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La Cour fédérale confirme le processus de modification des projets évalués en vertu de la LCEE de 2012

Au Canada, les projets de grande envergure qui doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale ou d’une évaluation d’impact ne sont pas statiques : leurs besoins peuvent changer et leurs plans peuvent évoluer jusqu’à leur démarrage et au fur et à mesure de leur exécution. Pour les promoteurs, cela représente une question névralgique : quelles seront les incidences de ces changements sur les permis environnementaux qui leur ont déjà été délivrés et quelle forme prendra le processus de modification?

Dans une décision récente, la Cour fédérale a apporté des précisions notables, en confirmant que les modifications proposées par les promoteurs doivent être évaluées selon les mêmes normes que celles de l’évaluation initiale.

Dans l’affaire Citizens for My Sea to Sky c. Canada (Environnement et Changement climatique), 2025 CF 1119, la Cour fédérale a confirmé que, lorsqu’un projet a initialement fait l’objet d’une déclaration de décision sous le régime fédéral de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), maintenant abrogée, L.C. 2012, c. 19 (la LCEE de 2012), les modifications proposées à ce projet peuvent être évaluées selon la définition plus étroite des « effets environnementaux » énoncée à l’art. 5 de la LCEE de 2012. Les modifications n’ont pas à être évaluées selon la définition plus large des « effets négatifs relevant d’un domaine de compétence fédérale » de l’actuelle Loi sur l’évaluation d’impact, L.C. 2019, ch. 28 (la LEI).

Contexte

Woodfibre LNG, le promoteur d’une installation de gaz naturel liquéfié à Squamish, en Colombie-Britannique (le projet) a initialement reçu la déclaration de décision du projet en mars 2016. À l’époque, la LCEE de 2012 était toujours en vigueur, et la déclaration de décision avait été délivrée conformément au processus d’évaluation se substituant à l’évaluation environnementale que prévoyait cette loi. Le projet a également reçu les autorisations de l’Environmental Assessment Office (EAO) de la Colombie-Britannique et de la Nation Squamish.

En 2019, Woodfibre LNG a demandé que sa déclaration de décision fédérale soit modifiée pour intégrer au projet des logements flottants destinés aux travailleurs, désignés sous le nom de « floatels ». Entre la délivrance de la déclaration de décision initiale et la demande de modification, la LCEE de 2012 a été abrogée et remplacée par la LEI.

Bien que la LEI permette expressément au ministre de modifier une déclaration de décision (art. 68), les dispositions relatives à la modification ne précisent pas explicitement comment le processus de modification doit être mené. C’est notamment le cas si, pour un projet qui a initialement fait l’objet d’une déclaration de décision sous le régime de la LCEE de 2012, les modifications proposées doivent être évaluées selon les critères plus étroits des « effets environnementaux » énoncés à l’article 5 de la LCEE de 2012 ou selon la définition plus large des « effets négatifs relevant d’un domaine de compétence fédérale » de la LEI actuelle.

Une longue période s’est écoulée avant que la demande de modification n’aboutisse à une décision, en partie en raison des retards liés à la COVID-19. En novembre 2023, l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (l’Agence) a décidé qu’aucune modification à la déclaration de décision existante n’était nécessaire.

Contrôle judiciaire

Pour parvenir à sa décision, l’Agence a évalué les modifications proposées en s’appuyant sur la définition des « effets environnementaux » prévue par la LCEE de 2012, c’est-à-dire selon la même définition que celle utilisée pour l’évaluation du projet lorsqu’il avait été initialement autorisé en 2016.

Deux groupes de demandeurs ont saisi la Cour fédérale d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’Agence, en partie au motif que l’examen par l’Agence des « effets environnementaux » au sens de la LCEE de 2012 était déraisonnable.

La Cour fédérale a rejeté cette thèse et a conclu que la décision de l’Agence était raisonnable. Selon les demandeurs, l’évaluation des modifications à la lumière de la définition élargie des effets environnementaux prévue par la LEI serait plus compatible avec les objectifs de cette dernière, car elle permettait de mieux prévenir ou atténuer les effets négatifs relevant d’un domaine de compétence fédérale et de mieux favoriser la durabilité. La Cour a toutefois fait observer que la LEI avait également d’autres objectifs, notamment celui de garantir que les processus qu’elle établit soient « équitables, prévisibles et efficaces », ajoutant que les dispositions transitoires de la LEI [TRADUCTION] « témoignent de la volonté du législateur de ne pas soumettre aux exigences renforcées de la [LEI] les projets dont l’évaluation avait commencé en vertu de la [LCEE de 2012], avant l’entrée en vigueur de la [LEI] ».

La Cour fédérale a également estimé que la décision de l’Agence n’était pas incompatible avec le texte de la LEI. Le paragraphe 68(2) de la LEI, qui porte sur les demandes de modification, interdit au ministre de modifier la déclaration de décision d’une manière qui aurait pour effet « d’accroître la mesure dans laquelle les effets identifiés dans le rapport d’évaluation d’impact à l’égard du projet sont négatifs » (emphase non présente dans l’original). Le passage mis en gras indique que les effets en question sont ceux qui ont déjà été « identifiés » lors de l’évaluation du projet. S’agissant d’un projet évalué en vertu de la LCEE de 2012, il est raisonnable d’interpréter cette formulation comme faisant référence aux « effets environnementaux » tels que définis à l’art. 5 de LCEE de 2012.

Comme elle a examiné cette décision selon la norme de contrôle de la décision raisonnable, la Cour n’a pas procédé à sa propre analyse fondée sur l’interprétation de la loi ni tranché sur l’interprétation « correcte » des dispositions de la LEI relatives aux demandes de modification. Cette décision indique toutefois clairement que l’Agence agit de manière raisonnable lorsqu’elle examine les demandes de modification de projets approuvés sous le régime de la LCEE de 2012 en se fondant sur la définition des « effets environnementaux » de cette loi, en appliquant ainsi les mêmes critères que lors de la première évaluation.

Comme la décision de l’Agence était raisonnable, la Cour a rejeté les deux demandes de contrôle judiciaire.

Portée

La Cour fédérale a apporté des éclaircissements sur le processus de modification des projets initialement autorisés en vertu de la LCEE de 2012. Elle a précisé que l’évaluation des effets potentiels d’une modification proposée doit se faire en fonction des « effets environnementaux » énoncés à l’art. 5 de la LCEE de 2012. Cette démarche permet d’éviter que des projets qui avaient initialement été évalués selon une série de critères ne soient, lors de l’examen d’une demande de modification, réévalués en fonction de critères élargis. La décision de la Cour fédérale établit ainsi un cadre stable et uniforme pour les projets initialement autorisés en vertu de la LCEE de 2012, malgré la révision de la loi.

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BLG a agi en qualité de conseiller juridique auprès de Woodfibre LNG. Son équipe était dirigée par Rick Williams et Alysha Flipse.

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