Contexte
Avec des conventions de gestion centralisée de la trésorerie, les organisations multinationales rationalisent la gestion de leurs liquidités. Elles visent à permettre la circulation peu coûteuse des excédents de trésorerie entre entités affiliées établies dans des territoires différents. Ces conventions peuvent prendre des formes diverses, mais elles se divisent néanmoins en deux catégories fondamentales :
- conventions de gestion centralisée de la trésorerie physique
- conventions de gestion centralisée de la trésorerie théorique
Dans le cadre d’une gestion centralisée de la trésorerie physique, le comptant excédentaire est transféré des institutions où chaque entité du groupe détient ses comptes au compte centralisé de la société affiliée de « financement ». Le comptant est ensuite livré aux entités du groupe selon les besoins de chacune. En général, ces transferts sont traités comme des prêts intersociétés.
Avec la gestion centralisée de trésorerie théorique, plus besoin de transferts de comptant ni de prêts intersociétés : une banque sans lien de dépendance fait le suivi des soldes créditeurs et débiteurs des entités participantes. Habituellement, les participants avec un solde positif gagnent des intérêts, tandis que ceux avec un solde négatif paient des intérêts sur le découvert. Avec la convention de gestion de la trésorerie théorique, les sociétés du groupe qui ont un découvert profitent de taux plus avantageux que ceux qui s’appliqueraient à un prêt obtenu directement auprès de la banque.
Lors des congrès canadiens de l’Association fiscale internationale en 2024 et 2025, l’Agence du revenu du Canada a présenté une mise à jour de ses lignes directrices en matière de conformité sur les conventions de gestion centralisée de la trésorerie théorique.
a. Exigences applicables aux revenus d’intérêts de déposants canadiens
Selon l’Agence du revenu du Canada, les dispositions fiscales anti-évitement sur les prêts adossés peuvent s’appliquer aux sociétés canadiennes qui affichent une position de dépôt nette (c’est-à-dire qui fournissent de la trésorerie) à la banque sans lien de dépendance. Selon ces dispositions, le déposant canadien pourrait être réputé avoir accordé un prêt direct aux sociétés affiliées qui ont obtenu un prêt à la banque.
Pour que le déposant canadien puisse éviter les conséquences fiscales défavorables des règles sur les prêts adossés, l’une des trois dispositions suivantes doit s’appliquer : a) le dépôt de la société canadienne déposante doit être remboursé un an après la fin de l’année d’imposition où le dépôt a été initialement effectué, et le remboursement ne doit pas faire partie d’une série de prêts ou de remboursements; (b) la société canadienne déposante remet la retenue d’impôt sur le montant du prêt, au même taux que celui qui s’applique aux dividendes; (c) la société canadienne fait le choix de « prêt ou dette déterminé » (PODD) et elle accumule des revenus d’intérêts au taux prescrit.
Enjeux :
i. Les conventions de gestion centralisée de la trésorerie constituent-elles des séries de prêts et remboursements?
Il faudrait une analyse approfondie des dépôts et retraits de la société canadienne pour déterminer si on peut considérer que la banque de financement a remboursé la totalité des prêts ou si ces dépôts et retraits ne constituent qu’un flux continu de rentrées et sorties de fonds dans le compte de trésorerie centrale de la société canadienne déposante. Selon l’Agence du revenu du Canada, les excédents de trésorerie visés par une convention de gestion centralisée de la trésorerie pourraient faire partie d’une série de prêts et de remboursements.
ii. Comment calculer la retenue d’impôt à verser
Si la société canadienne ne rapatrie pas les liquidités au cours de la période d’exonération prescrite, le dépôt est réputé, aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu, être un dividende versé à la société affiliée qui affiche un découvert à la banque de financement. Le dividende est assujetti à la retenue fiscale canadienne, qui sera remboursée quand la société canadienne ne sera plus déposante dans la trésorerie centrale. Le facteur principal à considérer est le taux à appliquer pour la retenue sur ce dividende réputé. Par défaut, on appliquerait une retenue de 25 % sur le dépôt, soit le minimum prévu par la Loi de l’impôt sur le revenu. Sinon, on peut tenter de relier les dépôts de la société canadienne à chacun des découverts de chacune des sociétés affiliées pour faire appliquer les taux des conventions fiscales, qui sont inférieurs à 25 %, aux dépôts de la société canadienne dans la trésorerie centrale. Par contre, la tâche risque fort d’être colossale et fastidieuse.
iii. Le choix de PODD facilite-t-il la conformité?
