Foule de gens interconnectés

Pleins feux sur nos anciens et anciennes : Un entretien avec Jenna Kaye

Jenna KayeAprès un passage prometteur en valeurs mobilières, Jenna Kaye s’est taillé une place à l’avant-garde de l’entrepreneuriat en mettant sur pied plusieurs sociétés dans les secteurs de la finance, de la cryptomonnaie et de l’action sociale. À titre de fondatrice et cheffe de la direction d’Odyssey Trust, une institution financière qui renverse l’ordre établi, elle redéfinit les limites du possible dans un secteur hautement traditionnel. Lors d’un récent entretien avec Melinda Park, associée directrice du bureau de Calgary de BLG, Jenna a parlé des valeurs qui l’animent, de sa vision pour construire un monde des affaires plus inclusif et du pouvoir du mentorat lorsqu’il s’agit de bâtir une carrière influente.

Le saut entrepreneurial : résilience, persévérance et gestion allégée

Melinda Park (MP) : Tu as mené une carrière fructueuse en droit avant de fonder une institution financière qui renverse l’ordre établi. C’est tout un changement. Quelles sont les valeurs ou les expériences qui t’ont donné le courage de faire le saut?

Jenna Kaye (JK) : L’entrepreneuriat repose en grande partie sur la résilience et la persévérance. J’ai développé ces compétences essentielles en pratiquant un sport de haut niveau avant de devenir avocate. Les athlètes apprennent rapidement qu’il faut faire preuve de résilience face à l’adversité pour arriver au sommet. C’est la même chose dans le monde des affaires. On affronte de nouveaux défis chaque jour, et c’est la résilience qui nous aide à trouver la confiance nécessaire pour avancer.

La persévérance est le revers de cette médaille. Imagine une équipe sportive qui n’a plus que deux minutes pour rattraper un retard de dix points. Les gens d’affaires vivent la même chose. Il faut apprendre à persévérer dans les moments difficiles. Au début, les gens me demandaient pourquoi je me lançais dans les services de transfert. On me disait que le marché des PAPE était mort. Deux ans plus tard, celui-ci a connu un essor fulgurant. Nous avons géré la plupart des PAPE réalisés depuis, puisqu’ils touchaient des secteurs émergents. Il faut se rendre au premier but avant d’arriver au deuxième. Il faut faire le saut.

La persévérance a été essentielle à notre croissance. Notre entreprise a fait son entrée aux États-Unis il y a quelques années. Nous avons dû affronter de nouveaux défis, mais l’expérience a été très enrichissante. Nous sommes maintenant bien implantés là-bas, et j’y vais presque chaque semaine pour stimuler notre croissance.

J’ai aussi eu la chance d’être entourée de personnes qui me disaient : « Pourquoi pas toi? » Je crois que les femmes ne doivent pas hésiter à tenter leur chance, même si elles n’ont l’impression d’être prêtes qu’à 80 %. Une fois que la porte est ouverte, tout change.

MP : Au début, tu t’occupais de tout dans ton entreprise, qu’il s’agisse de trouver des investisseurs ou d’obtenir les approbations réglementaires. Quelles sont les habitudes quotidiennes ou les cadres qui t’ont aidée à rester disciplinée?

JK : Tout d’abord, nous avons appliqué les principes de la gestion allégée dès le départ, et nous le faisons encore aujourd’hui. Quand j’étais à Vancouver pour y ouvrir notre bureau, je dormais dans une auberge de jeunesse pour ne pas dépasser notre budget. Nous voulions montrer que nous étions rentables. Pendant que d’autres entreprises technologiques se concentraient sur les dépenses et investissaient massivement dans leurs activités, nous étions toujours à la recherche de façons de protéger notre capital et de prouver notre rentabilité. Cet état d’esprit fait partie intégrante d’Odyssey.

Je n’ai jamais arrêté de me dire : « Pourquoi pas moi? Pourquoi pas nous? » Quand nous cherchions à devenir une institution fédérale, les gens nous disaient que ce n’était pas la place d’une petite entreprise albertaine dirigée par une femme. Même les organismes de réglementation nous disaient qu’ils n’avaient jamais reçu une telle demande de la part d’une femme. Ça m'a donné encore plus envie de persévérer.

