage.

Contexte

Electek Power Services Inc. (« Electek ») a demandé l’annulation de la décision d’un tribunal arbitral dans un litige l’opposant à Greenfield Energy Centre Limited Partnership (« Greenfield »). En guise de contexte, Greenfield exploitait une centrale électrique en Ontario et Electek, de l’équipement à haute tension. En 2009, Greenfield et Electek ont signé le document « Purchase Order General Terms and Conditions » (« POGTC »), qui contenait une disposition d’arbitrage exécutoire.

En 2011, Electek a répondu à une demande de proposition de Greenfield, en précisant que les travaux seraient effectués conformément à ses modalités habituelles. La soumission d’Electek a été retenue, et la société a fourni les services convenus. Le premier bon de commande a été remis en 2011; s’en sont suivis de nombreux autres, généralement après l’exécution des travaux.

Greenfield n’a toutefois jamais annexé les modalités du POGTC (ou l’entente elle-même) à ses bons de commande à Electek. Autre fait important, Greenfield signait également les feuilles de temps d’Electek, lesquelles comprenaient ses propres modalités, mais aucune entente d’arbitrage.

Détails du litige

En 2018, Greenfield a fait appel à Electek pour effectuer des travaux d’urgence sur un transformateur de sa centrale électrique. Un bon de commande a été produit après la prestation des services. Comme à l’habitude, le POGTC n’y était pas joint. Plus tard, un litige est survenu lorsque Greenfield a allégué que les services d’Electek avaient causé 10 M$ de dommages à sa centrale. En 2020, Greenfield a demandé une indemnisation à ce titre et entamé des procédures d’arbitrage.

Electek a contesté la demande d’arbitrage de Greenfield. Pendant les procédures, le tribunal arbitral a unanimement décidé qu’il avait la compétence pour se prononcer sur le litige. Electek a ensuite demandé l’annulation de la décision du tribunal auprès de la Cour supérieure de justice de l’Ontario en vertu du paragraphe 17(8) de la Loi sur l’arbitrage. La Cour a déterminé qu’il n’existait en fait aucune entente d’arbitrage valide entre les parties, et que le tribunal arbitral n’avait donc pas compétence.

Requête à la Cour

La Cour a réitéré le principe bien établi selon lequel les ententes d’arbitrage relèvent du droit des contrats; les arbitres ont compétence en ce qui concerne la formation du contrat, son interprétation, son exécution et son application.

Elle a en outre déterminé que les parties n’avaient pas fixé les modalités fondamentales de leur marché. Bien qu’elles aient signé le POGTC, les parties devaient prendre des mesures supplémentaires pour définir les modalités des services offerts par la suite, en annexant le POGTC ou une mention explicite au bon de commande connexe. Puisque cela n’a pas été fait, la Cour a statué que le POGTC ne s’appliquait pas dans l’espèce.

Elle a aussi jugé que les travaux en litige avaient été exécutés avant la production du bon de commande par Greenfield. Le fait que Greenfield signe les feuilles de temps d’Electek constituait un consentement exprès aux modalités de ces dernières (qui ne contenaient pas de disposition d’arbitrage). Compte tenu de cette constatation, la Cour a conclu que celles-ci étaient les seules modalités en vigueur au moment de la prestation des services en litige.

La décision du tribunal a au bout du compte été annulée, au motif qu’il n’existait aucune entente d’arbitrage entre Greenfield et Electek en ce qui a trait au bon de commande ou aux travaux effectués.

Conclusion

Comme c’est le cas dans tout contrat, les parties doivent consentir à l’arbitrage pour qu’une entente en ce sens soit mise en place. Ce consentement peut être prévu dans les bons de commande, notamment au moyen d’une annexe ou d’une mention explicite. L’arrêt EPS sert de mise en garde aux organisations dont les contrats ne comprennent pas de modalités adéquatement négociées. 

Communiquez avec nous

Pour plus d’information sur la rédaction de documents contractuels et la mise en œuvre de procédures stratégiques concernant des services actuels ou futurs, veuillez communiquer avec l’auteur ou les autrices de cet article, l’une des personnes-ressources dont le nom figure ci-après, ou le groupe Droit de la construction de BLG.

Principaux contacts