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L’emploi de dessins, une contrefaçon de brevet d’appareil? Non, selon la Cour suprême du Canada

L’emploi de dessins, une contrefaçon de brevet d’appareil? Non, selon la Cour suprême du Canada

Le 3 juillet dernier, la Cour suprême du Canada (CSC) a rejeté la demande d’autorisation d’appel dans l’affaire opposant Steelhead LNG et ARC Resources. Le droit établi demeure donc inchangé : la présentation de dessins techniques ne porte pas atteinte aux revendications sur un appareil, un système ou une méthode.

Devant la Cour d’appel fédérale (CAF) et la Cour fédérale (CF), Steelhead a prétendu qu’ARC avait « exploité » son invention et contrefait son brevet en montrant des dessins, un mémoire descriptif et une estimation de coûts à des partenaires d’affaires et parties prenantes potentiels. Le brevet en cause porte sur un appareil, des systèmes et des méthodes pour la liquéfaction du gaz naturel.

Décision de la Cour fédérale au procès sommaire

La CF a analysé cet argument nouveau dans le cadre d’un procès sommaire. À cette occasion, ARC a convenu que la CF pouvait présumer de la validité du brevet, et que si l’usine visée par les dessins était construite, exploitée ou vendue, il y aurait alors contrefaçon. Pour la CF, la question était donc de savoir « si l’étude conceptuelle faite par [ARC] en vue de la construction éventuelle d’une installation de GNL (comme le prévoit l’étude préliminaire de KBR) et la présentation de celle-ci à des intervenants tiers [pendant la période visée] constitu[ait] une exploitation du brevet 085, en violation de l’article 42 de la Loi sur les brevets » (paragr. 39).

Il incombait à Steelhead de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’ARC avait utilisé tous les éléments essentiels d’une des revendications du brevet. Selon Steelhead, l’article 42 de la Loi sur les brevets doit recevoir une interprétation téléologique plutôt que littérale, et toute activité procurant un avantage commercial à un contrefacteur présumé constitue une contrefaçon. En l’espèce, la présentation de l’étude préliminaire avait prétendument était faite pour permettre à ARC d’accroître sa crédibilité dans le secteur et d’établir une relation d’affaires; il s’agissait donc d’une exploitation assortie d’un avantage commercial en violation de l’article 42.

La CF a étudié l’arrêt Monsanto de la Cour suprême, qui fait une interprétation téléologique et contextuelle du verbe « exploiter » à l’article 42. Elle a ensuite conclu que si l’argument de Steelhead utilisait les principes articulés dans cet arrêt, il ne tenait pas compte du fait que l’invention brevetée (appareil, système ou méthode) n’existait pas pendant la période visée. Elle ne pouvait donc pas être exploitée (paragr. 79). Selon la CF, l’invention revendiquée était « un appareil, un système ou une méthode, réel et physique, utilisant un tel appareil, et non un dessin de cet appareil » (paragr. 80). La CF a aussi confirmé que l’action n’était pas préventive, mais prématurée : même si une intention de contrefaire était démontrée, la contrefaçon elle-même ne le serait pas.

Décision de la Cour d’appel fédérale sur le procès sommaire

La CAF a rejeté l’appel de Steelhead, au motif que [traduction] « l’interprétation nouvelle et étendue du terme “exploiter” proposée en appui de l’action en contrefaçon ne tire son fondement ni du libellé de la Loi sur les brevets ni des principales décisions l’interprétant » (paragr. 3). Elle a aussi conclu que cette nouvelle interprétation minerait le marché inhérent à l’octroi d’un brevet et créerait de l’incertitude autour d’un aspect pourtant bien établi du droit.

La CAF a conclu que le juge de première instance n’avait pas erré dans son interprétation de l’article 42 de la Loi sur les brevets. Il ne peut y avoir contrefaçon que si c’est l’invention revendiquée qui est exploitée. Pour en arriver à cette conclusion, la CAF a elle aussi étudié l’arrêt Monsanto et les décisions qui y sont citées en lien avec l’exploitation.

La CAF s’est attardée à l’emploi des termes « invention » et « objet de l’invention » dans les versions anglaise et française, respectivement, de l’article 42. Selon Steelhead, « objet de l’invention » se rapporte à un but ou à un avantage plutôt qu’à un bien matériel. La CAF n’a pas retenu cette interprétation, qu’elle estime incohérente avec l’utilisation qui est faite du terme ailleurs dans la Loi sur les brevets.

Selon la CAF, [traduction] « la question n’est pas de savoir si l’avantage commercial est utile à l’analyse, mais s’il est réalisé dans le contexte d’activités commerciales de la défenderesse utilisant l’objet breveté » (paragr. 67; soulignements dans l’original). L’objet breveté est l’objet de l’invention, ou l’invention elle-même telle qu’elle est définie dans les revendications. Puisque l’appareil n’existe pas au Canada, il n’y avait [traduction] « pas d’avantage commercial dans le contexte d’activités commerciales utilisant l’objet breveté » (paragr. 67). De plus, dans un cas, comme en l’espèce, où la construction de l’usine revendiquée peut prendre plus d’une décennie, interdire aux concurrents de commencer des travaux préliminaires en lien avec celle-ci aurait pour effet d’étendre le monopole du brevet, ce qu’on veut éviter.

La CAF a conclu que si le but ou l’avantage associé à une invention était visé par les droits exclusifs du brevet, les inventeurs ne pourraient pas contourner le brevet ou trouver des solutions qui ne constituent pas une contrefaçon. La protection conférée par le brevet ne vise pas l’identification du résultat souhaité, mais plutôt l’explication du moyen précis d’en arriver à ce résultat.

Décision sur le fond

La CSC a refusé d’entendre l’appel sur la décision de la CAF sur le bien-fondé du brevet, où l’on a conclu que toutes les revendications sauf cinq étaient invalides pour cause d’évidence ou d’antériorité (ou les deux). Cette décision pourrait devenir pertinente si l’usine prévue dans les plans était bâtie.

À retenir

Les demanderesses souhaitent faire reconnaître une nouvelle interprétation de l’article 42 élargissant la notion d’exploitation. La décision de la CAF sur le procès sommaire a confirmé que lorsqu’un brevet porte sur un appareil, un système ou une méthode, cet appareil, ce système ou cette méthode doit exister pour qu’il y ait contrefaçon. Les simples dessins ou plans ne suffisent pas.

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