Paver la voie pour les femmes en affaires

MP : Grâce à ton travail avec des organismes comme Axis Connects, tu cherches activement à accroître la diversité dans les postes de direction. Quels progrès as-tu constatés et quels changements sont encore nécessaires?

JK : Axis fait un travail remarquable. La communauté de femmes passionnées par la cause s’est développée de façon exponentielle, et je suis ravie de voir que les hommes s’investissent tout autant. En Alberta, la proportion de femmes dans les conseils d'administration est passée de 12 % à 27 % depuis que nous avons commencé nos efforts. Sans dire que c’est entièrement grâce à nous, nous y sommes certainement pour quelque chose. C’est plus facile d’en parler maintenant.

En ce qui concerne les changements nécessaires, je crois que notre pays a besoin d’un système de garderie et de congé parental beaucoup plus solide. C’est formidable d’avoir des garderies à 10 $, mais je ne comprends pas pourquoi on ne traite pas les éducateurs et éducatrices de la même manière que les enseignantes et enseignants de la maternelle. En l’Alberta, la maternelle ne dure que deux heures et demie par jour. Comment peut-on concilier cela avec une carrière?

Il reste aussi beaucoup de chemin à faire en matière de fertilité. Les femmes qui exercent des professions exigeantes, comme celles dans le domaine juridique, ont souvent des enfants plus tard dans leur vie. J’ai eu recours à la fécondation in vitro pour donner naissance à mes filles, j’en ai souvent parlé et je crois que ça devrait être gratuit. Les employeurs et les gouvernements ont tout à gagner à ce que les femmes aient les ressources financières nécessaires pour devenir mère.

Le pouvoir du mentorat et l’importance de donner l’exemple

MP : Qui t’a particulièrement marquée chez BLG?

JK : Jon Doll, sans l’ombre d’un doute. Jon m’a fait découvrir le potentiel du mentorat quand j’étais avocate. Il m’a pris sous son aile et m’a offert une expérience d’apprentissage inestimable. C’est un excellent exemple de l’effet positif que peuvent avoir les hommes lorsqu’ils appuient la carrière d’une femme. Jon continue de m’épauler en tant que secrétaire général d’Odyssey. Il comprend parfaitement nos objectifs et nous aide à trouver le moyen de les atteindre.

MP : Comment cette expérience a-t-elle influencé ton style de mentorat?

JK : La meilleure façon de diriger une personne, c’est d’être honnête quant au réalisme de ses aspirations et sur l’aide qu’on pourra lui offrir. Mais parfois, il faut aussi la laisser se débrouiller. Enfin, c’est important d’encourager les comportements qu’on souhaite voir émerger. Chez Odyssey, l’un de nos mantras est « livre la marchandise ». Nous accordons une grande importance à l’esprit d’initiative et encourageons notre personnel à rechercher des occasions de mentorat, à demander de l’aide et à lever la main.

MP : Quelle a été ta plus grande fierté dans ta carrière?

JK : Je ne suis pas quelqu’un qui éprouve beaucoup de fierté, et je crois que c’est malheureusement le cas de la plupart des femmes. Mais les moments où je me sens vraiment fière, c’est quand je vois mon équipe réussir et que je constate à quel point les gens sont heureux de travailler chez Odyssey. Je pense à tout ce que pourraient accomplir mes filles si elles travaillaient dans un environnement comme le mien.

Il m’arrive d’attraper des bribes de conversations sur Odyssey, et c’est vraiment extraordinaire. Je pense notamment à une recrue de 24 ans dans notre équipe de services aux actionnaires, qui disait : « Le travail m’intimidait avant que j’arrive chez Odyssey. J’adore ma patronne et les occasions qui s’offrent à nous ici. Je n’arrive pas à croire qu’un tel endroit existe. » Quand j’entends ça, je me dis que je suis vraiment à la bonne place.