Le choix de PODD donnerait à la société canadienne déposante la possibilité de recevoir des intérêts au taux prescrit pas la Loi de l’impôt sur le revenu ou à celui de la banque de financement, s’il est plus élevé. Le taux prescrit pour le troisième trimestre de 2025 s’élève à 6,62 %. Pour exercer le choix de PODD, le contribuable et la société mère non résidente doivent produire un formulaire de choix conjoint.
Avec une convention de gestion centralisée de la trésorerie théorique, le nombre de participants et les fluctuations dans les comptes sont bien plus grands, ce qui pourra faire augmenter le nombre d’opérations à indiquer sur le formulaire. L’Agence du revenu du Canada a annoncé qu’elle allait élaborer un formulaire de choix simplifié; on l’attend toujours.
b. Exigences de déclaration des débiteurs canadiens dans une convention de gestion centralisée de la trésorerie théorique
Si la société canadienne devient un débiteur (si elle affiche un découvert) dans le cadre de la convention, elle devra produire le formulaire de déclaration de renseignements fiscaux RC312, car la convention est une « opération à signaler ». Au contraire, si la société canadienne est uniquement déposante et qu’on peut s’attendre à ce qu’elle le reste, la convention ne constitue pas une opération à signaler.
Enjeux :
i. Déterminer les exigences de conformité pour une opération à signaler
La société canadienne débitrice doit déterminer si elle est absolument tenue de produire le formulaire RC312 auprès de l’Agence du revenu du Canada. Plus précisément, la convention de gestion centralisée de la trésorerie constitue une opération à signaler si la société canadienne débitrice doit produire une déclaration dans l’une ou l’autre des situations suivantes : sa dette n’est pas assujettie aux dispositions relatives à la capitalisation restreinte; les intérêts sur cette dette ne sont pas assujettis à une retenue d’impôt (parce que les intérêts sur l’avance ne devraient pas être assujettis à une retenue d’impôt canadienne); le taux de la retenue fiscale attribuable au solde de la dette auprès de l’intermédiaire financier est plus bas que celui qui s’appliquerait pour un prêt consenti par une société affiliée à la société canadienne débitrice.
ii. Établir le taux applicable de la retenue d’impôt canadienne
Enfin, même si la société canadienne n’entend pas être partie à la convention de gestion centralisée de la trésorerie pour faire réduire le taux de la retenue fiscale, celui-ci peut rester difficile à établir clairement. Par exemple, si la société canadienne est un des débiteurs dans une convention de gestion centralisée de la trésorerie théorique, les taux de retenue fiscale applicables aux intérêts attribuables aux créanciers des autres débiteurs pourraient varier d’un territoire à l’autre. Il est difficile de déterminer les créancières de la société canadienne parmi les sociétés non résidentes et la part de la dette qui leur est attribuable. Même si la société canadienne déposante peut exercer un choix aux termes des règles sur les prêts adossés et ainsi désigner l’une des sociétés affiliées comme destinataire des paiements d’intérêts effectués par l’entité canadienne, l’entité désignée doit être assujettie au taux de retenue fiscale le plus élevé qui s’appliquerait si c’était l’entité canadienne qui effectuait les paiements d’intérêts.
Points à retenir
On a couramment recours aux conventions de gestion centralisée de la trésorerie pour réduire les coûts de financement. Par contre, il ne faut pas ignorer les aspects fiscaux. Les conventions de gestion centralisée de la trésorerie qui comprennent des participants canadiens doivent tenir compte des aspects suivants.
- La société canadienne est déposante :
- La société peut-elle atténuer l’application des règles sur les prêts adossés?
- Le choix de PODD est-il recommandé?
- Quels taux de retenue fiscale faut-il appliquer?
- La société canadienne est débitrice nette :
- La convention constitue-t-elle une opération à signaler?
- Quels documents faut-il produire?
- Quels taux de retenue fiscale faut-il appliquer?
Dans tous les cas, il faut surveiller constamment les conventions de gestion centralisée de la trésorerie théorique pour assurer la conformité aux obligations fiscales au Canada.
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