Foule de gens interconnectés

Nos étoiles : Un entretien avec Sébastien Berthelet

HeadshotDe jeune avocat transactionnel chez BLG à leader de la stratégie juridique pour l'un des plus grands investisseurs en immobilier au Québec, le parcours de Sébastien Berthelet est marqué par une progression constante des responsabilités d'affaires qui lui sont confiées. Aujourd'hui vice-président aux affaires juridiques au Fonds immobilier de solidarité FTQ, il discute avec notre associé Stéphane Richer de sa carrière, de sa transition récente vers l'immobilier et de leçons de leadership inattendues, validées non pas dans une salle de conseil, mais en haute mer avec sa famille.

Une recherche d'équilibre : développement et rendement

Stéphane Richer : Tu as passé 18 ans au sein des équipes de capital-investissement du Fonds de solidarité FTQ et tu occupes maintenant un poste dans sa filiale immobilière. Qu'est-ce qui a motivé ce changement?

Sébastien Berthelet : C'est un peu une continuité de mon départ de BLG, à l’époque. Je cherchais à me rapprocher encore plus du volet affaires. Après 18 ans au Fonds de solidarité, j'avais envie d'aller encore plus loin dans mon implication dans les décisions stratégiques de l'organisation. Je me suis éloigné un peu du quotidien des transactions pour maintenant être membre du comité de direction. C'est vraiment un autre niveau de responsabilité stratégique, mais le poste que j'occupe reste très proche des transactions. J'ai le meilleur des deux mondes.

SR : Comment ton expérience en droit transactionnel et en capital-investissement a-t-elle influencé ton approche dans la supervision des affaires juridiques immobilières?

SB : Mon bagage en droit transactionnel est directement applicable. L'essentiel est là : négocier des conventions, structurer des partenariats, gérer des équipes et, anticiper les stratégies de sortie. Quand tu conclus un partenariat d'affaires, il faut prévoir comment tu vas gérer la relation avec le partenaire jusqu’à la sortie, qui peut être dans cinq, sept ou dix ans. Je connaissais moins le développement immobilier précisément, mais tout ce qui entoure l’encadrement juridique d’une relation d’affaire, je l'ai pratiqué pendant 25 ans.

Je connais aussi l'organisation de fond en comble. Je connais les préoccupations sociales, réputationnelles et de rendement du Fonds de solidarité, ce qui m'aide énormément. Le Fonds immobilier est une filiale du Fonds de solidarité FTQ et partage la même mission : faire rouler l'économie du Québec tout en générant du rendement pour nos 800 000 actionnaires, soit monsieur et madame Tout-le-Monde qui cotisent à leur REER par notre entremise.

Le Fonds immobilier se spécialise dans le développement immobilier au Québec, en partenariat avec les meilleurs promoteurs privés. Nous finançons généralement 50 % de l’équité d'un projet, mais nous ne sommes pas des développeurs nous-mêmes. Une fois qu'un immeuble est stabilisé à un certain seuil de locations ou ventes d’unités, nous amorçons un processus de vente de l’immeuble pour faire rouler notre capital vers de nouveaux projets.

Les défis d'un secteur en mutation

SR : Quels sont trois facteurs qui auront une grande incidence sur la mission du Fonds immobilier dans les trois prochaines années?

SB : Premier facteur : les taux d'intérêt et les coûts de construction, qui ont une influence importante sur la rentabilité de nos projets. Ces deux éléments ont beaucoup affecté le marché des condos. Maintenant, on fait beaucoup plus de résidentiel locatif.

Deuxième facteur : l'équilibre entre logements abordables et logements au marché. Nous avons une crise du logement et le gouvernement nous demande de participer à l’effort au niveau du logement social et abordable. Nous répondons à l’appel, mais il nous faut garder un équilibre pour que notre modèle financier puisse fonctionner. Dans l'écosystème québécois, il faut les deux types de logements.

Troisième facteur : l'immobilier durable. Le projet de loi 41 est un game-changer. La loi [sur la performance environnementale des bâtiments] a été adopté en mars 2024 et il va désormais y avoir des obligations de performance environnementale pour les immeubles. On va catégoriser les immeubles, une cote leur sera attribuée, etc. On attend encore les règlements qui définiront les critères précis, mais ça va être majeur. Nous devons anticiper ces changements car nos projets prennent plusieurs années à développer, stabiliser et revendre, mais les règlements vont entrer en vigueur bien avant ça.

Du jeune avocat à l’homme d’affaires aguerri

SR : Si tu avais à nommer une personne qui t'a particulièrement marqué chez BLG, qui serait-elle?

SB : Deux personnes, en fait : André Dufour et John Godber. Quand je suis arrivé, je sortais de l'école, je n'avais jamais fait de transactions, je ne connaissais pas le droit contractuel, alors qu’eux étaient des chefs de file au bureau de Montréal. J'ai appris énormément en les côtoyant dans leurs dossiers en fusions et acquisitions. Ils m'ont inculqué un principe fondamental : chaque client doit sentir qu'il a toute votre attention, comme s'il était le seul. C’est chez BLG que j’ai fait mes premières armes comme stagiaire et avocat; ça a été une excellente formation de rigueur, de travail acharné et de service à la clientèle et ce sont des enseignements qui me suivent et me façonnent encore aujourd’hui.

SR : Une fois en poste au Fonds, quelles ont été tes impressions sur le travail juridique en entreprise?

SB : Un des grands bonheurs d’être avocat en entreprise, c'est qu’ultimement, c’est l’équivalent d'avoir un seul client. En pratique privée, quand tu as une multitude de clients avec chacun ses attentes différentes et des délais qui ne sont pas si différents – tout est pour demain – c'est parfois lourd à porter. Alors que quand tu travailles pour une seule entreprise, , tu la connais profondément. Tu connais ses positions, ses pratiques passées, ses sensibilités, ce qui est acceptable ou non dans les négociations; tu sais exactement sur quoi tu peux céder ou pas. C'est vraiment génial. 

SR : Pourquoi choisis-tu de garder le lien avec la communauté BLG?

SB : Pendant la dizaine d’années que j’ai passées chez BLG, j'ai développé des liens très proches avec beaucoup de gens. Aujourd’hui, ce qui est incroyable, ce ne sont pas seulement les liens avec ceux qui sont encore chez BLG, mais aussi le vaste réseau d'anciens qui sont maintenant partout dans le monde des affaires. C'est une communauté de contacts exceptionnelle et un réseau que je peux appeler pour valider une idée. De petites questions rapides mènent parfois à de plus grosses affaires qu'on travaille ensemble. Pour moi, c'est une mine d'or.

L'art de naviguer : leçons de leadership en haute mer

SR : Tu as pris le temps à deux reprises de faire des pauses prolongées pour aller naviguer avec ta famille. En quoi ces expériences ont-elles éclairé ton style de leadership?

SB : Ces voyages sont transformateurs en ce qu’ils remettent en perspective l'équilibre entre famille et travail.

Ce type de voyage te façonne aussi comme gestionnaire. Dans la gestion de mon équipe, je suis particulièrement sensible à la vie personnelle et familiale de mes collègues. Je suis convaincu qu’il est possible de conserver un équilibre sain sans qu’il n’y ait d’impact négatif sur la performance ou les impératifs professionnels. Les employés plus équilibrés et sereins dans leur vie personnelle et familiale sont des employés tout aussi engagés et performants, mais qui abordent simplement leur travail différemment.

Par ailleurs, traverser des océans en voilier pendant des mois exige énormément de préparation, d’anticipation, de calme et de gestion de stress et d’imprévus. Ce sont assurément des aptitudes qui me servent au travail chaque jour!